"La troupe de Yakin se doit d'être hyper ambitieuse au Mondial", lance Michel Pont
RTSsport.ch: Michel Pont, à un poil plus d’un mois de la Coupe du monde, comment sentez-vous l’équipe de Suisse?
MICHEL PONT: Je suis plein d’espoirs avec cette magnifique équipe! Elle sort d’excellentes performances en Ligue des nations, une épreuve que personne n’a prise à la légère. Ni l’Espagne ni le Portugal ni la République tchèque. C’était une vraie compétition, dont les résultats ont agi en révélateurs du potentiel offensif de la Suisse. Jamais sans doute notre sélection n’a possédé un secteur offensif aussi complet, tant en termes de qualité que de quantité.
RTSsport.ch: On vous sent "chaud" pour ce Mondial…
MICHEL PONT: C’est le cas, tant le groupe helvétique affiche une fraîcheur extraordinaire, un enthousiasme et une alchimie remarquables entre les anciens et les plus jeunes. Je les trouve géniaux, ces gamins! A l’image de Vargas, qui est incroyable. Même avec un temps de jeu réduit en club, il est arrivé aux matches de septembre avec une énergie et une envie déroutantes. Il n’a connu aucun souci, il a tout fait très juste. Oui, c’est fantastique!
Il ne faut pas oublier que l'entame d'Euro fut bien laborieuse. Ce tournoi a heureusement été sauvé par le match extraordinaire contre la France!
RTSsport.ch: On a le sentiment que l’Euro 2020 a libéré des choses. Pourtant, les gens oublient que l’entame du tournoi fut assez cataclysmique…
MICHEL PONT: Je suis entièrement d’accord avec vous! Ce fut bien laborieux! Pour les Suisses, l’Euro a été extrême d’un point de vue émotionnel, tant cela a fait du bien de clouer le bec aux champions du monde, surtout de cette manière, mais ce résultat a éclipsé tout le reste; le match contre le Pays de Galles ne fut pas bon, celui face à l’Italie fut catastrophique… Sportivement, ce ne fut pas génial, en réalité. Reste que cette compétition est gravée dans les mémoires pour un match qui, sur le plan émotionnel, a tout fait basculer. Et c’est tant mieux, évidemment! Mais, cette année au Qatar, la Suisse n’aura pas le droit de connaître de retard à l’allumage!
RTSsport.ch: Les expériences passées peuvent lui permettre de l'éviter…
MICHEL PONT: Totalement, et je suis très confiant! La Suisse de 2022 est dans une excellente passe, avec plusieurs éléments qui font des choses fabuleuses en club. Prenez Yann Sommer, roi de Gladbach et apprécié partout ailleurs. Prenez Akanji, déjà patron de la défense d’un club comme City. Prenez Xhaka, capitaine d’un Arsenal qui revit. Prenez Schär, titulaire à Newcastle. Ou encore Widmer, qui tourne à plein régime à Mayence… Désolé, mais j’ai envie de dire "pu…rée, c’est le moment de faire quelque chose"! Il faut être hyper ambitieux, car dans 2 ans, dans 4 ans, le contexte ne sera peut-être pas le même.
J’ai envie de dire "pu…rée, c’est le moment de faire quelque chose"! Il faut être hyper ambitieux, car dans 2 ans, dans 4 ans, le contexte ne sera peut-être pas le même.
RTSsport.ch: Reste qu’il pourrait y avoir de mauvaises surprises avec des joueurs en manque de temps de jeu, voire carrément en manque de compétition, comme Xherdan Shaqiri…
MICHEL PONT: Oui, mais pour ce qui concerne Shaqiri, je ne me fais pas de souci. S’il évite de se blesser juste avant à un mollet, il répondra présent, comme souvent dans ce genre de grand rendez-vous. Une fois là-bas, tu peux le mettre 90 minutes ou 25, même sur un petit bout de match, il pourra toujours te faire une "merde" (ndlr: sous-entendu, pour l’adversaire). C’est un joueur si précieux! En termes de préparation, en revanche, il est vrai que l’on peut avoir certaines craintes, notamment pour un joueur comme Denis Zakaria (ndlr: transféré à Chelsea, où il ne joue pas), qui a vraiment besoin de temps de jeu.
RTSsport.ch: Relevons aussi que le groupe de la Suisse, avec le Cameroun, le Brésil et la Serbie, n’est pas facile…
MICHEL PONT: Effectivement, il y a 50% de chances de ne pas passer, mais ce groupe ne doit pas faire peur! Oui, il y a le Cameroun qui peut être solide si l’équipe ne s’écharpe pas autour des histoires de primes. Oui, il y a le Brésil… Et oui, il y a la Serbie, qui aura le goût de la revanche (ndlr: par rapport à sa défaite 2-1 lors du Mondial 2018 et à toutes les histoires autour), mais la Suisse a tellement d’arguments à opposer à ces adversaires-là… Je sens une énergie folle qui se dégage de la troupe de Murat Yakin. Il y a de l’expérience, aussi, un bel état d’esprit, une vraie osmose; tout cela s’est vu en Ligue des nations, car tu ne reviens pas de 3 défaites de suite si tu ne possèdes pas de tels ingrédients dans ton équipe.
