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"Mais comment l'équipe de Suisse peut-elle afficher deux visages si différents?"

Granit Xhaka et Eray Cömert à la dérive contre la Serbie; l'image d'une sélection qui ne va pas très bien. [KEYSTONE - MICHAEL BUHOLZER]
Granit Xhaka et Eray Cömert à la dérive contre la Serbie; l'image d'une sélection qui ne va pas très bien. - [KEYSTONE - MICHAEL BUHOLZER]
Au lendemain d'Espagne-Suisse, qui a bouclé l'aventure Ligue des nations et l'année 2024 de la troupe dirigée par Murat Yakin, l'heure est au bilan et au regard sur la suite des opérations, après un Euro encourageant mais un automne calamiteux...

Présent dans le cadre national à l'Euro 2004 au Portugal, Sébastien Roth, ancien gardien de Delémont, Servette et Lorient notamment, pose un regard sans concession sur l'équipe de Suisse au bout de cet exercice 2024 fait de hauts et de bas.

RTSsport.ch: Sébastien Roth, l'année de la Suisse s'est achevée lundi soir par une autre défaite en Espagne, après un quart de finale à l'Euro et donc une déroute en Ligue des nations...

SEBASTIEN ROTH: Et cette année se termine avec bien des interrogations. Comment en effet cette équipe peut-elle afficher deux visages aussi différents? Je ne suis certes pas un fan de la Ligue des nations, mais plus encore que les résultats, c'est la manière qui me déçoit sur les sorties automnales. Heureusement que la Suisse a eu son embellie au bon moment, à l'Euro! Mais comment est-ce possible de passer de tout à presque rien en si peu de temps? Si j'avais la réponse, je vous la donnerais...

RTSsport.ch: Murat Yakin est souvent brocardé, moins ses joueurs. D'aucuns disent que l'Euro a été un coup de chance pour le sélectionneur!

SEBASTIEN ROTH: Je n'envisage pas cela un seul instant! Murat a disputé quelques grands tournois en tant que joueur, il a évolué dans de grands clubs et a des qualités. C'est quelqu'un qui a une vraie capacité à fédérer une équipe sur un objectif précis. C'est un bon vivant, un gars sympa, qui sait s'y prendre pour qu'un groupe le suive dans une grande compétition, pour installer une ambiance adéquate afin de disputer un rendez-vous du genre. En revanche, peut-être que c'est plus difficile pour lui sur des événements ponctuels, de 6-7 jours, etc...

RTSsport.ch: Mais on peut aussi se poser la question dans l'autre sens: est-ce que certains joueurs ont eux aussi de la peine à se mettre "dedans" pour ces rencontres de Ligue des nations?

SEBASTIEN ROTH: Tout à fait! C'est d'ailleurs frustrant de voir cette équipe capable de se sublimer dans un tournoi, mais ne pas enchaîner derrière. Alors oui, savoir élever son niveau de jeu comme cela a été fait à l'Euro est une faculté certaine, mais tu dois pouvoir battre le Danemark et la Serbie, au moins une fois, afin de ne pas plonger. Certains brandissent des excuses, évoquent l'arbitrage, la malchance, etc. Mais la chance, ça se provoque. Et puis bon, je suis d'avis qu'il vaut mieux chercher à l'intérieur du groupe ce que l'on a fait de faux plutôt que de chercher des trucs à l'extérieur.

C'est frustrant de voir cette équipe capable de se sublimer dans un tournoi, mais ne pas enchaîner derrière...

Sébastien Roth, gardien suisse présent à l'Euro 2004

RTSsport.ch: Cette année, on a vu une équipe de Suisse parfois sans certitude, notamment au niveau du système de jeu...

SEBASTIEN ROTH: Il manque une identité claire à cette équipe. Oui, le système change beaucoup, mais les hommes aussi ont pas mal changé par moments. Certaines fois par obligation, d'autres non. Murat Yakin a essayé pas mal de choses, mais je pense que pour le bien d'une équipe, et même si les joueurs doivent savoir évoluer dans différents systèmes, il faut à un moment prendre une décision, trancher et s'y tenir. Avec la Suisse, on ne sait jamais si elle va presser, ne pas presser, faire le jeu, ne pas faire le jeu, etc. Quel est le projet, quelle est la philosophie?

RTSsport.ch: On a évoqué le négatif. Dans la colonne positif figure bien sûr l'Euro...

