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Lara Dickenmann, notre couteau suisse

Lara Dickenmann a été l'une des premières Suissesses à s'imposer à l'étranger. [Jennifer Blanchard]
Lara Dickenmann a été l'une des premières Suissesses à s'imposer à l'étranger. - [Jennifer Blanchard]
La star de l'équipe de Suisse, c'est elle, Lara Dickenmann. Meilleure buteuse lors des qualifications, la Lucernoise sera l'un des atouts majeurs des Suissesses à la Coupe du monde, qui débute dans 50 jours au Canada.

Depuis 2009, Lara Dickenmann (29 ans) brille également avec l'Olympique Lyonnais. Un club qu'elle quittera toutefois cet été pour Wolfsburg, au désespoir des supporters lyonnais. "Lara est une fille super. Elle s'adapte à tous les postes, c'est notre couteau suisse", nous ont-ils confié.

Avec Lyon, la milieu helvétique a accumulé les trophées. Le 29 mars dernier, elle a ainsi conquis son 7e (!) titre de championne de France. Un jour avant ce sacre, Lara Dickenmann a pris le temps de nous recevoir à Tola Vologe, le centre d'entraînement de l'OL. Souriante et détendue, elle a évoqué sa saison, son avenir ainsi que l'équipe de Suisse.

RTSsport.ch: Comment vivez-vous cette saison à Lyon d'un point de vue personnel?

LARA DICKENMANN: Ça se passe bien. Je joue latérale droite. Ce n’est pas forcément mon poste préféré. C’est vrai que je peux monter souvent, mais j’aimerais être plus souvent dans la zone de vérité devant le but.

RTSsport.ch: Tout se passe bien pour l'OL en championnat et en Coupe. Par contre, vous avez connu l'élimination en 8es en Ligue des champions...

LARA DICKENMANN: Oui, on était très déçues. En plus, c’était contre le PSG... La deuxième partie de la saison n’est du coup plus pareille. Avant ces deux dernières saisons, on avait l’habitude d’aller jusqu’en finale. On était gâtées. On avait 5 matches très intéressants de plus dans la deuxième moitié de championnat. Là, on ne les a malheureusement plus.

"Envie d'une nouvelle expérience"

RTSsport.ch: Votre contrat avec l'OL se termine à l'issue de la saison. Allez-vous poursuivre l'aventure lyonnaise?

LARA DICKENMANN: Non, j'ai décidé de partir. Je suis bien ici à Lyon. Si je pars, ce n’est pas par rapport au club, mais par rapport au championnat. J'ai envie d’avoir une nouvelle expérience.

RTSsport.ch: Avez-vous déjà signé dans un autre club?

LARA DICKENMANN: Non, pas encore. (réd: interview réalisée le 28 mars. Elle a depuis signé pour deux ans à Wolfsburg).

RTSsport.ch: Y a-t-il un championnat qui vous attire particulièrement?

LARA DICKENMANN: Je trouve que l'Allemagne est un championnat intéressant. En Suède et aux Etats-Unis, il y a également des bonnes équipes, mais le problème est que leurs calendriers sont en décalage avec les autres championnats. J'aurais rêvé de jouer en pro aux Etats-Unis, mais leur championnat reprend directement après la Coupe du monde. Et j'aurai besoin de récupérer cet été. Pour la sélection nationale, ce n’est pas simple non plus avec les allers et retours. Je l’ai fait quand j’étais à l’université, à l'Ohio State College. C’était difficile.

"On ne s'arrête pas de jouer après avoir marqué 3 buts"

RTSsport.ch: Un de vos anciens entraîneurs Farid Benstiti dirige le Paris SG et d'ex-joueuses de l'OL ont rejoint le club. Est-ce que vous verriez jouer un jour pour les Parisiens?

LARA DICKENMANN: Non jamais (rires) !  Je ne m’identifie pas du tout aux valeurs du PSG. J’ai l’impression que l’argent détermine beaucoup de choses là-bas. C’est trop glamour pour moi.

