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"Je me sens dans la peau d'un aventurier"

Après la France et la Chine, Guillaume Hoarau a posé ses valises en Suisse. [STR7AFP]
Après la France et la Chine, Guillaume Hoarau a posé ses valises en Suisse. - [STR7AFP]
Après la France et la Chine, Guillaume Hoarau a posé ses valises en Suisse. Venu à Young Boys pour se relancer, le grand attaquant français (1m92) s'est longuement entretenu avec RTSsport.ch dans les bureaux du club bernois, au Stade de Suisse. Sans langue de bois.

"J'étais bien dès mon arrivée ici, j'ai été très bien accueilli. Je n'avais aucune idée de comment était la vie en Suisse et pour l'instant ce n'est que du positif. Pourvu que ça dure", sourit l'ancien joueur du PSG.

Conquis, il lance même une petite pique à la France. "S'il y a quelque chose sur laquelle la Suisse est à des années lumières de la France, c'est la culture générale. Un Suisse peut parler quatre langues par exemple. Chez nous, on en est loin."

"Il y a tellement de choses à voir"

RTSsport.ch: Vous avez pas mal voyagé entre la France, la Chine et la Suisse. C'est dû à une volonté de découvrir de nouvelles choses ou un concours de circonstances?

GUILLAUME HOARAU: Aujourd'hui, je me sens dans la peau d'un aventurier. Mon métier me permet de voyager. Mon départ le plus difficile à gérer est quand j'ai quitté la Réunion et toute ma famille pour aller au Havre. A partir du moment où j'ai mis les pieds en Chine, je me suis dit: "allez, le monde est tellement vaste". C'est top car on en prend plein les yeux, y a tellement de choses à voir et une vie n'est pas suffisante pour tout faire.

"Partir en Chine était un choix mûrement réfléchi." [Reuters - Regis Duvignau]
"Partir en Chine était un choix mûrement réfléchi." [Reuters - Regis Duvignau]

RTSsport.ch:

Comment s'est effectuée la transition La Réunion et Le Havre?

GUILLAUME HOARAU: J'avais 19 ans, je suis arrivé en janvier, ce n'était pas évident. J'ai découvert la neige et en plus, il fallait jouer dedans. C'était le choc des températures. Mais c'est exactement ce qu'il me fallait, être dans le dur pour pouvoir me sortir les tripes et me dire "tu y es quand même arrivé". J'ai pris conscience que devenir professionnel était dur. Les gens ne s'en rendent pas compte et pensent, surtout en France, qu'on est que de jeunes cons qui gagnent beaucoup d'argent. Les candidats sont nombreux et il y a peu d'admis. J'ai tout donné. Je pensais que c'était bon après avoir signé mon premier contrat pro, mais c'est là que le plus dur commençait. A chaque fois qu'on franchit une étape, on se rend compte qu'il y en a encore une plus compliquée qui nous attend. Le talent ne fait pas tout, il y a également une part de chance. La vie d'un footballeur peut basculer sur pas grand-chose.

"Aujourd'hui, je m'aime comme je suis"

RTSsport.ch: Vous avez en tout cas l'air de savoir où vous allez...

GUILLAUME HOARAU: Je ne sais pas, j'ai sûrement fait des erreurs comme tout le monde. Mon éducation m'a donné des bases. Quand je regarde en arrière, il n'y a que d'excellents souvenirs. Je sais que ça s'arrêtera à un moment et j'essaie de ne prendre que le positif. On sait dans ce métier qu'on va être critiqué. Comme lorsqu'on a dit que j'étais parti en Chine uniquement pour l'argent, on l'a pointé du doigt. Alors que, dès le départ, j'avais dit que je partais pour ça. Même après l'avoir dit, les gens ont persisté. Si j'ai fait ce choix, c'est qu'il a été mûrement réfléchi. Point. J'ai un fils, une famille, la Chine est à l'autre bout du monde. Il y avait plein d'éléments à prendre en considération. Maintenant, je ne veux pas résumer cette aventure à ça, car il s'est passé plein de choses extraordinaires pour moi. Toute cette expérience a fait de moi ce que je suis devenu. Aujourd'hui, je m'aime comme je suis.

RTSsport.ch: Cette période en Chine a-t-elle été difficile?

GUILLAUME HOARAU: Non. Je suis parti avec mon cousin, qui est également venu avec moi en Suisse. Je suis resté un an parce qu'il y a eu des problèmes avec le club. Ce n'était pas de ma faute, je ne peux donc pas me sentir mal vis-à-vis de ce qui s'est passé. Il y avait beaucoup d'argent en jeu. Je savais qu'en allant là-bas, c'était un risque. Peut-être que si c'était à refaire, j'y réfléchirais à deux fois, mais peut-être que je referais exactement la même chose. Pas le temps pour les regrets, il faut assumer ses choix. Et ça fait des histoires à raconter, j'ai beaucoup d'anecdotes. Je n'ai pas fait beaucoup de clubs, mais j'ai connu trois pays.

"Je raconte mon histoire dans mes chansons"

Passionné de musique, Hoarau s'inspire de sa vie de footballeur pour écrire ses textes. [KEYSTONE - Bernat Armangue]
Passionné de musique, Hoarau s'inspire de sa vie de footballeur pour écrire ses textes. [KEYSTONE - Bernat Armangue]

RTSsport.ch:

De quoi écrire un livre à la fin de votre carrière?

