Stielike: "L'idéal? Le Mondial en novembre"

C'est en Espagne que RTSsport.ch est parvenu à joindre l'ex-coach de Xamax et de Sion, "en vacances". "Peut-être même des vacances prolongées", explique celui qui a été limogé il y a peu par le club d'Al Arabi Doha, au Qatar. "Et pour l'instant, je ne vois rien d'autre venir...".

S'il ne vise plus "une grande aventure", Stielike espère encore entraîner 2-3 ans, "mais j'ai le luxe de ne pas devoir tout accepter". Entretien.

RTSsport.ch:Uli Stielike, qu'attendez-vous de cette Coupe du monde au Brésil?

ULI STIELIKE: J'espère qu'elle sera surtout calme en dehors des stades. Le Brésil connaît d'énormes soucis actuellement, et à voir les images qui passent en ce moment à la TV, celui qui se rend là-bas peut avoir peur...

"Beaucoup de stars, blessées, ne pourront pas jouer ce Mondial"

RTSsport.ch:

Et au niveau du football?

ULI STIELIKE: La grande question, actuellement, réside dans les blessés, les joueurs diminués. On l'a vu avec Falcao, ou encore avec Ribéry et Cristiano Ronaldo. J'ai bien peur que beaucoup de stars ne pourront pas participer à cette Coupe du monde...

RTSsport.ch:Beaucoup de joueurs ne sont effectivement plus au top de leur forme en cette fin de saison. D'où vient le problème, selon vous?

ULI STIELIKE: Je constate simplement qu'on dispute de plus en plus de matches, qu'il y a toujours davantage de compétitions. Et, ainsi, le risque de blessure augmente. Dans l'idéal, il faudrait que la Coupe du monde se dispute au mois de novembre, période où tout le monde est en bonne santé.

"Il faisait entre 46 et 48 degrés il y a quelques jours au Qatar"

RTSsport.ch:Comme au Qatar, en 2022?

ULI STIELIKE: Oui, tout à fait (réd: il se marre à l'autre bout du fil!). De toute façon, jouer un Mondial là-bas en plein été, c'est juste ridicule. J'étais au Qatar il y a quelques jours encore, et je vous promets qu'il faisait entre 46 et 48 degrés!

RTSsport.ch:Revenons à l'édition 2014. Quels seront vos favoris au Brésil?

ULI STIELIKE: J'ai de toute façon une préférence pour les équipes qui produisent du jeu, comme le Brésil, l'Espagne et l'Allemagne, bien sûr!

RTSsport.ch:Mais la pression sur les Brésiliens sera terrible, et l'Allemagne n'arrive plus à aller au bout...

ULI STIELIKE: Bien sûr qu'en jouant à domicile, les Brésiliens seront attendus. Mais ils disposent d'une équipe vraiment extraordinaire. Pour ce qui est de la pression, c'est un faux argument, à mon avis. N'oublions pas que les Brésiliens jouent tous dans de très gros clubs, comme le Real Madrid, Barcelone, Chelsea ou le Bayern Munich, et il sont habitués à jouer dans des stades pleins de 50-60-70'000 places. La pression, ils y sont donc tous habitués.

Pour ce qui est de l'Allemagne, elle rencontre les mêmes problèmes que les autres nations, avec les blessures de Lahm ou Neuer. Après, il est toujours très difficile de se fier aux matches de préparation, qui ne constituent que trop rarement une vérité. Mentalement, les joueurs savent qu'ils jouent "pour beurre", qu'il y a un risque de blessure, etc. Personne ne force.

"Trop d'égoïsme, d'invidualisme en Afrique"

RTSsport.ch:Vous avez dirigé la Côte d'Ivoire entre 2006 et 2008. Croyez-vous qu'une équipe africaine puisse aller au bout?

ULI STIELIKE:

Franchement, non. Et je pense que la période dorée de la Côte d'Ivoire est passée car ses cadres ont tous déjà 34-35-36 ans. Je pense qu'on assistera à un "coup de jeune" après le Mondial au Brésil.

En fait, je ne vois pas une équipe africaine aller au bout, car contrairement aux nations européennes, habituées à former un groupe, il y a trop d'égoïsme, d'individualisme en Afrique. Ainsi, tout manque de fluidité. Ca peut passer sur un éclat de tel ou tel joueur, mais pas sur la longueur.

De plus, il faut reconnaître que la mentalité africaine est "particulière". Si ça va bien sur le terrain, c'est en coulisses que ça s'agite. D'ailleurs, on le voit actuellement avec le scandale qui agite la FIFA pour le Qatar 2022. Quels sont les dirigeants visés? Les Africains...

RTSsport.ch:Et la Suisse alors, que vous avez dirigée de 1989 à 1991?

ULI STIELIKE: On l'a constaté ces dernières années, elle progresse à chaque fois, par petits pas. Je ne la vois pas en 1/2, mais un 1/8 ou un 1/4 seraient déjà de très bons résultats. La Suisse dispose de beaucoup de jeunes, qui ont faim. En plus, Ottmar Hitzfeld a une grosse expérience et le calme nécessaire.

RTSsport.ch:Et aujourd'hui, tous les Suisses ou presque évoluent à l'étranger...

ULI STIELIKE: Oui ça a bien changé... A mon époque, il n'y avait que "Chappi" (réd: Stéphane Chapuisat) qui jouait à l'étranger. Personne d'autre.

"Au niveau de l'organisation, le Mondial 82 était le pire"

RTSsport.ch:Quel est votre meilleur souvenir dans un Mondial?

ULI STIELIKE:

La Coupe du monde 1982, la seule que j'ai jouée, et où nous avons perdu la finale face à l'Italie. Et il y avait surtout cette fameuse 1/2 face à la France, dont tout le monde parle aujourd'hui encore (réd: il avait manqué son tir au but, finalement sans conséquence). C'est un sacré souvenir, d'un point de vue sportif.

Mais au niveau de l'organisation, c'était le pire Mondial de l'histoire. Les 3es matches de poule ne se jouaient pas en même temps (réd: d'où le fameux "match de la honte" entre la RFA et l'Autriche, gagné 1-0 par les Allemands après 90' de "passe à 10").

RTSsport.ch:Vous venez de passer 5 ans au Qatar. Que pouvez-vous en dire?

ULI STIELIKE: Le fait que j'y ai passé autant de temps prouve qu'on peut y vivre (rires). Et Doha est vraiment une ville agréable. Question football, on constate que les dirigeants n'y ont aucune idée du haut niveau. Al Arabi vient d'ailleurs de me virer parce que je n'ai pas aligné les joueurs que président et manager m'imposaient...

Propos recueillis par Daniel Burkhalter - Twitter @DaniBurkhalter