RTSsport.ch: Lorsque nous avions analysé la Super League ensemble il y a 6 mois, tout le monde ou presque s'accordait à dire que le FC Zurich allait entrer dans le rang. Et pourtant…
STEPHANE GRICHTING: Oui, mais il faut reconnaître que pas mal de choses se sont passées notamment pour YB et Bâle, qui ont vendu des joueurs majeurs. En plus d’avoir cédé des titulaires et de devoir composer sans Fassnacht, les Bernois ont perdu leur profondeur de banc. Ils n'ont plus les mêmes éléments, plus les mêmes capacités de réaction. Mais il est vrai que Zurich a beaucoup de mérite. Ses joueurs forment un vrai collectif, difficile à bouger, "emmerdant" à jouer et capable d'aller chercher une victoire ou un nul dans les derniers instants. C'est fort.
Zurich a beaucoup de mérite. Ses joueurs forment un vrai collectif, difficile à bouger, "emmerdant" à jouer
RTSsport.ch: Même si le FCZ est encore loin du titre, son parcours rappelle un peu Montpellier 2012 ou Leicester 2016. Avec de la solidité, bien sûr, mais aussi cette impression d'une équipe chanceuse, voire touchée par la grâce par moments…
STEPHANE GRICHTING: Oui, on peut le comparer à ces 2 équipes. Je crois que cette saison, Zurich est mû par un véritable sens du collectif, avec une âme, un état d'esprit. Le groupe est sain et chacun a gagné en confiance dans ce contexte. Ainsi, des joueurs qui ne mettaient plus un pied devant l’autre il y a une année évoluent maintenant à un niveau de fou. Le grand mérite en revient aussi à Andre Breitenreiter, son entraîneur, qui a su s’adapter à la Super League, se fondre dans son nouvel environnement et qui a bossé en conséquence. Reste maintenant à aller jusqu'au bout, ce qui n'est pas fait.
RTSsport.ch: Un mot sur l’un des piliers zurichois, Blerim Dzemaili, que vous avez côtoyé en sélection, joueur brillant mais si souvent sous-estimé…
STEPHANE GRICHTING: C'est effectivement un super joueur. Dzemaili fait partie de ces gars indispensables; on ne les voit pas forcément quand ils sont là, mais on remarque tout de suite lorsqu'ils sont absents. Sans lui, le FCZ n'est pas le même. Blerim est doué, juste, il montre l'exemple. Il est revenu de l’étranger l'an passé, il a dû surmonter des problèmes personnels et il a logiquement mis 6 mois avant de se remettre dans le rythme. Maintenant qu'il a réussi à enchaîner et qu'il a retrouvé ses repères, il réalise des choses très intéressantes. Mentalement et techniquement, il apporte énormément au FCZ.
Dzemaili fait partie de ces gars indispensables. On ne les voit pas forcément quand ils sont là, mais on remarque tout de suite lorsqu'ils sont absents
RTSsport.ch: Pour en revenir à YB, David Wagner ne s'est-il pas fourvoyé?
STEPHANE GRICHTING: Pour Wagner, les choses étaient plus compliquées que pour Breitenreiter. Le Zurichois devait construire avec un objectif de 3e ou de 4e place. Wagner, lui, devait viser un titre pour faire au moins aussi bien que Hütter ou Seoane. Il a tout de suite été sous pression. Certes, il n'a pas forcément été servi par le sort, mais peut-être n'a-t-il effectivement pas pris la mesure de la Super League. Il n'a pas vraiment donné l'impression de pouvoir se fondre dans le "moule YB". Etait-ce une erreur de casting?
RTSsport.ch: Bâle, quant à lui, semble agir un peu au jour le jour, loin du FCB solide et dominateur de l'époque. Existe-il encore un vrai projet à Saint-Jacques?
STEPHANE GRICHTING: Bâle nage en plein foot-business et on peut effectivement s'interroger sur sa ligne de conduite et ses projets d’avenir. Avec David Degen (ndlr: l'ancien international devenu propriétaire du FCB), je ne suis pas sûr qu'il y ait une réflexion globale. On semble agir dans l'émotionnel, sans analyse. Les structures cohérentes d’un récent passé ont été en partie démantelées et le FCB s'expose à des risques, notamment à une perte de stabilité qui pourrait entraîner d'autres soucis. Ce n'est pas parce que pendant des années il a eu une large avance sur tous les autres clubs suisses qu'il va pouvoir la conserver! D'ailleurs, hormis une ou deux têtes, plus grand monde ne sort de son centre de formation. Le paradoxe est maintenant de voir le FCB aller chercher ailleurs des jeunes pour tenter de les revendre ensuite au prix fort. Mais cela n’est en rien une garantie de réussite.
