Servette-Lausanne ou Lausanne-Servette, c'est une rengaine qu'Oscar Londono et Massimo Lombardo connaissent sur le bout des doigts. L'un et l'autre ont défendu les couleurs des deux "frères ennemis" et ont pris part à de nombreux derbies, comme adversaires, mais également comme coéquipiers.
Une fois leur carrière de joueur terminée, le destin a voulu que leurs routes se croisent à nouveau au sein du Servette FC. Tous deux préparent l'avenir des Grenat en dispensant leur enseignement et en partageant leur expérience avec la relève. Le premier est en charge des M21 du SFC, le second entraîne les M18.
C'est d'ailleurs au stade de Balexert, là où s'entraîne le SFC, qu'ils ont accepté de se confier à RTSsport.ch avant le derby de samedi (19h30).
"Une rivalité surtout hors du terrain"
RTSsport.ch: Servette et Lausanne, qui se retrouvent samedi en Coupe, restent sur des dynamiques opposées. Avantage SFC?
MASSIMO LOMBARDO: C'est toujours plus facile de préparer un tel match si on reste sur une série positive, ce qui est le cas de Servette. Mais le LS a connu des changements ces dernières semaines, un effort financier a été fait et sa dynamique peut changer. Mais à mon sens, Lausanne aura plus de pression.
OSCAR LONDONO: Lausanne sort d'une saison difficile et est reparti sur les mêmes bases. On a vite vu que ça allait être compliqué. Il faudra voir ce que vont apporter les derniers renforts en date. Comme l'a dit Massimo, la pression est sur le club de Super League. Servette a tout à gagner, l'équipe reste sur deux victoires et traverse une bonne passe.
RTSsport.ch:
Servette - Lausanne-Sport... Qu'est ce que cela évoque pour vous?
MASSIMO LOMBARDO: C'est un match particulier... Je me rappelle que le premier match que j'avais joué sous le maillot de Lausanne était contre Servette. J'arrivais de Lugano, j'avais longtemps été blessé et l'entraîneur m'avait demandé si j'étais apte à jouer. Je n'étais pas convaincu mais je lui avais dit oui. On avait gagné 4-0, d'ailleurs Oscar jouait en face (sourire). Mais d'un point de vue général, tu sens que l'atmosphère pour ce derby est différente, c'est un match à part. Mais, en tant que joueur, je l'ai toujours abordé comme un match normal.
OSCAR LONDONO: Un derby est toujours spécial. Mais je dirais qu'ici, la rivalité existe surtout entre les supporters et moins sur le terrain. Il y a de l'animosité entre supporters, c'est ça qui met l'ambiance. Mais il peut arriver, malheureusement, qu'il y ait des débordements. Mais au niveau de la ferveur, un Servette-Sion est plus chaud entre les supporters. D'un point de vue sportif, il se passe toujours quelque chose dans un Servette-LS. Ce sont souvent des rencontres capitales, avec des enjeux et des rebondissements.
RTSsport.ch: Vous avez disputé de nombreux derbies lémaniques. Y en a-t-il un qui vous a particulièrement marqué?
MASSIMO LOMBARDO: Celui de 1999 avec le titre de champion comme enjeu était très particulier. Je jouais à Lugano à l'époque, mais je m'en rappelle très bien. Il y avait deux belles équipes. Servette était arrivé à ce match avec plus d'énergie. C'est le genre de match extraordinaire à vivre pour un joueur. Mais ça doit être un mauvais souvenir pour toi Oscar (rires)!
OSCAR LONDONO: Oh oui, ce match restera à jamais gravé dans ma mémoire! Perdre un titre sur le dernier match, c'est terrible! Notre grosse erreur avait été de croire qu'on était champion avant le match, lorsque nous avions gagné à Zurich. Servette avait mieux géré le match et avait pu compter sur Vurens et Petrov qui avaient eu un maximum de réussite. L'autre souvenir qui me revient avait eu lieu en Challenge League, en août 2006. On recevait Lausanne à la Praille et on s'était retrouvés menés 3-0 à la pause et ils auraient très bien pu nous en mettre cinq. On s'était finalement imposés 4-3.
"Les faillites ont déçu beaucoup de monde"
RTSsport:
Est-il vrai, selon vous, de dire que les duels entre Servette et Lausanne suscitent moins d'engouement aujourd'hui?
MASSIMO LOMBARDO: Oui et cela s'explique par l'historique des deux clubs dans la dernière décennie durant laquelle les deux clubs ont connu une faillite. Pendant des années, Servette et Lausanne jouaient le haut du tableau. Par rapport aux années 80 et 90, l'enthousiasme a baissé. Après je pense que chez certains supporters, ce match garde la même importance quelle que soit la ligue dans laquelle évoluent les deux équipes.
OSCAR LONDONO: La situation a beaucoup évolué, mais dans le mauvais sens. Dans les années 80 et 90, le derby lémanique attirait beaucoup de monde au stade. Quand j'ai commencé à Lausanne, en 1990, il y avait 10'000 personnes par match à la Pontaise. Les gens venaient de partout, on avait une belle équipe, il y avait quelque chose qui se passait. Puis Waldemar Kita est arrivé, il voulait faire du business et l'équipe a gentiment éclaté. Même chose lorsque je suis passé à Servette: les Charmilles, l'ère Canal +, une belle équipe, etc. On jouait le haut du tableau puis ça s'est dégradé. Ce qui s'est ensuite passé dans les deux clubs, les faillites et tout ça, a déçu beaucoup de monde et les gens ont commencé à moins venir au stade.
