Une arrivée en Super League (alors LNA) à 17 ans, puis 42 sélections avec les M21, dont quelques-unes avec le brassard de capitaine; c'est peu dire que dès ses premiers pas chez les pros, Alain Rochat présentait le profil pour devenir un international en puissance, un joueur appelé et rappelé sous les drapeaux. Sauf que 20 ans après sa découverte de l'élite helvétique, force est de reconnaître que le Vaudois est resté sur sa faim. Aussi incroyable cela puisse paraître, il ne compte en effet aucune autre seule sélection que celle du 4 juin 2005!
C'était aux Îles Féroé, durant la campagne éliminatoire en vue de la Coupe du monde allemande agendée douze mois plus tard. Une cape qui semblait pourtant ouvrir de jolies perspectives au défenseur central alors à YB et qui avait déjà fait banquette l'automne précédent pour un déplacement catastrophe en Russie (défaite 4-1). "J'avais alors été pris parce que j'étais déjà sur place avec les M21, relate l'intéressé, mais là, aux Féroé, c'était autre chose, un vrai appel à défendre le drapeau. Pour moi qui avais été convoqué dans toutes les classes d'âge, l'équipe "A" représentait certes la dernière marche, mais aussi une sorte de suite logique."
Si logique que le défenseur central avait été titularisé par Köbi Kuhn. Il avait même disputé les nonante minutes aux côtés de Patrick Müller. La Suisse s'était imposée (3-1), mais plus jamais le train n'est repassé devant la porte du gamin de Grandson. "Le contexte de cette rencontre était assez particulier, se remémore Rochat, car un déplacement à Torshavn n'est jamais agréable. Ce n'était pas non plus un match de prestige, mais il fallait être concentré, solide. Pour une 1re, je crois que je ne m'en étais pas trop mal sorti."
Au retour en Suisse, le désormais retraité ne cache pas s'être dit que "c'était bon, j'étais dans le groupe". La suite tordra le cou à cette pensée. Peut-être à cause d'un mauvais choix de carrière. "L'été suivant ma sélection, je suis parti à Rennes, où j'ai raté mes deux premiers matches puis j'ai été envoyé en CFA. Loin du plus haut niveau, je ne pouvais naturellement plus prétendre à l'équipe nationale. Mais lorsque j'ai signé au FC Zurich en 2006, retrouver la sélection était un vrai but. J'y croyais."
Il n'était pas le seul. Et cette idée a vite pris du volume sachant qu'au fil des saisons qui ont suivi, Rochat s'est transformé en pilier du FCZ. Il a gagné deux titres avec le club du Letzigrund, puis vécu la Ligue des champions en 2009. "J'ai eu de grandes attentes à chaque fois que nous avons réalisé de belles choses avec Zurich, rappelle aujourd'hui le Vaudois. J'étais titulaire, nous jouions les premiers rôles. Avec la campagne européenne, je croyais vraiment que j'allais redevenir international."
Sauf que le destin n'a pas été tendre avec l'ancien capitaine des M21. Lorsque les protégés de Bernard Challandes réalisent l'exploit de battre l'AC Milan sur sa pelouse, Rochat est en effet aligné sur le côté de la défense dessinée par le technicien neuchâtelois, Heinz Barmettler prenant sa place dans l'axe. Quelques semaines plus tard lorsque tombe la sélection d'Ottmar Hitzfeld pour affronter la Norvège à Genève, c'est ce... même Barmettler qui reçoit sa 1re convocation en tant que défenseur central, et non le Vaudois, qui flambait pourtant depuis des mois à ce poste!
"Cela alors que Heinz était d'ordinaire remplaçant en Super League, lâche désormais dans un demi-sourire le brave Alain. Ce jour-là, j'ai compris que c'était fini, car honnêtement j'aurais dû figurer dans cette sélection de fin 2009. Je pense que le coach n'aimait pas mon profil. Je me suis alors dit que je devais arrêter de réfléchir et de raisonner par rapport à la "Nati". Je ne devais plus me focaliser là-dessus." Ironie de l'histoire, Heinz Barmettler n'a, lui non plus, plus jamais été retenu au sortir de cette rencontre amicale. Le Zurichois s'est même "reconverti" en international sous le maillot de la République dominicaine!
Alain Rochat n'a pour sa part pas endossé le tricot d'une autre sélection, mais il a changé de pays. En 2011, lui et sa famille ont en effet pris la direction du Canada. Pour vivre autre chose (avec les Vancouver Whitecaps) et peut-être aussi, inconsciemment, pour "couper" avec ce rêve évanoui. Mais aujourd'hui, le Vaudois dit n'avoir aucun regret: "Honnêtement, j'ai fait tout ce que je pouvais pour me donner une chance de retrouver la sélection. Je ne pouvais pas faire plus. Mais je sais, au moins, que j'ai une cape et que jamais on ne pourra me l'enlever, celle-ci. Même si c'était aux Féroé, j'en suis fier."