Après 7 ans passés à Lyon, Lara Dickenmann rejoindra Wolfsburg cet été. [EQ Images - Gwendoline Le Goff]
Après 7 ans passés à Lyon, Lara Dickenmann rejoindra Wolfsburg cet été. [EQ Images - Gwendoline Le Goff]

RTSsport.ch: A part le PSG, vous n'avez pas trop de concurrence dans le championnat français...

LARA DICKENMANN: Oui, c’est dommage. C'est vrai qu'il y a un championnat entre nous et le PSG cette année. Guingamp, Juvisy et Montpellier sont un peu en dessous. Mais il faut aussi dire qu’on fait une très bonne saison. Ce ne sont pas les autres qui sont nulles, c’est aussi nous qui jouons bien.

RTSsport.ch: L'OL gagne presque tout. Est-ce que ce n'est pas trop difficile de se motiver?

LARA DICKENMANN: C’est vrai que ça devient de plus en plus dur. Mais quand on regarde nos scores, on voit quand même qu’on se remotive à chaque fois. On a gagné avec des 15-0 cette saison. Cela montre aussi qu’on respecte nos adversaires. On ne s'arrête pas de jouer après avoir marqué 3 buts, car on sait que cela nous sert pour la suite. Gérard (réd: Prêcheur), notre entraîneur, nous fixe des objectifs spécifiques pour les matches. On essaye toujours de travailler quelque chose. Et les matches sont les meilleurs entraînements. On progresse malgré tout.

"Une équipe féminine est bon pour l'image d'un club"

RTSsport.ch: Par rapport au championnat français, que faudrait-il pour améliorer le championnat suisse?

LARA DICKENMANN: Cela serait déjà bien d’essayer de retenir les meilleures joueuses suisses. Mais comme on a des meilleures conditions à l’étranger, cela n’aide pas. En France, ils ont réussi à le faire. Le PSG et l’OL ont presque la moitié de leurs joueuses qui font partie de la sélection. Les autres joueuses sont étrangères. Mais pour faire cela, il faut que le club soit professionnel.

Chez nous, le président Jean-Michel Aulas a décidé d’investir dans le foot féminin et on en profite énormément. Il y a aussi le PSG où les Qataris ont mis beaucoup d'argent. Sinon à Juvisy ou à Montpellier par exemple, c’est compliqué de trouver le budget pour faire la même chose. Quand je suis arrivée, je pensais que l’OL et Jean-Michel Aulas allaient inspirer d’autres clubs de Ligue 1. Mais cela n’a pas été le cas.

RTSsport.ch: Outre les moyens financiers, n'y a-t-il pas un manque de volonté de la part des clubs?

LARA DICKENMANN: Oui sûrement. J’ai parlé une fois avec le président du FC Bâle. Il n’était pas contre l'idée d'investir dans une équipe féminine, mais il n’avait pas ce petit plus, l'envie de se dire «allez, l’année prochaine, j’investis dans une équipe féminine ». Il ne semblait pas voir la valeur que cela peut donner au club. C’est vrai que financièrement, c'est plus un investissement qu’un business rentable. Mais pour l’image d’un club, je pense que c’est bien d’avoir une équipe féminine.

Pouvoir se comparer avec les meilleures joueuses

RTSsport.ch: Depuis 2002, vous faites partie de l'équipe de Suisse. Quel regard portez-vous sur son évolution?

LARA DICKENMANN: Nous avons beaucoup progressé, c’est sûr. Au niveau de la formation, on a un bon centre à Bienne pour les jeunes joueuses. Aujourd’hui, beaucoup de joueuses suisses évoluent également à l’étranger (réd: 18 sur 33). Cela a changé la mentalité. Quand on joue en Suisse, on ne peut pas forcément se comparer aux meilleures joueuses d'Europe ou du monde tous les jours. Là, on a des filles à Francfort, à Wolfsburg, à Rosengard (Suède)...Tous les jours, elles peuvent voir qu’elles sont autant fortes que les meilleures du monde. Cela aide à progresser mentalement, mais aussi physiquement.

