"A 11 contre 10, l'équipe de Suisse ne doit jamais se faire avoir comme ça..."
RTSsport: Matias Vitkieviez, deux matches en une semaine, deux défaites pour la Suisse. Même si l'une d'entre elles était contre l'Espagne, le bilan est terne...
MATIAS VITKIEVIEZ: C'est une semaine à oublier, avec notamment la bête expulsion de Granit Xhaka à Copenhague, qui a pénalisé son équipe pour la réception des champions d'Europe, mais c'est aussi une semaine dont il faudra savoir retenir les leçons. Alors effectivement, on peut également parler de faits de jeu, notamment contre le Danemark avec l'expulsion d'Elvedi, qu'un arbitre qui connaît le football n'aurait pas dictée, mais la réalité comptable est là: l'équipe de Suisse est dernière de son groupe, sans le moindre point, et avec six buts encaissés...
RTSsport: Avez-vous néanmoins retenu quelque chose de positif de ces deux rencontres?
MATIAS VITKIEVIEZ: Pas grand-chose, non, même si je dois avouer avoir bien aimé la réaction de l'équipe de Suisse après l'ouverture du score espagnole, hier soir. Tout de suite, elle est repartie de l'avant, sauf que son égalisation a été invalidée par le VAR. Dommage, car à 1-1 le match aurait été différent. Reste que l'équipe nationale a manqué d'idées dans les 20 derniers mètres...
RTSsport: Encore une fois, serions-nous tentés de dire. Finalement, la Suisse ne marquait pas avant l'Euro, a marqué pendant, et ne produit de nouveau plus grand-chose depuis lors...
MATIAS VITKIEVIEZ: C'est tout à fait cela, hélas. A l'approche de la surface de réparation adverse, il n'y a plus grand-chose. Oui, Zeki Amdouni a été plutôt pas mal, oui Ruben Vargas a tenté des choses et amené un peu de folie, mais l'équipe est, dans son ensemble, restée brouillonne dans ce secteur. Même à 11 contre 10. Je m'attendais, sur ces deux matches, à ce que la Suisse surfe sur la dynamique de l'Euro, sur son bon comportement, sur l'enthousiasme, sur ce qu'elle avait montré en Allemagne. Au final, je me dis que tout cela est déjà oublié.
Je m'attendais, sur ces deux matches, à ce que la Suisse surfe sur la dynamique de l'Euro, sur ce qu'elle avait montré en Allemagne. Au final, je me dis que tout cela est déjà oublié
RTSsport: Paradoxalement, le grand gagnant de ces rendez-vous ne se nomme-t-il pas Dan Ndoye?
MATIAS VITKIEVIEZ: Oui, car il a beaucoup manqué. On l'avait déjà remarqué jeudi contre le Danemark et cela s'est confirmé à Genève. La Suisse n'est pas la même avec ou sans le Vaudois, qui amène une vitesse et une profondeur uniques. Les adversaires se méfient de lui. Lorsqu'il n'est pas là, tout est plus simple pour eux. Donc oui, Ndoye est peut-être le grand gagnant, mais la grande perdante de ces deux matches est la Suisse...
RTSsport: Celle-ci, à 11 contre 10, ne doit jamais se prendre deux buts comme elle l'a fait en fin de rencontre...
MATIAS VITKIEVIEZ: Ah non, jamais, en effet. En supériorité numérique depuis près d'une heure, la Suisse ne doit jamais se faire avoir comme ça, ne doit pas laisser de tels espaces à un adversaire, encore moins lorsque celui-ci est champion d'Europe. A ce niveau, c'est impardonnable. L'Espagne nous a tués. Elle a été beaucoup plus réaliste...
RTSsport: Hier soir, on attendait beaucoup de Denis Zakaria. En vain...
MATIAS VITKIEVIEZ: Cela été un match compliqué pour lui, mais ce n'est pas un cadeau non plus de se retrouver titularisé devant Fabian Ruiz, Rodri et toute l'Espagne (ndlr: lire encadré ci-dessous). Cette Roja qui joue bien au ballon lui a fait mal, comme elle a fait mal à l'ensemble de l'équipe de Suisse. Le milieu de terrain helvétique n'a pas été à la hauteur de l'événement.
Cela été un match compliqué pour Denis Zakaria, mais ce n'est pas un cadeau non plus de se retrouver titularisé devant Fabian Ruiz, Rodri et toute l'Espagne
RTSsport: Qu'avez-vous pensé des prestations de Gregory Wüthrich et Becir Omeragic, que personne ne voyait titulaires face aux champions d'Europe voici encore une semaine?
MATIAS VITKIEVIEZ: Je dois dire qu'Omeragic a fait un bon match, surtout en première mi-temps. J'ai apprécié son apport offensif. Il a même marqué, mais sa réussite a été annulée. Sa prestation a été convaincante. Wüthrich a été pas mal aussi, mais sur les deux derniers buts, ça allait trop vite pour lui. J'aimerais aussi dire quelque chose sur Gregor Kobel: il se prend 6 buts en 2 matches, sans avoir été décisif. Il manque ses face-à-face sur les 3-1 et 4-1. C'est compliqué, non?
RTSsport: La Suisse n'a pas le temps de cogiter. Dans un mois, c'est la Serbie chez elle...
MATIAS VITKIEVIEZ: Elle ne doit pas cogiter, mais retenir les leçons et espérer retrouver un Dan Ndoye en bonne forme le mois prochain. Pour le reste, ça se joue globalement sur quelques détails. Il lui faut éviter les sautes d'humeur, comme Xhaka au Danemark, qui ne doit jamais faire ça, et se montrer plus disciplinée. Je reste persuadé que cette équipe peut battre tout le monde, même l'Espagne chez elle s'il le faut. En octobre, ce sera le moment pour la Suisse de commencer la Ligue des nations, vu qu'elle ne l'a pas fait cette semaine...
Arnaud Cerutti
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"Le jeu long de Schär a manqué"
RTSsport: Dans le jeu long, on a pu se rendre compte du poids de l'absence de Fabian Schär...
MATIAS VITKIEVIEZ: Oui, très clairement. Il a beaucoup manqué, car il est le seul défenseur à vraiment savoir faire cela. Mais il faut composer avec son départ à la retraite. Son expérience manque également, même si Manuel Akanji a une fois de plus fait son match. La Suisse, mine de rien, a fait peau neuve sans trois cadres, puisque Sommer et Shaqiri sont aussi partis. Hier à Genève, rares étaient les leaders sur le terrain. Une nouvelle ère a commencé après l'Euro et il ne faut pas l'oublier...
Fabian Ruiz, un diamant
RTSsport: On l'a assez répété pendant l'Euro, mais Fabian Ruiz, quel joueur!
MATIAS VITKIEVIEZ: Oh que oui! C'est un joueur qui est bon à Paris, mais sans plus. Et là, depuis l'Euro, je me régale à l'observer. Il est phénoménal. Ruiz a une dimension incroyable, un sens de la passe, une qualité de déplacements et des qualités techniques extraordinaires. Hier soir encore, il donne l'impression de ne pas forcer, mais il est au-dessus des autres et doublement décisif.