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"Des mecs se fracassaient la tête contre les portes avant les matches..."

Sébastien Roth a vécu à fond sa carrière, entre le haut et les bas, mais toujours avec passion. [KEYSTONE - DOMINIC FAVRE]
Sébastien Roth a vécu à fond sa carrière, entre le haut et les bas, mais toujours avec passion. - [KEYSTONE - DOMINIC FAVRE]
Avant l'ultime journée de Super League de l'année, nous jetons un regard "Dans le rétro" avec Sébastien Roth, ancien gardien international, passé notamment par Soleure, Delémont, Servette ou encore Lorient. Et ça décape!

RTSsport.ch: Sébastien Roth, quel a été le plus grand moment de votre carrière?

SEBASTIEN ROTH: Ma participation à l'Euro 2004 avec la Suisse. J'étais de piquet avant la blessure de Fabrice Borer et je me trouvais dans un bistro, sans réseau, au moment où le staff a cherché à m'appeler pour que je rallie le Portugal. J'étais déjà heureux d'être dans la liste élargie, mais avoir été pris ensuite a été la reconnaissance de mon travail, de ma très belle saison. Bien sûr, je n'ai jamais souhaité qu'un gardien se blesse pour prendre une place, mais le malheur de l'un a fait le bonheur d'un autre, moi en l'occurrence, et j'ai vraiment croqué pleinement dans cette compétition.

RTSsport.ch: Vous nous aviez dit, il y a quelque temps, que ce fut une aventure extraordinaire...

SEBASTIEN ROTH: Oui, totalement. Même en tant que 3e gardien, tu fais vraiment partie de la vie du groupe, tu dois être une sorte de garant de la bonne ambiance, mais aussi celui qui fait des heures sup à l'entraînement pour les tireurs de coups francs, etc. Je devais amener ma bonne humeur, car un 3e gardien n'a pas le droit de tirer la gueule.

A l'Euro 2004, Sébastien Roth a souvent échangé avec Pascal Zuberbühler, gardien no2 de la Suisse au Portugal. [KEYSTONE - WALTER BIERI]
A l'Euro 2004, Sébastien Roth a souvent échangé avec Pascal Zuberbühler, gardien no2 de la Suisse au Portugal. [KEYSTONE - WALTER BIERI]

RTSsport.ch: Y a-t-il eu une parade ou un match plus important que les autres?

SEBASTIEN ROTH: Difficile d'évoquer un arrêt en particulier, mais il y a eu quelques interventions capitales lors de l'inauguration du Stade de Genève, en mars 2003 contre Young Boys (ndlr: 1-1). C'était un match particulier, car avoir la chance de faire l'ouverture d'un antre, qui plus est à Genève, ne se présente pas tous les jours. Il y avait un certain engouement, une certaine impatience, et nous n'avions pas le droit de perdre. Le stade était plein et j'ai ressenti un immense bonheur de pouvoir vivre ça avec "mon" club.

RTSsport.ch: A quel moment de votre carrière vous êtes-vous senti le plus fort?

SEBASTIEN ROTH: De 2004 à la faillite du Servette FC! J'avais les meilleures sensations. A Genève, malgré l'affreux dénouement, on avait une jolie petite équipe. Si la gestion était désastreuse, le projet sportif n'était pas tout faux.

RTSsport.ch: Cela mène à évoquer le moment de votre carrière où vous vous êtes senti le plus seul...

SEBASTIEN ROTH: Oui, car c'était bel et bien durant la faillite du SFC, un moment très, très compliqué, ayant engendré énormément de choses dont les gens ne se rendaient peut-être pas compte. Cela a été une longue période durant laquelle on ne savait pas de quoi demain serait fait, une période très rude moralement, pas seulement pour moi. Mais il y a tout de même eu du positif, puisque si lorsque tu joues, tu as du monde autour de toi, eh bien lorsque tu ne joues plus, il y a soudainement moins de personnes qui te tapent sur l'épaule, moins qui veulent aller boire un café, moins qui te sollicitent... Cela m'a donc permis de faire le tri parmi les amis et les autres.

