Meriame Terchoun: "j'ai une responsabilité de m'engager pour que les choses changent"
Midi vient à peine de sonner, lorsque Meriame Terchoun nous rejoint après son entraînement dans les gradins du stade où évoluent les joueuses de Dijon FCO. Un simple coup d'oeil sur ses genoux nous rappelle que l'attaquante revient de loin. A 27 ans, elle a déjà subi trois déchirures des ligaments croisés du genou survenues en l'espace de 4 ans (2016, 2017 et 2019).
"La 1re déchirure, c'était très dur, avoue la Suissesse. Je ne savais même pas ce que c'était ce ligament et ce que cette blessure impliquait. Mentalement, c'était difficile." Combative, Meriame Terchoun parvient tout de même à se rétablir à temps pour l'Euro 2017, où elle disputera quelques minutes contre la France.
Mais 3 mois plus tard, l'histoire se répète. Son genou droit lâche encore une fois. Pire, alors qu'elle est sur son lit d'hôpital, elle se fait licencier par son employeur. C'en est trop pour la Zurichoise, qui tombe en dépression. Meriame Terchoun ne le cache pas. Bien au contraire. Elle souhaite qu'on parle davantage de la santé mentale dans le sport. "On est des êtres humains, pas des robots. Parfois, c'est vraiment pas facile de demander de l'aide ou d'aller voir un psy. Mais il faut que cela se sache, qu'on en parle. Je trouve que c'est incroyablement important, parce qu'on peut s'aider tous ensemble."
Je prends encore plus de plaisir qu'avant car je sais que cela va s'arrêter
Beaucoup auraient alors abandonné. Mais pas Meriame Terchoun, qui se relève de ce nouveau coup dur. "Tout le monde me disait d'arrêter le foot, mais jouer au foot, c'était vraiment ce que j'avais envie de faire. Alors j'ai tout essayé pour revenir. Mais oui, c'était dur. Cela m'a pris du temps et ça m'a aussi beaucoup appris", confie avec sincérité l'internationale helvétique.
En 2019, le sort s'acharne. Meriame Terchoun se déchire les ligaments croisés du genou gauche cette fois. Epuisée par l'accumulation de ses jobs, du foot et de ses blessures, l'attaquante décide de tout plaquer et prend la direction du Qatar, où elle retrouve une partie de sa famille - son père est algérien- et en profite pour apprendre l'arabe. "Il fallait que je change tout, que je prenne du temps pour moi. Je me suis retrouvée moi-même." A Doha, elle se remet également à jouer au foot avec une équipe féminine locale et retrouve "le plaisir de jouer."
Ce voyage va agir comme un électrochoc pour la Zurichoise. "Cela a changé ma vision de ma blessure. Je me suis dit qu'il ne fallait pas que je revienne uniquement pour le foot, mais aussi pour être en forme pour mon après-carrière. Cela m'a fait réaliser que la vie est très courte. Tout ce qui vient maintenant, c'est du positif. Aujourd'hui, je prends encore plus de plaisir qu'avant, car je sais qu'un jour, cela va s'arrêter."
Je suis quelqu'un qui n'a pas peur de dire les choses
Elle est comme ça Meriame Terchoun. Positive, réfléchie et déterminée. Une détermination qui l'accompagne jusque dans ses engagements. L'internationale helvétique s'attache en effet à faire entendre sa voix pour défendre le foot féminin et les causes qui lui tiennent à coeur. "Je trouve que j'ai une responsabilité aujourd'hui de faire ça parce que j'ai la possibilité de le faire et parce que je veux que les choses changent vraiment car les filles le méritent."
L'attaquante, qui a travaillé pour le syndicat des joueuses, est une des co-initiatrices du Manifeste pour le football féminin "forza le donne", visant à promouvoir le foot féminin et sa professionnalisation en Suisse. Elle n'hésite pas également à utiliser les réseaux sociaux ou à aller au contact des jeunes, comme récemment à l'école de culture générale de Delémont, pour faire passer ses idées. "J'essaie aussi d'encourager les filles de mon équipe et celles de l'équipe nationale de parler de certaines choses, comme les règles, parce que c'est important."
Meriame Terchoun ose donc dire ce qu'elle pense. Une franchise dont elle fait preuve sur et en dehors des terrains. "Je suis quelqu'un qui n'a pas peur de dire les choses. Je reste moi-même, authentique. Je suis la même Meriame que dans le foot."
Dijon, Jennifer Ballmer et Ludovic Perruchoud
"Il faut écouter plus les femmes"
Si en équipe de Suisse, le staff prend en compte les menstruations des joueuses dans leur plan d'entraînement depuis 2-3 ans, ce n'est pas encore le cas dans la majorité des clubs. A Dijon, les choses commencent à changer. Une nécessité selon Meriame Terchoun.
"On s'entraîne comme les hommes. Il faut changer ça. Je pense qu'on peut éviter certaines blessures si on regarde un peu plus le corps des femmes et ce dont on a besoin. Il y a des moments où on peut s'entraîner plus ou moins selon nos règles. Il faut écouter plus les femmes!"
L'Euro 2025, un déclic?
Après plus de 10 ans passés au FC Zurich et une expérience au sein du syndicat des joueuses, Meriame Terchoun connaît parfaitement les réalités du foot féminin en Suisse.
"Il faut qu'une fille ait les mêmes possibilités qu'un garçon. Il faut vraiment investir dans le foot féminin, que les grands clubs en Suisse, comme Zurich, le fassent. C'est comme ça que les choses vont changer."
L'Euro 2025, qui sera organisé en Suisse, pourrait servir de déclic selon la Zurichoise. "Je suis sûre que cela va changer les choses. J'espère vraiment qu'on va saisir cette chance pour avancer et investir dans le foot féminin."
Meriame Terchoun
Née le 27 octobre 1995
Position: attaquante
2006-2009: YF Juventus
2009-2017: FC Zurich
2017: FC Bâle
2017-2022: FC Zurich
2022-?: Dijon FCO
6x championne de Suisse (2013, 2014, 2015, 2016, 2018, 2022) et 5x vainqueure de la Coupe de Suisse (2013, 2015, 2016, 2018, 2022) avec Zurich
20 sélections, 2 buts
Participations à 'Euro 2017 et à l'Euro 2022