RTSsport.ch: On peut louer d’ailleurs la force tranquille de Murat Yakin…
MICHEL PONT: Oui, tout à fait. Je retrouve le Murat que j’ai connu lorsqu’il était joueur et international suisse. Il garde sa ligne, sa manière d’être; rien ne semble pouvoir le toucher. Il ne faut pas oublier qu’il a très vite été responsable de toute sa famille lorsqu’il était ado et qu’il a l’habitude de prendre ses responsabilités. La pression ne lui fait rien. Elle glisse sur lui. Murat me rappelle un peu Köbi Kuhn. C’est un instinctif, qui se nourrit des émotions. Si Köbi était le papa, lui est le grand frère.
Murat Yakin me rappelle un peu Köbi Kuhn. La pression glisse sur lui. C'est un instinctif, qui se nourrit des émotions.
RTSsport.ch: Cela tranche avec le caractère de Vladimir Petkovic…
MICHEL PONT: Ce sont effectivement deux personnalités totalement différentes. Mais il faut les prendre telles qu’elles sont. Il y a eu l’austérité voulue et assumée de Petkovic qui, au vu des résultats qu’il a obtenus, n’a pas eu la reconnaissance populaire qu’il aurait pu avoir s’il avait été plus ouvert, plus charismatique. Maintenant, nous sommes dans l’opposé avec Yakin. Lui exerce un autre style de management, il te dira "merde" s’il doit te dire "merde". C’est un pragmatique, qui dégage vraiment quelque chose en plus. Ce n’est pas un gars borné. Il est serein. Et il a tout du type que tu as envie d’aimer.
RTSsport.ch: Avouez que vous aimeriez sans doute être sur le banc avec lui!
MICHEL PONT: (il rit) C’est clair que ce serait extraordinaire d'être sur le banc avec lui! J’aimerais vivre au plus près l’aventure de ce groupe, notamment car je connais bien tous ces mecs, dont certains ont commencé avec nous en équipe de Suisse (ndlr: c’est le cas de Sommer, Schär, Rodriguez, Shaqiri, Frei, Xhaka et Seferovic). Je sais leur potentiel. Et je les trouve extraordinaires dans le sens qu’ils sont toujours nourris par leur amour du foot. Oui, le business et tout ce bazar existent, mais je sais qu’eux, lorsqu’ils se retrouvent sur le terrain et avec un ballon, retrouvent l’amour et la passion de leurs débuts. Ils me font penser à des gamins dans la cour d’école. Je peux en quelque sorte les comparer aux gars que nous avions avec nous à la Coupe du monde 2006. C’était un groupe remarquable. D’ailleurs, la majorité des mecs d’il y a 16 ans sont encore dans le foot aujourd’hui. Cela dit beaucoup de ce qui les lie à leur passion.
Arnaud Cerutti - @arnaud_cerutti
Émerveillé par Embolo
S’il dit adorer celui qu'il nomme "le petit Vargas", Michel Pont ne cache pas non plus son bonheur de voir Breel Embolo traverser la meilleure passe de sa carrière: "J’en ai tellement entendu sur lui, comme quoi il ne faisait pas les bonnes courses, comme quoi il ne savait pas cadrer que j’en rigole. C’est tellement faux! Breel a un gros potentiel, une énorme puissance. C’est un mec brut, qui me rappelle Balotelli à son âge. Sauf qu’Embolo a toujours le sourire, c’est un personnage rayonnant, une crème…"
"Sans doute une très grande Coupe du monde"
Par rapport aux grands événements précédents, la préparation pour la Coupe du monde au Qatar sera plus courte. Cela semble être un avantage, notamment car elle évitera aux joueurs de trépigner pendant 3-4 semaines. Michel Pont est cependant partagé: "Disons qu’avec une préparation plus longue, tu peux parvenir à remettre d’aplomb les joueurs qui arriveraient avec un temps de jeu réduit. Il est possible, en quelques semaines, de niveler le niveau physique. Là, ce ne sera pas le cas. En revanche, il est vrai que l’avantage réside dans le fait qu’aucun joueur n’aura 60 matches dans les pattes. Il n’y aura pas la fatigue des fins de saison en juin. Avec une telle fraîcheur, il est probable que l'on vive une Coupe du monde exceptionnelle en termes de niveau de jeu."
"Tellement dommage pour Gavranovic"
Mi-septembre, l’éviction de Mario Gavranovic du cadre de l’équipe nationale n’a réjoui personne. Surtout pas Michel Pont, qui a côtoyé le Tessinois en sélection. "Il est clair qu’il n’y a jamais de bonne formule pour une séparation, dit le Genevois, mais ce qui s'est passé avec Mario est malheureux, sachant tout ce qu’il a donné et apporté à l’équipe de Suisse. Mais je pense sincèrement que Tami (ndlr: patron des équipes nationales) et Yakin ne voulaient pas faire de mal. Peut-être aurait-il été plus simple de dire à "Gavra": 'Tu seras dans les 23, mais pas forcément dans les 11…' On ne connaît pas tous les détails de la séparation, mais on peut légitimement la regretter.»
Le programme de l'équipe de Suisse
17 novembre, à 11h00: Ghana-Suisse (match amical, à Abu Dhabi)
24 novembre, à 11h00: Suisse-Cameroun (1er match de la CDM 2022)
28 novembre, à 17h00: Brésil-Suisse (2e match de la CDM 2022)
2 décembre, à 20h00: Serbie-Suisse (3e match de la CDM 2022)