"Nous étions une bande de potes, qui n'avaient peur de rien. Avec cette équipe-là, on a vécu une période folle..."

RTSsport.ch: Guillaume Katz, commençons par évoquer le plus grand moment de votre carrière...

GUILLAUME KATZ: Parlons alors de l'aventure européenne avec le Lausanne-Sport (ndlr: saison 2010/2011), lorsque nous étions en Challenge League. Il y a d'abord eu la qualification homérique aux tirs au but à Moscou (ndlr: contre le Lokomotiv), puis les matches face à Palerme, au Sparta Prague, au CSKA Moscou... Pendant 6-8 mois, avec ensuite la promotion dans l'élite, cela a été très fort. Ca a été une période folle.

RTSsport.ch: Vous aviez marqué contre les Tchèques, à la Pontaise...

GUILLAUME KATZ: Oui, de la tête. Je suis d'ailleurs le dernier buteur lausannois en Coupe d'Europe. J'espère que ça va vite changer! Mais cette réussite n'a pas été le meilleur de cette campagne. Pour moi, c'est tout ce qu'il y avait autour et dans l'équipe. Nous étions une bande de potes, qui n'avaient peur de rien. Il y avait une cohésion incroyable entre les jeunes Suisses de l'effectif et les autres joueurs, dont les quelques Brésiliens qui évoluaient avec nous. Nous étions sortis d'une saison moyenne en Challenge League mais avions vécu une finale de Coupe qui nous avait permis de vivre ce rêve européen. Nous étions tous dans le même "mood". On passait notre temps ensemble, y compris en dehors des entraînements. On sortait, même à Prague ou à Moscou, mais on faisait le travail sur le terrain ensuite. On assumait, même s'il y avait quelques anciens, comme Fabio Celestini, pour nous rappeler deux/trois trucs (rires). 

RTSsport.ch: Maintenant qu'il y a prescription, quelle a été la plus grosse fête durant votre "vie sportive"?

GUILLAUME KATZ: Il y a eu une soirée incroyable à l'époque, à Moscou, après notre match d'Europa League contre le CSKA (ndlr: perdu 5-1 le 2 décembre 2010). Ancien joueur d'YB, Seydou Doumbia était venu nous dire que si on sortait après le match, on pouvait se retrouver à tel endroit. Nous avons suivi ses conseils et avons fini dans une boîte de nuit sur la Place Rouge. On a en réalité débarqué à la soirée de Noël du CSKA. Chaque joueur avait son traducteur, son chauffeur. C'était mythique, de la folie!

RTSsport.ch: A quel moment de votre carrière vous êtes-vous senti le plus seul?

GUILLAUME KATZ: Lorsque Marco Simone est venu diriger le LS (ndlr: saison 2014/2015). Avec lui, le courant n'est jamais passé. Il m'a enlevé le brassard, puis recalé en fond de banc. Il m'avait aussi attaqué dans la presse... Je me suis senti inutile. Nos résultats étaient catastrophiques et c'était encore plus dur pour moi, car Lausanne est mon club de coeur. Je connaissais tout le monde et je le voyais couler...

RTSsport.ch: Et a contrario, à quel moment vous êtes-vous senti le plus fort?

GUILLAUME KATZ: Justement durant la période Challenge League/Europa League. On se sentait forts en tant qu'équipe, en tant que collectif et, partant de là, je me sentais fort aussi. On pouvait regarder tout le monde dans les yeux; les Wagner Love, les Javier Pastore, les Fabrizio Miccoli, les Salvatore Sirigu, etc. On savait que même contre eux nous n'allions pas être ridicules.

RTSsport.ch: De tous les joueurs que vous avez affrontés, lequel vous a fait la plus forte impression?

GUILLAUME KATZ: Yassine Chikhaoui, du FC Zurich (ndlr: Arnaud Bühler nous avait dit pareil). Le mec survolait le championnat. Hélas, il était souvent blessé. Mais franchement, il était tellement fort! Il y a aussi eu Mohamed Salah, bien sûr, qui était vachement impressionnant en termes de vitesse. Sur 5 mètres, il était juste injouable. Après, de là à imaginer la trajectoire qui a été la sienne...

RTSsport.ch: Quel a été, à vos yeux, votre coéquipier le plus fort ou le plus sous-estimé?

GUILLAUME KATZ: Pascal Feindouno (ndlr: ancien joueur des Girondins de Bordeaux et de Saint-Etienne notamment, passé par Lausanne en 2013/2014). Il était très doué techniquement, très juste. En plus, c'était un sacré numéro, un ambianceur, un gars idéal dans un vestiaire. A la fois le plus fort et le plus... fou (rires).

RTSsport.ch: Vous avez notamment côtoyé des Kwadwo Duah, des Christian Fassnacht et des Andi Zeqiri, qui étaient alors des inconnus...

GUILLAUME KATZ: Oui, et j'avais remarqué que Kwadwo avait un truc en plus. Il jouait peu à Winterthour, mais en termes d'explosivité et au vu de la puissance qu'il dégageait, on ne pouvait que le remarquer. Je l'avais d'ailleurs recommandé à l'époque à Lausanne. Fassnacht et David von Ballmoos étaient aussi avec nous. C'était vraiment une belle période à "Winti"; nous avions une belle équipe, intéressante, mais nous n'avons hélas jamais obtenu les résultats escomptés.

