Miroslav Stevanovic, le discret phénomène qui s'exprime si bien... avec ses pieds
Ce n'est pas forcer le trait que de l'écrire: Miroslav "Mića" Stevanovic est un cadeau du ciel pour le Servette FC, un joueur venu un peu d'une autre époque, qui tire son club depuis maintenant 7 ans, étire les défenses adverses et multiplie les kilomètres, avec pour seul objectif en tête le bien commun. Jamais au grand jamais le Bosnien n'a pensé "qu'à sa gueule" et les stats le prouvent: 98 passes décisives délivrées sous le maillot grenat, dont 20 lors d'un cru 2021/2022 exceptionnel. Cela place son homme. Mais pas que. Car avec le No 9, beaucoup de choses se jouent et se nouent dans le travail quotidien.
"Ce qui me frappe, chez lui, c'est l'exigence qu'il s'impose et à quel point il est pro dans tout ce qu'il entreprend", témoigne ainsi Daniel Blanco, l'entraîneur des gardiens servettiens, qui le côtoie depuis son arrivée au club. "Mića" est perfectionniste jusqu'au bout des ongles et il ne regarde jamais ce qu'il a fait de bien, mais plutôt tout ce qu'il pense avoir fait de mal, embraie Bojan Dimic, le coach-assistant. Même après les grands matches, il est capable dire: 'Non, ce n'est pas bien, car j'ai raté ci et ça...' Il est très dur avec lui-même..."
Miroslav Stevanovic ne s'exprime qu'avec ses pieds. L'exposition médiatique, il s'en fiche comme de l'an quarante. Seul compte le travail. Seul compte le jeu, aussi. Du joyau de 34 ans, ce sont donc ceux qui l'entourent qui parlent le mieux. Souvent avec admiration. "C'est vrai, je l'appelle 'Mića' Maraviglia', notre petite merveille, un mec que j'adore, à la fois mystérieux et attachant", reprend Blanco. "Je suis proche de lui en raison de la langue, mais il y a eu un truc entre nous dès la première poignée de main, constate Dimic. "Mića" est un personnage d'une grande gentillesse, d'une grande humilité, d'une grande générosité."
Devenu l'un de ses meilleurs potes, Jérémy Frick n'a que de l'amour pour son camarade. "On se chambre comme un vieux couple, lance le capitaine servettien. Je sais que je peux compter sur lui et il sait qu'il peut compter sur moi. Nous avons nos traditions: nos trajets quotidiens ensemble à l'entraînement, notre capuccino d'avant-match, nos discussions sur tout, sauf sur le foot... Mais il est vrai qu'il a un côté particulier, avec cette discrétion, cette peur parfois de déranger. Ce n'est pas un rôle qu'il se donne; c'est un vrai humble. Dans la vie, il ne fait pas de bruit. Mais quel bonheur de l'avoir avec nous!"
Personne n'a fait ce qu'il a fait. Parce que oui, c'est facile pour un joueur de surfer sur une vague positive, mais "Mića" est arrivé lorsque ce n'était pas tout rose. Et c'est à cela que l'on peut mesurer ce qu'il a amené au club. Nous étions au fond et il nous a portés tout en haut.
Dans le vestiaire comme sur le terrain, l'homme est indispensable. "Je ne l'ai jamais entendu gueuler, mais lorsqu'il a quelque chose à dire, on sait pourquoi cela sort, pose Bojan Dimic. C'est d'abord un leader par l'exemple. Lorsqu'il court, lorsqu'il se bat, tout le monde veut et va suivre. "Mića" va presser, tu vas presser avec lui, etc." Et Daniel Blanco d'ajouter: "Lorsque tu as la chance de partager le vestiaire avec un gars comme lui, tu suis ses pas. C'est un grand Monsieur, qui montre la voie par les gestes, par ce qu'il fait, par ce qu'il donne." C'est encore et toujours le cas en cette saison 2024/2025, sa 8e en Grenat, qu'il espère fructueuse.
Arrivé en 2017 dans un Servette FC bringuebalant, Miroslav Stevanovic a déjà plus que fait le travail depuis lors, s'imposant comme l'un des meilleurs joueurs du pays: promotion dans l'élite, installation dans le top-3 de Super League, aventures européennes, victoire en Coupe; de quoi marquer les gens. Mais quelle est donc sa place dans l'histoire des étrangers du SFC? "Au sein du nouveau Servette, celui du Stade de Genève, il est incontestablement le No 1, répond Jérémy Frick. Personne n'a fait ce qu'il a fait. Parce que oui, c'est facile pour un joueur de surfer sur une vague positive, mais "Mića" est arrivé lorsque ce n'était pas tout rose. Et c'est à cela que l'on peut mesurer ce qu'il a amené au club. Nous étions au fond et il nous a portés tout en haut."
Alors que Daniel Blanco estime que "Stevanovic mérite une statue au pied du Stade", Bojan Dimic a fait son classement. "Puisque José Sinval a gagné le titre national avec le club (ndlr: en 1994), je placerais "Mića" juste derrière, souligne l'entraîneur-assistant. Oui, il a enlevé une Coupe de Suisse avec le SFC et c'est formidable car une génération entière se souviendra de lui pour cela, mais le titre en championnat est ce qui lui manque afin d'être pour de bon au Panthéon du club. Cela permet d'asseoir ta position, ton aura. Pour tout ce qu'il a déjà apporté au SFC, ce serait fabuleux qu'il y parvienne."
Bref, le taiseux Miroslav Stevanovic - récemment devenu papa - sait ce qu'il lui reste à faire d'ici au mois de mai. Et ça commence dimanche à Bâle. Où il pourra laisser parler ses pieds.
Arnaud Cerutti
"En "10", encore une marge de progression"
Miroslav Stevanovic a déjà 34 ans, mais ceux qui l'entourent l'imaginent encore capable de progresser. Surtout dans l'axe du jeu, en No 10, où l'a de temps en temps placé Thomas Häberli ces dernières semaines. Avec réussite. "Oui, il bonifie encore davantage le collectif à ce poste, lance Bojan Dimic. "Mića" a encore une grosse marge de progression dans cette position, où il est de plus en plus ouvert à l'idée de jouer. Oui, il aime être à droite, mais on s'aperçoit que la plupart de ses buts viennent depuis l'axe du terrain. Il est souvent dans le dos de l'adversaire, entre les lignes. C'est un cauchemar pour un défenseur, car il ne se situe jamais plus de deux secondes au même endroit."
"Il a permis au Servette FC de grandir"
Si Miroslav Stevanovic peut pareillement montrer l'exemple, c'est non seulement car il a engrangé pas mal d'expérience en Espagne (Séville, Elche, Alaves...), Hongrie, Grèce ou chez lui, mais aussi car il est techniquement au-dessus du lot. "Sur le plan du foot, il a un vécu qui force le respect; lorsque Séville vient te chercher, c'est que tu n'es pas une 'pipe', lâche Daniel Blanco. Cela n'a pas forcément fonctionné pour lui en Espagne, mais je crois qu'en arrivant à Genève il avait vraiment à coeur de se relancer. On a vite compris la chance qu'on a de pouvoir compter sur un joueur de sa trempe. Il a amené son professionnalisme au Servette FC, lui a permis de grandir, et j'espère qu'on pourra encore compter sur lui quelques années."