L'Espagne est une nation qui compte dans le paysage du football féminin, mais cette importance demeure récente. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. La Roja s'est qualifiée pour la troisième Coupe du monde de son histoire, la troisième d'affilée. Avant 2015, elle n'avait donc participé à aucune des six phases finales organisées. Si elle a dû se contenter de la phase de groupes en 2015 où elle n'a pas gagné le moindre match, elle s'est hissée en huitièmes de finale il y a quatre ans en France et a donc également atteint ce stade de la compétition en Nouvelle-Zélande.
Depuis plusieurs années, l'intérêt croissant du public et l'arrivée de plusieurs sponsors d'importance ont permis au championnat espagnol de se professionnaliser. Les améliorations au niveau des structures et de l'encadrement ont permis à la formation de faire émerger bon nombre de talents. Ce développement a permis aux clubs espagnols, le FC Barcelone en tête, de franchir un palier au niveau européen. Jamais représentée en finale de la Ligue des champions féminine depuis sa création lors de la saison 2001/02, la Liga compte désormais quatre finales, dont deux victorieuses, lors des cinq dernières éditions grâce au Barça, où évolue l'attaquante helvétique Ana Maria Crnogorcevic. Le FC Barcelone s'offre même des records d'affluence pour une rencontre de football féminin (91'647 fans au Camp Nou en demi-finales de la Ligue des champions en mai 2022).
En parallèle, le niveau des sélections espagnoles chez les juniors a explosé. La Roja est double championne du monde en titre chez les M17, championne du monde en titre chez les M20 et double tenante du titre de l'Euro chez les M19. Si on y ajoute les finales et les 3e places, les équipes juniors espagnoles comptent assurément parmi les plus couronnées de succès et de récompenses de ces dix dernières années.
Malgré ce potentiel et ce développement, l'équipe A n'a toujours pas décroché de résultats probants sur la scène internationale. Battue 2-1 dans un huitième où elle a mené la vie dure aux USA, futurs vainqueurs de la dernière Coupe du monde, elle a dû composer sans sa vedette Alexia Putellas, double Ballon d'or (2021 et 2022), blessée aux ligaments croisés, lors du dernier Euro où sa route s'est arrêté en quarts. Dans la foulée de cette compétition, plusieurs joueuses ont mené une mutinerie contre Jorge Vilda en refusant toute sélection tant qu'aucun changement n'aurait été apporté. Remis en cause pour ses méthodes et pour entretenir un climat "anxiogène" selon celles que les médias hispaniques ont surnommé "Las 15", le sélectionneur a engagé un bras de fer avec le soutien de la Fédération en excluant les quinze joueuses concernées de l'équipe.
Cette ambiance délétère de l'automne dernier s'est à peine détendue à l'approche de la Coupe du monde 2023 avec le rappel de trois des quinze frondeuses, qui ont mis de l'eau dans leur vin après avoir obtenu quelques promesses de changement, et le retour de Putellas, rétablie de sa blessure mais pas encore à 100%. Malgré tout le talent de ses joueuses et son immense potentiel, la Roja ne respire pas la sérénité, comme en témoigne la véritable gifle reçue face aux Japonaises (4-0). La Suisse s'apprête donc à défier samedi un colosse, certes, mais un colosse aux pieds d'argile.
Dunedin, Ludovic Perruchoud
Calligaris: "Les structures des équipes espagnoles ont bien évolué"
"En plus du développement du jeu et du tiki-taka, le travail sur le physique est beaucoup plus intense", témoigne Viola Calligaris qui a évolué six ans dans le championnat d'Espagne (Atlético, Valence et Levante) avant de s'engager cet été avec le PSG. "Il y a six ans quand je suis arrivée en Espagne, ce n'était pas du tout la même chose. Les structures des équipes ont également bien évolué, même si ce n'est pas encore l'Angleterre ou l'Allemagne. Il y a encore beaucoup de choses à améliorer, mais je pense que l'Espagne est sur le bon chemin."
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