RTSsport.ch: En voulez-vous à des gens aujourd'hui?

SEBASTIEN ROTH: Non, je n'en veux pas à des gens, mais davantage aux événements, au système, qui a laissé partir le truc en vrille, qui a fait qu'une seule personne a porté le chapeau. Comment a-t-on pu en arriver là avec un club comme Servette? Cela n'aurait jamais dû se passer. Jamais.

RTSsport.ch: Y a-t-il un match qui reste davantage dans votre mémoire que les autres?

SEBASTIEN ROTH: Ce n'est pas positif comme souvenir, mais je me souviens du sentiment étrange m'ayant accompagné tout au long du Servette-Saint-Gall de fin 2004 (ndlr: le 12 décembre, score 1-1). Alors que nous ne savions encore rien de l'avenir du club, j'ai eu la sensation bizarre que c'était la fin de quelque chose. J'ai passé cette rencontre avec un sentiment de nostalgie négative, de tristesse. Comme si j'avais senti le truc arriver. Quelque chose ne tournait pas rond. Et puis, je me souviens aussi de mon premier match en Ligue Nationale, à 16 ans, avec les SR Delémont contre Wil. Inoubliable.

RTSsport.ch: De tous les joueurs avec lesquels vous avez évolué, lequel vous a le plus marqué?

SEBASTIEN ROTH: Vitorino Hilton, humainement comme sportivement. Je suis encore en contact avec lui et je l'ai retrouvé lorsque je suis allé passer une semaine à Montpellier pour mon diplôme d'entraîneur de gardiens. Hilton est un gars humble, qui est même venu jouer à Collex-Bossy pour un match de gala des anciens du Servette FC. Cela veut dire beaucoup. En dehors de lui, je citerai également Eric Pédat, mon idole d'enfance, qui m'a ouvert les bras à mon arrivée à Genève.

Passé par Servette à son arrivée en Europe, Vitorino Hilton (ici à la lutte avec Zlatan Ibrahimovic), a marqué l'esprit de Sébastien Roth, avant de rejoindre notamment Marseille puis Montpellier. [KEYSTONE - YOAN VALAT]
Passé par Servette à son arrivée en Europe, Vitorino Hilton (ici à la lutte avec Zlatan Ibrahimovic), a marqué l'esprit de Sébastien Roth, avant de rejoindre notamment Marseille puis Montpellier. [KEYSTONE - YOAN VALAT]

RTSsport.ch: Quel a été le joueur le plus fou côtoyé au cours de votre carrière?

SEBASTIEN ROTH: Si l'on parle de folie sur le terrain, je peux évoquer Carlos Varela. Mais j'en ai vu bien d'autres! A Soleure, des joueurs se fracassaient la tête contre les portes avant les matches en donnant des coups de boule! C'était apparemment leur façon de se motiver. Chacun son truc (rires). A Delémont, il y avait aussi des fous furieux, des types qui évoluaient en Ligue nationale mais se comportaient comme s'ils étaient en 4e Ligue, à venir 10 minutes avant le rendez-vous, limite avec la bouteille de bière. C'était une autre époque...

RTSsport.ch: Et le plus drôle?

SEBASTIEN ROTH: Sans hésiter Léonard Thurre! Il était fou dans le bon sens du terme, donc très drôle. Pour l'avoir côtoyé dès les sélections de jeunes, j'en ai vu des conneries de sa part (rires)!

RTSsport.ch: Le plus méchant?

SEBASTIEN ROTH: On avait un type, à Servette: Faouzi El Brazi. Le gars posait des tacles à hauteur de la carotide à l'entraînement! Heureusement que j'étais gardien, car dans le jeu je n'aurais jamais mis le pied...

RTSsport.ch: Quel joueur a été le plus embêtant à affronter?

