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6 septembre 1995, le moment où la Suisse sort de sa neutralité

La photo de la banderole fera la une des journaux du pays. [Karl Mathis]
La photo de la banderole fera la une des journaux du pays. - [Karl Mathis]
C’est jour de match ce dimanche à Bâle pour l’équipe de Suisse face à Allemagne en Ligue des nations. L’occasion idéale pour prendre un contre-pied et revenir sur un fait marquant survenu il y a pile 25 ans. Le 6 septembre 1995, la banderole "Stop it Chirac" déployée par les Helvètes avant la rencontre Suède-Suisse fait le tour du monde.

Tout juste arrivé à l’Elysée, Jacques Chirac relance les essais nucléaires français dans le Pacifique en 1995. Dans un contexte où d’autres pays ont renoncé à cette pratique, cette décision suscite une levée de bouclier sur le plan international. Cette dernière trouvera un écho jusque dans le stade de Göteborg où la Suisse joue le mercredi 6 septembre face à la Suède dans le cadre des éliminatoires pour l’Euro 1996.

Alors que l’hymne national s’apprête à retentir, les joueurs de l’équipe de Suisse déroulent une banderole, préparée par un membre du staff et cachée par Alain Sutter, avec l’inscription "Stop it Chirac". Pris au dépourvu, les représentants de l’UEFA sont contraints de laisser faire. La partie se dispute ensuite normalement. Les deux équipes se quittent sur un score de 0-0 qui assure pratiquement la qualification à la Suisse pour le Championnat d’Europe 1996 en Angleterre.

Les Suisses pendant l'hymne national le 6 septembre 1995.
Suède-Suisse (06.09.1995): une banderole pour l'histoire / RTS Sport / 3 min. / le 6 septembre 2020

Période favorable aux "coups d'éclat"

Peu commentée au sortir du match, la banderole est sur toutes les lèvres le lendemain lors du retour à l’aéroport de Zurich. Figurant parmi les principaux instigateurs du mouvement, Alain Sutter défend une action commune de l’équipe et un impact auprès du public complètement assumé. Une ligne de fracture se crée toutefois avec la fédération et entre certains joueurs, à l'instar d'Alain Geiger qui se montre très remonté.

"Il y a clairement eu un entre-soi des joueurs, ou d’une partie d’entre eux, qui a porté ce projet. De leur côté, les dirigeants de l’ASF se devaient de prendre de la distance publiquement parce que cela aurait pu être mal interprété de couvrir les membres de l’équipe", analyse Grégory Quin, historien du sport et professeur à l’Université de Lausanne.

Grégory Quin, historien du sport
Grégory Quin: les années 1990, la décennie des T-shirts levés / RTS Sport / 34 sec. / le 6 septembre 2020

Le tournant des années 2000

La fédération suisse échappera à toute sanction. Elle recevra uniquement un blâme. Par contre, l'action de ses joueurs aura eu pour effet de contraindre l’UEFA, comme les autres organisations sportives, à faire preuve de plus de fermeté à l'avenir.

Dans les années 1990, les joueurs avaient une marge de manœuvre mais ce ne sera plus le cas par la suite. "La politisation ou la transmission d'un message dans le sport était encore peut-être possible jusqu'aux années 2000. C'est ce qui permet sans doute à la Suisse d'échapper à une sanction en 1995. Aujourd'hui, un délégué de l'UEFA aurait directement intercepté la banderole", relève Grégory Quin.

"Le football est devenu complètement aseptisé. On a vu par exemple les réactions après le fameux geste des aigles au Mondial 2018. Il y a maintenant des règles et la menace d'une sanction freine les initiatives", précise Grégory Quin.

Grégory Quin, historien du sport
Grégory Quin: les joueurs actuels sont plus dépolitisés / RTS Sport / 38 sec. / le 6 septembre 2020

Pour l'anecdote, on ajoutera que la fédération suédoise a aussi été blâmée par l'UEFA à la suite de ce match mais pour une raison différente. Désirant mettre toutes les chances de son côté à un mois des élections fédérales, le Parti radical était parvenu à acheter un emplacement publicitaire le long du terrain. Une action contraire aux règles sportives et télévisuelles qui mettra la fédération et la TV suédoise dans l'embarras.

Sébastien Schorderet

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Quid du point de vue actuel de l'ASF?

En ce qui concerne l'Association suisse de football, nous appliquons aujourd'hui les règles de la FIFA et de l'UEFA qui indiquent que les gestes, symboles politiques et religieux n'ont pas leur place pendant un match, indique Adrian Arnold, le porte-parole de l'équipe de Suisse. En outre, nous pouvons ajouter que nous souhaitons lancer de notre côté une campagne antiraciste pour et avec l'ensemble de nos 280'000 joueurs licenciés qui proviennent de 179 pays différents dans un proche avenir.