"Soudain, le coach a décidé de tout changer et nous avons gagné 4-0"

RTSsport.ch: Matias Vitkieviez, à quel moment de votre carrière vous êtes-vous senti le plus fort?

MATIAS VITKIEVIEZ: Il n'y aucun doute: c'était durant les 6 à 8 premiers mois de la saison 2011/2012, après notre promotion en Super League avec Servette. Je me sentais presque intouchable, imbattable. J'entrais sur le terrain avec la conviction que j'allais faire un bon match et être décisif. Il ne me manquait presque plus qu'à savoir à quelle minute j'allais distribuer une passe décisive ou marquer. C'était un sentiment dingue qui me portait. Je le devais notamment à Joao Alves (entraîneur du SFC entre 2009 et 2012), qui m'avait transmis une confiance incroyable.

RTSsport.ch: De tous les joueurs avec lesquels vous avez évolué, lequel vous a le plus marqué?

MATIAS VITKIEVIEZ: J'en citerais 2: Julian Esteban (son coéquipier à Servette entre 2009 et 2010) et Raul Bobadilla, côtoyé à Young Boys entre 2012 et 2013. Ce sont 2 joueurs au style très différent, mais 2 joueurs incroyables. Esteban, à l'époque, possédait toutes les qualités: il avait la vitesse, pouvait marquer des 2 pieds, de la tête, ... Quant à Bobadilla, il était très fort, sauf qu'il choisissait ses matches. S'il voulait faire quelque chose, personne ne pouvait l'arrêter. Parfois, avant les entraînements, il regardait les mecs et leur disait "Toi, toi et toi, tout à l’heure je vous fais des petits ponts". Les gars rigolaient et une heure plus tard, Raul les avait tous passés…

RTSsport.ch: Quel a été le joueur le plus fort de tous ceux que vous avez affrontés?

MATIAS VITKIEVIEZ: Je me trouvais souvent face à des arrières gauches. Et je dois dire que j’ai été impressionné par Juan Bernat, actuel joueur du PSG. Je l’avais affronté lorsqu'il évoluait à Valencia et il était toujours sur mon dos. On pouvait le passer, mais je ne sais pas par quel miracle, il était de nouveau là après (rires). Sinon, j’ai aussi trouvé le demi Lassana Diarra très très fort. Je l'ai affronté avec YB lorsqu'il portait le maillot d’Anzhi Makachkala. Il avait la technique, l'impact physique, ...

RTSsport.ch: Et le plus sous-estimé, parmi vos adversaires et/ou vos coéquipiers?

MATIAS VITKIEVIEZ: Raphaël Nuzzolo, que j’ai côtoyé à Young Boys. C’était vraiment un joueur très solide, très complet. Je ne comprends pas pourquoi il n’a jamais été appelé en équipe de Suisse. Il avait clairement toutes les qualités pour y aller.

RTSsport.ch: Lequel était le plus "fou"?

MATIAS VITKIEVIEZ: J'espère qu'il ne m'en voudra pas, mais je suis obligé de citer Carlos Varela, avec qui j’ai passé quelques mois à Servette. Il disait de ces trucs sur le terrain, simplement pour faire sortir les adversaires de leur match et, honnêtement, ça marchait super bien...

RTSsport.ch: Lequel était le plus drôle?

MATIAS VITKIEVIEZ: Christopher Routis! C’était un vrai "ambianceur de vestiaire", un mec qui pouvait donner la banane à tout le monde. Dans ce style, il y avait aussi Goran Karanovic, qui a été mon coéquipier à Servette puis à Saint-Gall; un vrai chic type.

RTSsport.ch: De tous les matches de votre carrière, lequel vous a le plus marqué?

MATIAS VITKIEVIEZ: Cela a été mon tout premier Servette-Lausanne, en août 2006! C'était un match de Challenge League, à l'époque. Nous nous étions imposés 4-3 alors que nous avions été menés 0-3. Je me souviens qu’à la mi-temps, des gens quittaient le stade (ndlr: Matias Vitkieviez ne le précise pas, mais il avait inscrit un doublé ce soir-là, tout comme Julian Esteban).

RTSsport.ch: Quelle a été votre plus belle saison en club?