SEBASTIEN ROTH: Même si j'ai joué avec lui, je n'aimais pas affronter Alexander Frei, un vrai renard des surfaces. Tu ne pouvais jamais savoir où il allait se trouver. Il y a d'autres joueurs qui m'ont posé problème, comme Gürkan Sermeter, particulièrement dangereux sur coups francs.

Sébastien Roth congratule ici son ancien coéquipier Alexander Frei, qui lui a posé bien des problèmes en tant qu'adversaire. [KEYSTONE - DOMINIC FAVRE]
Sébastien Roth congratule ici son ancien coéquipier Alexander Frei, qui lui a posé bien des problèmes en tant qu'adversaire. [KEYSTONE - DOMINIC FAVRE]

RTSsport.ch: Quel entraîneur vous a particulièrement marqué?

SEBASTIEN ROTH: Si on parle d'entraîneur d'équipe, c'est clairement Marco Schällibaum, avec qui j'ai tissé une relation particulière. C'est lui qui m'avait notamment promu capitaine à Servette. Il y a aussi eu Roberto Morinini, qui m'a fait confiance en me mettant titulaire à Genève. Sur le plan des méthodes de travail, je dois évoquer Christian Gourcuff (ndlr: à Lorient) et Lucien Favre (ndlr: au SFC). Et, comme entraîneur de gardiens, Pascal Marguerat, un grand Monsieur, m'a chaque jour poussé un peu plus à Genève.

RTSsport.ch: Y a-t-il un choix de carrière que vous regrettez?

SEBASTIEN ROTH: Peut-être que j'aurais dû rejoindre le grand FC Bâle, qui me voulait lorsque j'étais à Servette, en 2004. Mais je me fais cette réflexion maintenant, car la faillite est intervenue quelques mois plus tard. Sauf que sur le moment, il n'était pas question pour moi de quitter le SFC, avec lequel nous jouions le haut du tableau. J'étais capitaine, titulaire, et c'était inconcevable pour moi de m'en aller comme ça.

RTSsport.ch: Quelle a été votre plus belle rencontre grâce au football?

SEBASTIEN ROTH: Il y en a eu énormément et je dois dire qu'avant le Servette de la faillite, je n'ai pas rencontré de mauvais gars dans le milieu. C'est donc dur de ne ressortir qu'un nom, mais pêle-mêle je vais parler de Pascal Marguerat, Jackie Barlie, Eric Pédat, Sébastien Fournier, Oscar Londono, David Gonzalez ou encore Matias Vitkieviez. Davantage que d'anciens coéquipiers, ce sont de vrais potes, que j'ai toujours du plaisir à revoir. Et s'il y avait une personne perdue de vue que j'aimerais retrouver, ce serait Robert DuBuisson, un ancien défenseur de Soleure, qui m'a beaucoup apporté humainement lorsque j'avais à peine 20 ans.

Léonard Thurre et Eric Pédat. L'un a beaucoup fait rire Sébastien Roth, l'autre l'a accueilli à bras ouverts à Genève. [KEYSTONE - LAURENT GILLIERON]
Léonard Thurre et Eric Pédat. L'un a beaucoup fait rire Sébastien Roth, l'autre l'a accueilli à bras ouverts à Genève. [KEYSTONE - LAURENT GILLIERON]

RTSsport.ch: Quelle a été la plus grosse fête?

SEBASTIEN ROTH: On l'a faite après avoir gagné la Coupe en 2001 avec Servette! Cette fête a duré quelques jours, pas seulement un soir (rires). Sous l'impulsion de Sébastien Fournier, nous nous étions tous retrouvés en Valais, rien qu'entre nous, et nous avons alors profité un maximum de notre victoire. Ce n'était pas une équipe de foot qui venait de remporter quelque chose, mais une vraie bande de potes. C'était magique.

RTSsport.ch: Quelle anecdote n'avez-vous jamais racontée pour laquelle il y aurait prescription aujourd'hui?