Nous étions une volée de Vaudois contre une volée de Genevois. On défendait nos clubs, la rivalité était énorme et, sur le terrain, c'était la guerre. Mais entre nous tous, cela n'a jamais débordé du rectangle vert.

RTSsport.ch: Quel a été l'adversaire le plus méchant?

GUILLAUME KATZ: Il y a eu des adversaires qui pouvaient faire mal, qui voulaient faire mal. Moi j'étais agressif, mais dans le bon sens du terme, sans avoir l'intention de blesser celui d'en face. Apparemment, d'autres n'étaient pas dans cette optique. Je pense notamment à Ndiassé Ndiaye, qui a évolué à Servette (ndlr: Vullnet Basha avait lâché le même nom). Il venait clairement pour blesser son adversaire...

RTSsport.ch: Matias Vitkieviez nous avait confié, début 2023, que vous aviez été son adversaire le moins sympa, mais que vous avez fini par devenir potes...

GUILLAUME KATZ: J'avais lu cela et je considère que "Mati" m'a fait un beau compliment. Nous nous sommes souvent affrontés dans des derbies lémaniques qui étaient chauds. Nous étions une volée de Vaudois contre une volée de Genevois. On défendait nos clubs, la rivalité était énorme et, sur le terrain, c'était la guerre. C'est aussi ce qui plaisait aux supporters. Mais entre nous tous, cela n'a jamais débordé du rectangle vert. Je crois que nous avons toujours su faire la part des choses. Avec Vitkieviez, Tibert Pont et d'autres, on a désormais du plaisir à se voir, à échanger.

RTSsport.ch: Et quels adversaires vous ont posé trop de problèmes?

GUILLAUME KATZ: En dehors de Chikhaoui et Salah, il faut parler du duo Alexander Frei/Marco Streller. Quand ils étaient ensemble à Bâle, c'était terrible. Non pas que c'était impressionnant, mais tout était tellement juste; dans les déviations, les prises de balle, les mouvements. Chaque fois, c'était un défi de jouer contre eux... et ça se terminait souvent mal.

RTSsport.ch: Quel entraîneur vous a le plus marqué?

GUILLAUME KATZ: Laurent Roussey. Il m'a promu capitaine à Lausanne, alors que j'avais moins de 20 ans. C'était une énorme marque de confiance, quelque chose de très fort pour moi. Je citerais aussi l'excellent coach qu'est Fabio Celestini. Au niveau du football pur, c'est celui qui avait les idées les plus claires et les plus justes. Tu sentais que tout était pensé, calculé, quasiment comme du basket. Il avait de l'avance sur tous les autres. Lorsqu'il était notre coéquipier, il était plus qu'un relais de l'entraîneur Martin Rueda, quasiment son assistant. C'était dur de ne pas voir en lui un futur excellent homme de banc.

RTSsport.ch: Y a-t-il un choix de carrière que vous regrettez?

GUILLAUME KATZ: L'Hapoël Tel-Aviv m'avait fait une offre très intéressante. J'étais allé en Israël. Sauf qu'entre le moment où j'ai embarqué dans l'avion et mon arrivée là-bas, l'entraîneur avait été viré. Son remplaçant m'a tout de suite dit qu'il n'avait aucune idée du club, qu'il ne me connaissait pas et que ce serait compliqué. Je n'ai pas insisté. Mais ça aurait été beau de vivre une aventure dans un club avec une grosse culture foot.

RTSsport.ch: Quelle anecdote n'avez-vous jamais racontée?

GUILLAUME KATZ: Un truc est arrivé lors de la saison 2012/2013, celle où l'on se sauve en Super League au nez et à la barbe de Servette. Avant l'ultime pause internationale, Laurent Roussey nous donne 2 jours de congé alors que nous devions quasiment faire 3 matches/9 points pour nous sauver. Je dis au groupe: "On ne doit pas partir, il faut essayer quelque chose..." Alors on a réservé une sorte d'étable dans la Vallée de Joux. Certains tiraient la tronche, car ils auraient préféré passer 2 jours en famille ou autre, mais nous sommes quand même tous partis. Il faisait froid, il n'y avait qu'une toilette pour tout l'effectif, il fallait faire à manger. A la base je ne m'étais pas fait des amis avec mon idée, mais nous avons passé deux jours incroyables. On a commencé par prendre une "pétée" tous ensemble.

RTSsport.ch: Et?

GUILLAUME KATZ: Et tout cela a fait tourner le truc. On s'est découvert des liens spéciaux alors qu'il semblait y avoir une vraie scission dans l'équipe. Ces deux jours ont créé un déclic et on a enchaîné notamment par une victoire à Lucerne avec un but du milieu de terrain de Nicolas Marazzi et une erreur de David Zibung, puis on en a collé 3 à Servette. Tout s'est magnifiquement passé. Il nous arrive parfois de reparler de ce week-end. Ces moments-là, je crois, ne se font plus trop aujourd'hui et je le déplore. L'autre jour, Alain Nef (ndlr: ex-joueur de Zurich et ancien international suisse) me disait que le foot d'avant était plus cool. C'est sans doute vrai. Aujourd'hui, il y a les analyses GPS, puis les réseaux sociaux. Alors oui, c'est plus pro qu'avant, mais j'ai aimé mon époque. Nous étions plus libres certes, mais nous assumions sur le terrain. 

Arnaud Cerutti / Sujet vidéo: Jérémie Henriod