Charyl Chappuis: "Ma vie a basculé quand je suis arrivé en Thaïlande"
C'est un doux euphémisme de dire que Charyl Chappuis n'est pas le premier venu en Thaïlande. En ce début du mois d'avril, RTSsport lui a proposé une rencontre à Bangkok, et, après quelques échanges espacés par le décalage horaire et par l'agenda bien fourni du Zurichois de 32 ans, un créneau a pu être trouvé. Arrivée sobrement en moto-taxi, la superstar thaïlandaise s'installe dans le lobby d'un hôtel dont, hasard total, il connaît bien les alentours, puisqu'il commence par expliquer qu'il a séjourné dans cette même rue il y a de nombreuses années, avant d'être celui qu'il est devenu.
Il y a 15 ans, le 15 novembre 2009, l'équipe de Suisse M17 décrochait le Graal en battant le Nigéria 1-0 en finale de la Coupe de monde M17. Dans les "Rougets" présents dans l'équipe figurent des noms devenus célèbres, tels que Granit Xhaka, Ricardo Rodriguez, Pajtim Kasami ou encore Haris Seferovic. Parmi eux, Charyl Chappuis, un jeune helvético-thaï né le 12 janvier 1992 à Kloten d'un père suisse et d'une mère d'origine thaïlandaise.
Quand vous gagnez une Coupe du monde à 17 ans, tout le monde vient et vous dit que vous êtes le meilleur
Obtenir la consécration à seulement 17 ans a évidemment provoqué de brusques changements dans le quotidien du milieu défensif: "Bien sûr, après avoir gagné une Coupe du monde, vous rêvez de choses plus grandes, de jouer en Suisse, de jouer dans les 4 grands championnats majeurs. Quand vous gagnez une Coupe du monde à 17 ans, tout le monde vient et vous dit que vous êtes le meilleur et votre valeur marchande augmente d'un million" explique-t-il, avant d'ajouter: "Des équipes de toute l'Europe s'intéressent à vous, et des agents, des managers vous appellent, ce n'est pas facile de garder les deux pieds sur terre, ma vie a changé après ça".
Après cette victoire prometteuse, un changement de trajectoire assez rapide, qui a de quoi étonner. Celui qui a, dans la foulée, signé son 1er contrat avec Grasshopper n'aura en définitive jamais joué de matches en 1re division suisse. Comme il l'explique lui-même, Charyl Chappuis a rapidement eu de nombreux contacts et propositions à travers toute l'Europe, dont notamment l'appétit de la Juventus et de Hambourg: "L'intérêt de la Juventus et de Hambourg, ce n'est pas facile à gérer pour un jeune enfant, mais j'avais mes parents, surtout mon père, qui essayait toujours de me dire qu'il fallait continuer à travailler, à en faire plus".
Mais l'adaptation au plus haut niveau se fait de manière progressive: "On a 18 ans, on pense que l'entraînement du matin suffit et qu'on peut se reposer le reste du temps et ne plus avoir besoin d'aller à l'école. C'était un processus d'apprentissage, avec beaucoup d'erreurs mais aussi beaucoup de bons moments". Et c'est finalement dans le pays de sa maman que le jeune Charyl pourra s'épanouir pleinement.
L'offre qu'on m'a faite en Thaïlande, je ne l'aurais jamais eue en Suisse
Du statut de talent prometteur, il est devenu une superstar qui a fait les beaux jours de l'équipe nationale thaïlandaise: "La décision de venir en Thaïlande a été facile à prendre, car j'étais à Lugano, j'avais 20-21 ans, il y a eu un changement d'entraîneur, qui ne faisait pas beaucoup jouer les jeunes. Buriram est venu, c'est l'un des plus grands clubs de Thaïlande, ils se sont même déplacés jusqu'à Lugano, avec le manager. Puis ils m'ont invité à venir en Thaïlande pour voir les installations. Et la décision a été facile à prendre, l'offre qu'ils m'ont faite, je ne l'aurais jamais eue en Suisse".
L'émergence d'une superstar: "Ma vie a changé"
Désormais installé dans le pays de sa mère, dont il parle la langue, Charyl Chappuis va décider de jouer pour l'équipe nationale de Thaïlande. Ses succès avec les Changsuek (ndlr: les Éléphants de Guerre, surnom des joueurs de l'équipe de Thaïlande) vont le propulser sur le devant de la scène nationale, comme le confie l'intéressé.
"La période où je suis arrivé était la bonne, le football thaïlandais était en plein essor, et tout ce que nous avons réalisé avec l'équipe nationale a beaucoup aidé. Nous avons gagné les Jeux d'Asie du Sud-Est lors de ma 1re année, la Thaïlande n'avait plus gagné depuis 12 ans. L'année suivante, nous sommes allés aux Jeux Asiatiques, nous avons perdu en demi-finales contre la Corée, mais c'était une grande réussite". Et l'ex-no7 de l'équipe de Thaïlande de conclure: "Après cela, ma vie a basculé. Avec les résultats de notre équipe en 2014, le football thaï a changé, nous étions les héros du pays".