Bâle nage en plein foot-business et on peut effectivement s'interroger sur sa ligne de conduite et ses projets d’avenir
RTSsport.ch: Niveau romand, Servette reste le meilleur représentant malgré des moments difficiles…
STEPHANE GRICHTING: Servette a pris le pari du jeu et a eu le mérite de s'y tenir. C’est à saluer. La formation genevoise reste plutôt solide et intéressante. Elle apporte une touche sympa au foot suisse. Le club a un projet cohérent. Même quand il perd le fil, il ne panique pas. On l'a encore vu cet automne, personne ne s'affole. Après, il y a un renouvellement qui va devoir s'opérer ces prochains mois. Philippe (ndlr: Senderos, directeur sportif du SFC) devra être malin sur ce coup. Il va falloir avoir le nez fin, anticiper, prendre un chemin subtil pour ne pas se tromper. Si le SFC passe ce cap, il pourra conserver le standing qui est le sien depuis son retour dans l'élite.
RTSsport.ch: Sion, quant à lui, donne des signes de renouveau…
STEPHANE GRICHTING: Le FC Sion a gagné en stabilité, notamment car il a su remporter quasiment tous les "matches à 6 points", ce qui est nouveau pour lui. Les Valaisans ont ainsi évité de se mettre dans la mouise. Ils reposent à présent sur un petit matelas qui peut leur permettre de "voir venir". Mais à l’image de ce qui attend Servette, Gelson (ndlr: Fernandes, directeur sportif) va devoir prendre ses responsabilités et resserrer l'effectif cet été. Il faut effacer 10 années d'erreurs de casting. Il est compétent, donc capable de miser sur des joueurs qui s'identifient vraiment au FC Sion. C'est de cela dont on a besoin en Valais, et non pas de 10 mercenaires. Parce qu'il faut bien se rendre compte que c'est un miracle, au vu de la dernière décennie, que les Sédunois soient encore dans l'élite.
Il faut bien se rendre compte que c'est un miracle, au vu de la dernière décennie, que le FC Sion soit encore dans l'élite
RTSsport.ch: Lausanne, en revanche, est sur le point d'en disparaître…
STEPHANE GRICHTING: Oui, mais Lausanne manque de tout pour rester en Super League! Ce club n'a pas d'âme, pas de cadres, pas de gens qui le "tiennent" vraiment. Alors qu'à la base le projet d'Ineos pouvait être intéressant, ce n'est aujourd'hui plus le cas, notamment car le groupe n'a pas mis les bonnes personnes aux bons endroits. Il y a un vrai souci à la Tuilière et les 13 points pris en 26 matches l'illustrent parfaitement. Certaines choses sont hallucinantes dans ce club.
Arnaud Cerutti - @arnaud_cerutti
Son regard sur Lugano...
"Sans faire de bruit, Lugano a réussi à progresser et pourrait devenir dangereux dans le futur, grâce notamment au groupe qui le soutient désormais. Sur le terrain, c’est une équipe vraiment "chiante" à jouer, un peu comme Zurich. Elle n’est pas incroyable, mais elle possède 3-4 joueurs clés, dont certains vieux briscards comme Reto (ndlr: Ziegler) qui sont des pions essentiels pour viser haut. Le club m’apparaît de plus en plus stable et il va falloir le suivre."
Son regard sur Saint-Gall...
"Depuis la reprise, Saint-Gall est la plus belle équipe de Super League. Elle a su recruter malin et cela a donné de la fraîcheur au groupe, qui était apparu éreinté à l’automne. Les Brodeurs ont gagné en stabilité défensive et en allant offensif. Avec un entraîneur de la trempe de Peter Zeidler, cela ne pouvait que tourner dans le bon sens. C’est beau aussi pour le club tout entier, qui a un bon directeur sportif, un bon président, un super public. Cette région mérite d’avoir du beau football."
Son regard sur la Challenge League...
"Ce serait une jolie histoire que Winterthour et Aarau grimpent. Tous deux reposent sur plusieurs joueurs revanchards qui ont déjà connu l’élite. L’un et l’autre disposent d'éléments de valeur que Lausanne, par exemple, n’a pas. Pour "Winti", une promotion ne tomberait pas du ciel. Cela fait plusieurs années que le club s’organise en conséquence. Et Aarau, qui a de nouveau des projets, a les moyens pour remonter aussi. Je suis heureux de voir 2 anciens partenaires, Alexander Frei et Stephan Keller, diriger ces 2 clubs."
Son regard sur Alexander Frei, entraîneur du FC Winterthour
"Pour Alex, ce serait une revanche que de vivre une promotion. Lui, ancien grand joueur, a eu besoin de faire ses armes pour être reconnu comme entraîneur. Cela n’était pas une évidence. Il a vécu des moments durs en devenant directeur sportif très tôt à Lucerne. Il a su rebondir chez les jeunes à Bâle, puis à la tête de Wil. Mais Alex a son caractère et il préférera toujours mourir avec ses idées plutôt qu’on lui impose celles des autres. S’il grimpe avec Winterthour, ce sera tout son mérite."
Cliquez sur le match souhaité pour plus de détails.