MASSIMO LOMBARDO: Je pense qu'il ne faut pas non plus oublier un élément important: l'identité des clubs. Après l'arrêt Bosman, les gens se reconnaissaient moins dans leur équipe car il y avait plus d'étrangers et moins de "locaux". Je me souviens que lorsque je jouais à GC et qu'on affrontait Sion, on sentait une identité valaisanne en face. Tout cela a disparu.
"Lausanne et Servette ont besoin de continuité"
RTSsport.ch:
Le foot romand en général, et lémanique en particulier, traverse une grave crise. Quelles en sont les causes?
MASSIMO LOMBARDO: Les cas de Lausanne et Servette sont un peu différents. Le LS fait très attention à sa situation économique depuis la faillite. Le club travaille dans la continuité, et évolue petit à petit. Au SFC, on n'a pas senti la même justesse dans la gestion avant l'arrivée d'Hugh Quennec. Mais il ne faut pas se mentir: c'est très difficile, voire impossible, de réussir sans un gros budget. Les derniers champions de Suisse, que ce soit Bâle ou Zurich, avaient des moyens importants. Des clubs comme Lausanne et Servette ont besoin de continuité dans la gestion et dans la formation. Quand on regarde l'agglomération genevoise, on constate qu'il y a énormément de jeunes talentueux.
OSCAR LONDONO: Avant, c'était plus facile car il y avait des gens qui soutenaient les deux clubs, des pôles d'investisseurs, les structures étaient meilleures. On pouvait faire venir de grands joueurs comme Giancarlo Antognoni, champion du monde avec l'Italie en 1982, qui est venu jouer au LS. Quand ces gens sont partis, on n'a pas su franchir le pas. Il n'y avait pas de bases solides et on a loupé le tournant.
RTSsport.ch: Quelles sont donc les solutions pour sortir le foot romand du marasme dans lequel il est plongé?
MASSIMO LOMBARDO: La continuité est primordiale. Vous savez, j'ai joué durant 5 ans à Grasshopper et je touchais un salaire dans la moyenne d'un travailleur suisse, comme la majorité de l'équipe. Seuls 2 ou 3 joueurs touchaient un salaire conséquent. Mais il y avait de la continuité, une dynamique au sein du club. GC a toujours été un club formateur et peut toujours compter sur ses jeunes.
OSCAR LONDONO: Lorsque je regarde le FC Bâle aujourd'hui, je suis frappé par une chose: il ose faire jouer ses jeunes et leur confie des responsabilités. En Suisse romande, on n'ose pas! On préfère griller les places qu'on pourrait donner à la relève en faisant venir des joueurs étrangers. Il faut leur faire confiance s'ils ont les qualités nécessaires et continuer dans cette voie même s'il peut leur arriver de faire un mauvais match. Il faut leur enlever cette pression qu'on leur met et voir sur le long terme en les encadrant avec 2-3 joueurs d'expérience.
"La pression est sur le LS"
RTSsport.ch:
Le Servette FC évolue en Challenge League avec des moyens plus limités. Cela signifie-t-il qu'il compte plus sur sa relève?
MASSIMO LOMBARDO: Il ne faut pas penser comme ça. Ce n'est pas parce que le club est en Challenge League que les jeunes auront plus de chances de jouer. Si le joueur a de la valeur et qu'il adopte la bonne attitude, il doit jouer, point. Après tout dépend des objectifs fixés par le club, s'il veut jouer pour la promotion, ce qui est le cas du SFC.
RTSsport.ch: Si vous deviez miser une pièce sur le match de samedi, votre pronostic serait...?
OSCAR LONDONO: Je vois une victoire servetienne 3-2.
MASSIMO LOMBARDO: Ca sera un match serré, mais je vois Servette passer aux tirs aux buts.
Propos recueillis par Axel David
Fiche d'Oscar Londono
Né le 7 février 1971 à Bucaramanga (Colombie)
Entraîneur des M18 du Servette FC
1990-1994: Lausanne-Sport
1994-1995: Granges
1995-1996: Kriens
1996-2000: Lausanne-Sport
2000-2008: Servette FC
Palmarès
Vainqueur de la Coupe de Suisse en 1998, 1999 et 2001
Finaliste de la Coupe de Suisse en 2000
Fiche de Massimo Lombardo
Né le 9 janvier 1973 à Bellinzone
Entraîneur des M18 du Servette FC
1990-1992: Bellinzone
1992-1997: Grasshopper
1997-1998: Perugia (ITA)
1998-2000: Lugano
2000-2001 (décembre): Lausanne-Sport
2002 (janvier)-2005: Servette FC
2005: Meyrin
2005-2007: Neuchâtel Xamax
2007-2009: Stade Nyonnais
Palmarès
Champion de Suisse en 1995 et 1996
Vainqueur de la Coupe de Suisse en 1994
15 sélections en équipe de Suisse (1 but)