SEBASTIEN ROTH: Il n'y aura jamais prescription sur ce qui s'est passé dans les vestiaires (rires)! Ce n'est pas qu'il n'y a rien d'inavouable, mais à mon sens, tout ce qui s'est passé dans les groupes doit rester dans les groupes, doit continuer à leur appartenir. Tout ce que nous avons vécu n'appartient qu'à nous et partager ces choses n'aurait alors plus la même valeur ni la même signification.

Arnaud Cerutti

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"Je me suis éclaté à Lorient"

Au sortir de la faillite du Servette FC, Sébastien Roth a évolué durant 6 mois à Lorient, un club dont il garde d'excellents souvenirs. "Je me suis éclaté là-bas, j'ai adoré cette aventure, dit-il aujourd'hui. C'était top d'avoir un coach comme Christian Gourcuff. Ce passage en France m'a permis de mesurer l'écart incroyable avec ce qui se passait dans le foot suisse. En termes de professionnalisme, c'était d'un tout autre niveau, avec un encadrement qui comptait plus du double de personnes et des gens disponibles quasiment 24h/24."

"Servette, une relation particulière"

Le plus grand club dont Sébastien Roth a porté le maillot est le Servette FC, celui qu'il considère aussi comme son "club de coeur". Mais cette relation n'était pas courue d'avance. "Non, en effet, en dehors du fait que j'aimais beaucoup Eric Pédat, que j'avais d'abord découvert à Saint-Gall, je n'en étais pas particulièrement fan lorsque j'étais gosse, avoue le Jurassien. Il n'y avait pas une équipe que je suivais plus que les autres. J'avais joué à Delémont, à Soleure, et je faisais mon petit bonhomme de chemin. Puis l'offre genevoise est arrivée et j'ai tout de suite noué une relation particulière avec les Grenat. Servette, c'est "mon" club, celui que je me réjouis de revoir sur le devant de la scène après ce qu'il a vécu."

Le football, grâce à... son fils

Si Sébastien Roth ne cache pas avoir quelque peu pris ses distances avec le football, il garde tout de même les mains dedans. D'une part car il participe à un projet de l'ASF, mais aussi car il suit les performances de son fils Benjamin (22 ans), passé par Neuchâtel Xamax, aujourd'hui à Bienne. "Il a toujours fait ses choix, y compris celui d'être gardien, sourit l'heureux papa. Je suis toujours là pour lui s'il en a besoin, mais je ne m'impose pas dans sa carrière. Je sais qu'il a des capacités et j'espère qu'il aura lui aussi le petit coup de pouce ou la belle rencontre qui pourront lui permettre de s'installer. Benjamin est un gros travailleur, un passionné, qui a hérité de mon caractère..."

Son après-football

Le Jurassien a très vite assuré sa reconversion professionnelle. "J'ai peut-être eu un peu de chance, car à peine avais-je arrêté que l'on m'a proposé un poste dans une société de marketing, rappelle Sébastien Roth. Je l'ai occupé pendant une année avant de basculer dans les assurances, chez Generali. Cela fait 13 ans que je suis dans le milieu, 6 en tant que responsable d'agence. Je suis super, super content. J'ai pu saisir des opportunités que je n'avais pas eues dans ma carrière précédente." En plus de son activité professionnelle, l'ancien gardien porte régulièrement son regard aiguisé sur les performances de l'équipe de Suisse pour les débriefings de matches proposés sur RTSsport.ch.

Sébastien Roth, en bref

Naissance à Boncourt le 1er avril 1978.
Nationalité: suisse.
Clubs successifs: SR Delémont (1994-1997), Soleure (1998-2000), Servette (2000-2005), Lorient (2005), Yverdon (2006), Chênois (2006-2007), Schaffhouse (2007-2009), Le Mont (2009-2010), Etoile Carouge (2010-2013).
Poste de joueur: gardien.

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