Plus de 1,3 million de followers sur les réseaux sociaux
Mais Charyl Chappuis (prononcé "Chapouille" par les Thaïlandais), ce n'est pas que des qualités footballistiques déployées dans les meilleurs clubs du pays (Buriram, Port FC notamment et désormais le Bangkok FC, en 2e division thaïlandaise), c'est aussi une intelligence stratégique sur les réseaux sociaux, qui lui permet de comptabiliser plus de... 1,3 million de followers sur le réseau social Instagram, soit autant que Stan Wawrinka, vainqueur de 3 tournois du Grand Chelem en tennis!
Sur ce succès foudroyant, Chappuis explique: "En Asie, on adore les réseaux sociaux. Et les gens aiment en particulier les moitié-thaïs, j'ai eu la chance d'avoir un bon mélange. Les gens en Thaïlande adorent mon look, en même temps je jouais bien, je marquais des buts, j'apportais du bonheur au pays. J'ai aussi été l'un des premiers à utiliser ces plateformes, c'était plus facile il y a 10 ans". Cette "Chappuismania" combinée à son savoir-faire sur les médias digitaux, lui a permis de collaborer avec des nombreuses marques et de pouvoir s'offrir une maison à Phuket ainsi qu'un appartement dans le quartier huppé de Thong Lo (au centre-ville de Bangkok).
"Je suis marié avec une femme moitié-thaï, moitié-suédoise. Nous avons réalisé que la Thaïlande est le pays où nous voulions vivre". Sur la suite de sa carrière, "Chap", 32 ans, se confie: "Il me reste encore quelques années, mais je ne sais pas encore ce que je veux faire, mon plus grand rêve est d'être manager d'une équipe, pas entraîneur mais manager: J'aime quand tout est parfaitement en ordre, je voudrais aussi être recruteur de jeunes talents". Très poliment, Charyl Chappuis prend congé. Immédiatement après, les personnes qui se trouvent autour le sollicitent pour des photos. Le Zurichois devenu superstar en Thaïlande s'exécute, sourire aux lèvres, dans la simplicité et la politesse.
Bangkok, Amedeo Burger - @AmedeoBurger
Le revers de la médaille
Très ouvertement, Charyl Chappuis a aussi évoqué le revers de la médaille de sa gloire: "Je pense que les choses extrasportives sont l'une des raisons avec lesquelles j'ai eu du mal ces dernières années, la jalousie... Par exemple, quand je jouais pour Port FC, je suis resté sur le banc 90 minutes. J'ai joué seulement quelques minutes, nous avons gagné 3-0, un joueur marque les 3 buts et, après le match, j'ai pris 30-45 minutes pour des photos avec les supporters. Le joueur qui a marqué n'a pas reçu la même attention et un malaise est présent, autant pour moi que pour le joueur".
"Chaque fois que je suis prêté, c'est toujours là que je suis le meilleur"
L'Helvético-thaï a également confié qu'il se sentait meilleur lorsqu'il était en prêt, lui a qui débuté sa carrière professionnelle par un prêt de GC à Lugano et qui est actuellement en prêt au Bangkok FC: "Ce qui est fou, c'est que chaque fois que je suis prêté, c'est toujours là que je suis le meilleur. C'est peut-être parce que je ressens qu'on me veut vraiment, ils (ndlr: les clubs) investissent pour le prêt, ils veulent vraiment que tu joues, et je suis un joueur très sensible à ce genre de choses: si je sens que l'équipe me veut, que l'entraîneur me veut, que le président me veut, je donne le meilleur de moi-même".
"En Thaïlande, il peut se passer beaucoup de choses les 20 dernières minutes".
Quand on évoque le niveau du football en Thaïlande, Charyl Chappuis conçoit bien qu'il ne s'agit pas d'un des pays les plus compétitifs, mais tempère en affirmant: "Oui, nous n'avons pas joué de Coupe de monde, mais pour être honnête, la qualité est bonne ici, surtout sur le plan technique". S'il reconnaît que le football suisse est "physiquement et tactiquement plus avancé", il explique qu'en Thaïlande, "beaucoup de matches consistent à courir 90 minutes tandis qu'en Suisse il y a davantage de tactique mise en place. En Thaïlande, il peut se passer beaucoup de choses les 20 dernières minutes et la Ligue est agréable".
Charyl Chappuis en bref:
Nom: Chappuis
Prénom: Charyl Yannis
Date de naissance: 12 janvier 1992
Lieu de naissance: Kloten (canton de Zurich, Suisse)
Sélections internationales:
Thaïlande : 21 sélections et 4 buts inscrits
Suisse espoir : 50 sélections, de l'équipe de Suisse M15 à l'équipe de Suisse M20
Clubs dans lesquels il a évolué:
2010-2011: Grasshopper
2011-2012: FC Locarno (prêt)
2012-2013: FC Lugano (prêt)
2013-2014: Suphanburi (1re division thaïlandaise)
2014-2015: Buriram United (1re division thaïlandaise)
2015-2016: Suphanburi (1re division thaïlandaise)
2016-2019: Muangthong United (1re division thaïlandaise)
2019-2023: Port FC (1re division thaïlandaise)
2023-2024: Chiangmai FC (prêt) (2e division thaïlandaise)
2024- : Bangkok FC (2e division thaïlandaise)
Particularité: possède 1,3 million de followers sur les réseaux sociaux