GUILLAUME HOARAU: J'avais commencé à écrire quand je suis parti en Chine. Après, il faut persévérer. Je me suis plus tourné vers la musique, je préfère écrire des chansons. Mais je raconte un peu mon histoire dans mes chansons. Je fais de la musique avec mon cousin, avec qui j'habite. Et aussi avec un guitariste qu'on a rencontré à Genève. Quand on a des moments libres, on se fait des petits "jams" à la maison, c'est comme ça que je me détends.

RTSsport.ch: Quel style de musique préférez-vous?

GUILLAUME HOARAU: Pas de style particulier, j'aime bien la soul, le reggae. Je suis éclectique, j'écoute de tout. Michel Sardou, Nirvana, Beethoven, j'aime particulièrement Bob Marley. Il y a tous les styles dans ma playlist.

RTSsport.ch: La musique serait une possibilité de reconversion?

GUILLAUME HOARAU: Reconversion, ça veut dire un autre travail. Le foot, c'est ma passion et j'en ai fait mon métier. J'ai envie que la musique reste une passion, je n'ai pas envie de me mettre la pression comme j'ai pu l'avoir dans le foot. Mais j'y pense. J'ai vraiment envie de bosser à fond là-dedans. Si après le foot, je veux enfiler le costume de chanteur, je m'en donnerai les moyens. Si j'y arrive tant mieux, sinon tant pis, je continuerai à faire de la musique chez moi avec mon cousin.

"Le footballeur a un gros ego"

RTSsport.ch: Vous avez une relation particulière avec votre cousin...

GUILLAUME HOARAU: Oui, il me suit depuis que je suis redevenu célibataire. A Paris, être célibataire, c'est très dangereux, dans le sens où il y a énormément de sollicitations et de tentations. On peut vite perdre les pédales. Je suis quelqu'un de casanier, j'aime être à la maison et de temps en temps tout seul. Je lui avais proposé de m'accompagner. Et c'est un excellent cuisinier, donc il n'y a que des avantages (rires). C'est un peu comme mon ombre, mon bras droit. On se comprend parfaitement, ça fait deux ans et demi qu'on habite ensemble, on se connaît par coeur, il n'y a jamais eu d'embrouilles entre nous. On a grandi ensemble, il n'y en pas un qui est supérieur à l'autre. Je suis Guillaume, lui c'est Ludovic. Je ne suis pas Guillaume le footballeur.

"C'est un privilège de faire ce métier" confie le Réunionnais. [KEYSTONE - Peter Schneider]
"C'est un privilège de faire ce métier" confie le Réunionnais. [KEYSTONE - Peter Schneider]

RTSsport.ch:

Il ne va pas se gêner pour vous dire les choses...

GUILLAUME HOARAU: C'est ça. S'il trouve que j'ai été nul pendant un match, il va me le dire. Je n'ai pas de problème avec ça. Le footballeur a un gros ego, il aime bien qu'on le caresse dans le sens du poil. Moi je me dis qu'il y a un temps pour les applaudissements et un temps pour les critiques.

"Je suis revenu à des bases plus saines"

RTSsport.ch: Le footballeur d'aujourd'hui est un privilégié. Vous êtes d'accord avec ça?

GUILLAUME HOARAU: Oui, il ne faut pas le nier. Tout peut être facile, à condition de le faire intelligemment. On gagne très bien notre vie, dès que tu mets les pieds quelque part, les gens sont souriants, on te trouve un billet pour un spectacle ou un concert alors qu'il n'y en a plus. C'est plaisant. Après les gens envient beaucoup les footballeurs, mais ils oublient que c'est éphémère. Il faut prendre ce qu'il y a à prendre, sinon c'est celui qui est à côté de toi qui le fera. Je sais que c'est un privilège de faire ce métier, c'est pour ça que j'essaie d'avoir le sourire tous les matins par respect pour ceux qui n'aiment pas ce qu'ils font.

RTSsport.ch: Et est-ce qu'on vous reconnaît dans la rue à Berne?

GUILLAUME HOARAU: Non pas trop, à part ceux qui suivent le foot. Mais j'aime cette quiétude, les gens sont aimables et vivent leur vie. Je ne me sens pas comme une star du football. Je suis quelqu'un qui habite à Berne et qui fais son métier comme vous faites le vôtre. Je suis revenu à des bases un peu plus saines et c'est ce qu'il me fallait. Je suis bien.

Propos recueillis par Axel David - Twitter @axel_david7

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Guillaume Hoarau Express

Musique préférée: le reggae

Film préféré: ça, c'est une question difficile. Je dirais Seven

Meilleur souvenir: la naissance de mon fils et mon but en finale de la Coupe de France 2010 contre Monaco (victoire du PSG 1-0 a.p.)

Pire souvenir: les sifflets de mon propre public. Je ne pense pas à une fois en particulier, mais c'est toujours très difficile.

Si vous n'aviez pas été footballeur: prof d'EPS (éducation physique et sportive)

Principale qualité: généreux

Principal défaut: trop généreux

Hobby: la musique

Destination préférée: je n'ai pas fini d'en faire le tour! On va dire la Réunion. J'ai aussi adoré la Jamaïque

Un/des coéquipiers marquants: c'est difficile, il y en a tellement. Mais on va dire Steve Mandanda (au Havre) et Claude Makelele (au PSG)