MATIAS VITKIEVIEZ: Une seule réponse s’impose: la saison 2010/2011, celle de notre promotion en Super League avec Servette et Joao Alves comme entraîneur. Nous étions tellement soudés, tellement bien tous ensemble, sur le terrain comme en dehors… Une année de rêve.

RTSsport.ch: Y a-t-il un choix de carrière que vous regrettez?

MATIAS VITKIEVIEZ: Oui, je regrette d’avoir signé à Guingamp lorsque j’évoluais à Louhans-Cuiseaux, en N1 française. Je sortais d’une saison magnifique et de très nombreux clubs en France me courtisaient. J’ai été mal conseillé, je me suis précipité. J’aurais dû prendre mon temps et me poser avant de faire ce choix.

RTSsport.ch: Quelle a été la défaite la plus triste?

MATIAS VITKIEVIEZ: Un autre match contre Lausanne, en mai 2013 à la Pontaise. Nous nous étions inclinés 3-0 et cela avait validé notre relégation en Challenge League. Un cauchemar.

RTSsport.ch: Quelle a été votre plus belle rencontre grâce au football?

MATIAS VITKIEVIEZ: Celle avec Tibert Pont! Nous nous sommes connus lorsque nous avions 20 ans, à notre première saison à Servette, et nous ne nous sommes plus quittés. C'est mon meilleur pote.

RTSsport.ch: Quel entraîneur ne souhaiteriez-vous pas revoir?

MATIAS VITKIEVIEZ: Martin Rueda! Tout part d’un match contre Lausanne que nous perdons au Stade de Genève en septembre 2010. A la fin de la rencontre, le gardien vaudois Anthony Favre avait planté un drapeau lausannois au milieu de la pelouse pour fêter le succès du LS. Neuf mois plus tard lors du match retour que nous avions gagné à la Pontaise, j’avais à mon tour planté un drapeau genevois sur le terrain du LS, alors entraîné par Rueda. Six mois après, je signe à Young Boys parce que Christian Gross me voulait. Tout était super à mon arrivée; j’étais titulaire, international suisse, j’avais la confiance du coach, jusqu’au moment où Gross a été remplacé par… Rueda. Du jour au lendemain j'ai été relégué en tribunes. J'ai laissé passer quelques semaines, puis je suis allé demander à M. Rueda si c'était à cause de l'histoire du drapeau. Il m'a répondu que non, mais il n'avait pas d’autre explication. Vous en déduirez ce que vous voulez! J'ai toutefois eu ma revanche puisque j’ai ensuite été prêté à Servette et, dès mon premier match, j'ai inscrit un doublé contre YB, qui dans la foulée a limogé Rueda.

RTSsport.ch: Et quel a été votre adversaire le moins sympa?

MATIAS VITKIEVIEZ: C'était Guillaume Katz, défenseur et capitaine de Lausanne. Je le détestais et il me détestait. On ne pouvait vraiment pas se voir. Et vous savez quoi? Il est un bon copain à présent (rires)!

RTSsport.ch: Quelle a été la plus grosse fête?

MATIAS VITKIEVIEZ: Clairement celle de la nuit du 31 mai au 1er juin 2011, dans la foulée de la promotion du SFC en Super League. C’était magnifique. Mais il y en a aussi une autre savoureuse: à Moscou, en août 2013, après notre victoire avec Saint-Gall contre le Spartak, qui nous qualifiait pour l’Europa League.

RTSsport.ch: Une anecdote que vous n’avez jamais racontée?

MATIAS VITKIEVIEZ: Je ne sais pas si je ne l'ai jamais racontée, mais elle est importante pour moi. A notre retour dans l'élite avec Servette, nous nous déplaçons à Sion fin août 2011. Joao Alves livre la théorie, donne ses consignes et nous envoie à l’échauffement. Après celui-ci, alors que nous avions regagné le vestiaire pour les derniers ajustements, il nous a dit "Stop stop, arrêtez tout, on change tout! On passe en 4-4-2 avec Yartey et Mati devant". Je n'avais jamais rien vu de tel, mais je crois que Joao avait eu une intuition ce jour-là… En tout cas, il avait bien vu, car nous avions fini par nous imposer 4-0 (ndlr: avec notamment 2 réussites de notre interlocuteur).

Arnaud Cerutti - @arnaud_cerutti