Alexis Antunes: "Avec Servette, je vis un rêve et j'essaie de le vivre à fond"
Son nom n'échappe plus à grand monde, son profil non plus. No 10 du Servette FC, Alexis Antunes (bientôt 24 ans) est l'un des phénomènes de la saison, en Super League comme ailleurs, son talent ayant franchi les frontières helvétiques, accompagnant l'exercice enthousiasmant des Grenat à des hauteurs plus vues depuis des lustres. Il faut dire que l'homme virevolte, casse des défenses, des reins, et récite chaque semaine ou presque une partition délicieuse. Transformé. Transfiguré. "Je vis un rêve et j'essaie de le vivre à fond", souffle-t-il dans un grand sourire.
Tout, actuellement, lui réussit. Mais comme sur le rectangle vert, l'enfant de Champel refuse de tirer la couverture; il brandit le collectif pour expliquer ses performances. "J'ai la chance d’être bien entouré, au sein d'un groupe extraordinaire, avec une ambiance incroyable, des coéquipiers top", pose-t-il. Alexis Antunes parle du jeu, pas du "je". Il reconnaît toutefois se sentir à merveille dans l'axe ("ma position préférée"), là où il donne justement des impulsions, des inspirations, aussi. Il est surtout la preuve qu'il y a eu, à Genève, un effet René Weiler - n'en déplaise aux détracteurs du technicien zurichois.
Lui l'a pris en pleine poire – dans le bon sens du terme – dès l'arrivée aux commandes de l'entraîneur alémanique. "Le coach a su me parler, me mettre en confiance, me permettre d'être là où je suis aujourd'hui. J'essaie de lui rendre la pareille, d'amener mes qualités pour le bien de l'équipe." Entre les deux hommes, une étincelle. Il fallait aller vers elle pour que tout s'éclaire. Comme le jeu grenat, irrésistible depuis la fin septembre. Comme lui, aussi, Alexis, qui déborde de confiance crampons aux pieds. "Je tente des trucs, je crée, je prends un vrai plaisir sur le terrain", ajoute le joueur aux origines portugaise (papa) et espagnole (maman).
Ce plaisir, l'intéressé entend le prolonger en Conference League devant Viktoria Plzen, quatre ans et demi après être descendu d'un étage, direction Chiasso, pour grandir (lire encadré). Du Tessin à l’Europe, il n'y avait pas qu'un pas, et le Servettien a su dribbler les obstacles. Tout n'est que volupté à présent. "Franchement, il n'y a aucun stress avant le match de ce soir. J'ai au contraire vraiment hâte d'entrer dans le vif du sujet, tout comme j'avais déjà eu hâte de vivre les précédentes soirées européennes. Pouvoir disputer un match pareil est un privilège."
Même s'il crève l'écran, au point que d'aucuns veulent le voir en équipe de Suisse "A" (lire encadré), Alexis Antunes conserve une part de discrétion, et d'humilité, surtout. Il se refuse ainsi à parler de titre, de potentielle fin de saison incroyable, etc. N'y voyez pas là une quelconque langue de bois, mais plutôt la conscience d'où (re)vient Servette. "Nous ne nous enflammons pas, nous restons posés, sereins. Conscients certes que nous pourrions encore vivre de belles choses, mais conscients surtout des difficultés qui nous attendent."
Reste, cher Alexis, que vous avez bien un petit vœu d'ici au mois de juin? "Ce serait merveilleux de pouvoir gagner un trophée avec le Servette FC. Le championnat ou la Coupe, ce serait top." Et la Conference League? Sous forme de réponse, un éclat de rire. Et des étoiles dans les yeux. Comme dans les pieds.
Arnaud Cerutti (textes et interview) / Lionel Küng (vidéos)
"L'équipe de Suisse? Un compliment!"
Ses grosses performances à répétition ont tant changé le quotidien d'Alexis Antunes que d'aucuns désormais évoquent une sélection en équipe nationale suisse. Signe que son statut a changé, même la presse alémanique en parle. Mais lui qui a été international dans toutes les classes d'âge n'a pas les chevilles qui enflent. Seulement les yeux qui brillent. "C'est un compliment que l'on me parle de la sélection, c'est gentil, mais je n'y pense pas plus que cela, dit-il. Il est évident que si je suis appelé prochainement, je serais l'homme le plus heureux du monde. Mais si je ne le suis pas, je remettrais l'ouvrage sur le métier pour me donner les chances de l'être un jour."
Un passage bénéfique par Chiasso
Promu en Super League avec Servette en mai 2019, Alexis Antunes s'était trouvé privé de temps de jeu une fois dans l'élite. Il avait alors été envoyé à Chiasso, à l'étage inférieur, pour s'aguerrir, pour muscler son foot. Certains, à son âge (19 ans alors), auraient râlé, se seraient perdus. Lui a au contraire saisi la perche. "J'avais besoin de jouer et je n'ai pas hésité un instant à saisir cette opportunité. Chiasso a été l'endroit idéal pour moi." Parce que le milieu offensif y est allé avec la bonne mentalité, en se donnant les moyens pour transformer ce recul en tremplin.
"Une chance d'être là"
Pour être au club depuis 2013, Alexis Antunes est de ceux qui peuvent pleinement mesurer le chemin parcouru par le Servette FC depuis 5 ans, voire plus. Il dit s'en émerveiller chaque jour. "Honnêtement, si on m'avait dit il y a encore peu de temps que je passerai de la Challenge League à l'Europe en 5 ans, je ne l'aurais pas cru, savoure-t-il. C'est fou ce que l'on vit avec le SFC! C'est une chance d'être là, alors j'en profite à fond. Et lorsque tout cela sera terminé, je réaliserais que tout n'était que plaisir."
"Alexis a su faire parler son talent"
Yves Débonnaire observe avec bonheur ce qu'est devenu Alexis Antunes. "Alors que certains joueurs de sa volée se sont dispersés à l'étranger, Alexis a su faire les bons choix, relève l'ancien technicien de l'ASF. Il a accepté d'aller en Challenge League pour s'endurcir, loin des siens. Je dis "chapeau". Le mérite lui en revient, car c'est lui, et j'insiste sur le mot "lui", qui a fait le travail. Alexis a évolué, il a su faire parler son talent, car oui il est talentueux. On parle de lui en équipe de Suisse? On dira que pour aller en sélection, il faut pouvoir répéter les grosses performances sur le long terme. Mais, avec lui, se pose une autre question: a-t-on beaucoup de joueur de sa trempe et de son profil en Suisse?"