SEBASTIEN ROTH: Ah oui, l'embellie dont je parlais a eu lieu au moment idéal. Souvenez-vous toutefois que tout n'a pas été parfait non plus en Allemagne, à l'image du match contre l'Ecosse. Mais oui, tu élimines l'Italie et tu marques les esprits. Comme avec la France lors de l'édition précédente. De l'Euro 2020, tout le monde n'avait retenu que cela, alors que les 3 matches de poule avaient été vraiment médiocres. Cette année, la Suisse a signé quelques coups d'éclat, c'est tout. Pour un cru réussi, il aurait fallu pouvoir enchaîner, montrer qu'elle a grandi.

L'équipe nationale, ce n'est pas le Tournoi des Campagnes. Oui, c'est bien de vouloir intégrer des gens, mais au bout d'un moment, une sélection se mérite...

Sébastien Roth, gardien suisse présent à l'Euro 2004

RTSsport.ch: Maintenant, cap sur les éliminatoires du Mondial 2026, qui n'auront rien d'évident. Comment sentez-vous la Suisse?

SEBASTIEN ROTH: Cela s'annonce compliqué, mais l'équipe nationale a déjà la chance d'être tête de série avant le tirage au sort de la mi-décembre, ce qui pourrait lui permettre d'avoir un groupe plus accessible. Sur le papier, ça devrait être jouable. Reste qu'il lui faudra faire mieux que ces trois derniers mois. A Murat Yakin de définir un vrai cadre, avec plus que 11 joueurs, histoire d'avoir une structure solide afin d'aborder cette échéance dans les meilleures dispositions. Le temps des essais est révolu, à mes yeux. L'équipe nationale, ce n'est pas le Tournoi des Campagnes. Oui, c'est bien de vouloir intégrer des gens, mais au bout d'un moment, une sélection se mérite. 

RTSsport.ch: Quelques nouveaux ont tout de même montré des choses intéressantes. Est-ce que cela peut aussi pousser les titulaires habituels à donner un peu plus à l'avenir?

SEBASTIEN ROTH: C'est l'une des questions qui se posent aujourd'hui, oui. Pour cela, il faudrait que le sélectionneur aille dans ce sens, qu'il utilise les performances des Kutesa, Monteiro, Amenda et autres pour installer une vraie et saine concurrence, pour bousculer le groupe. J'ai souvent eu l'impression, ces derniers mois, que 11, 12, 13 joueurs ne risquaient pas grand-chose. Là, Murat Yakin tient peut-être quelque chose pour le groupe, un levier, une arme, pour dynamiser son équipe.

Arnaud Cerutti

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"Les départs ne doivent pas constituer une excuse!"

Les départs à la retraite de Fabian Schär, Xherdan Shaqiri et Yann Sommer ont-ils beaucoup plus pesé qu'imaginé initialement? "Non, je ne pense pas, répond Sébastien Roth. En tout cas pas concernant Shaqiri, qui ne jouait plus que quelques bouts de match. Certes, le Bâlois pouvait toujours réaliser un coup d'éclat avec sa patte, mais je ne pense pas que son départ a déstabilisé le groupe. Peut-être que ceux des deux autres un peu plus, mais cela ne doit en rien constituer une excuse. Une équipe nationale, ce ne sont pas 11, 12, 13 joueurs. Cela doit être un cadre de 24-30 gars sur lesquels tu peux compter. Si un sélectionneur ne se repose que sur 11 éléments, il est mal barré..."

"Amdouni tient le bon bout..."

Au coeur d'un automne maussade, Sébastien Roth a tout de même (logiquement) apprécié le comportement de Zeki Amdouni dans le système offensif suisse. "Il tient le bon bout, lance l'ancien gardien. Zeki est l'un des rares joueurs qui tentent leur chance, qui essaient des trucs. Oui, il rate des occasions, mais on ne peut pas lui reprocher grand-chose. Il se montre actif, se propose, se bat. C'est positif." Et l'ex-international d'ajouter: "J'ai aussi beaucoup aimé le comportement de Dereck Kutesa, Joël Monteiro et Andi Zeqiri, qui ont amené quelque chose en entrant contre les Serbes ou face aux champions d'Europe."

Groupe 4 Matches Diff. Buts Points
1. Espagne 6 13 : 4 16
2. Danemark 6 7 : 5 8
3. Serbie 6 3 : 6 6
4. Suisse 6 6 : 14 2