On a également la chance d’avoir une entraîneuse allemande (réd: Martina Voss-Tecklenburg), qui a beaucoup d’expérience internationale. C'est quelqu'un de très positif, qui nous a amené une mentalité de gagnante. Aujourd’hui, on croit en nos qualités et cela se voit sur le terrain.

Lara Dickenmann a fini meilleure buteuse suisse lors des qualifications pour le Mondial 2015. [Pascal Muller]
Lara Dickenmann a fini meilleure buteuse suisse lors des qualifications pour le Mondial 2015. [Pascal Muller]

RTSsport.ch: Et vous voilà qualifiées pour votre première Coupe du monde. Comment vous sentez-vous à 2 mois de cette première?

LARA DICKENMANN: J'ai hâte d'y être. Je me sens vraiment bien. J'espère que d'ici le mois de juin, on aura tout notre effectif et que Vanessa (réd: Bürki), Gaëlle (réd: Thalmann) et Sandy (réd: Maendly) seront rétablies. Ce sont des joueuses importantes pour nous.

RTSsport.ch: Vous avez disputé la Coupe de l'Algarve en mars dernier (8e rang final). Quels enseignements en retirez-vous?

LARA DICKENMANN: C’était une expérience très importante, car nous n'avons pas l’habitude de jouer contre des grosses équipes comme les Etats-Unis ou le Brésil. Les résultats n’étaient pas le plus important. La coach a fait tourner l’effectif pour essayer certaines filles à d’autres postes et pour faire jouer des nouvelles joueuses. Avant la Coupe de l'Algarve, on avait fait deux matches amicaux contre le Portugal qui se sont moins bien passés, mais cela fait partie de l’apprentissage. On a analysé ces deux matches et on a bien réagi.

"On avait trop de respect contre les Etats-Unis"

RTSsport.ch: Qu'est-ce qui vous manque encore pour rivaliser avec les meilleures équipes? De l'expérience?

LARA DICKENMANN: Oui, bien sûr, on n'a pas encore assez d'expérience, mais on en a déjà plus qu'avant grâce à nos joueuses qui sont à l'étranger et qui jouent la Ligue des champions. On change aussi notre façon de voir notre adversaire. J’ai vu cela lorsqu'on a joué en amical contre les Etats-Unis en août. On avait beaucoup trop de respect, même s'il faut respecter les Etats-Unis et tous nos adversaires. Au fur et à mesure du match, les filles se sont aperçues qu'en face d'elles, il y avait de bonnes joueuses, mais qu'elles n'étaient pas non plus des extraterrestres!

A la Coupe de l'Algarve,  on a tenu une mi-temps contre les Américaines. Après, on a fait des erreurs bêtes, on leur a fait des cadeaux. Contre le Brésil, on était la meilleure équipe pendant 30 minutes, mais on n'a pas été réalistes et on l'a payé cash. Pour nous, ce n’est pas une honte de perdre contre ces équipes-là, mais on veut réduire l'écart avec elles.

RTSsport.ch: Ressentez-vous davantage de soutien en Suisse depuis vos bons résultats?

LARA DICKENMANN: Oui, on est plus sollicitées. L’intérêt c’est bien, mais il faut des résultats pour que cela continue. A nous de faire le nécessaire cet été et dans les années à venir. Je prends toujours l’exemple de la France.

Il y a 5 à 10 ans, la France n'était pas une des meilleures équipes, mais les filles ont bien travaillé et aujourd’hui, elles font partie du tout haut niveau. Pour nous, c’est peut-être plus difficile, car on n’a pas autant de joueuses. Mais il y a de la qualité. On doit avoir pour objectif de se qualifier pour toutes les phases finales de Coupe du monde et d'Euro, de faire en sorte que cela devienne une habitude.

Propos recueillis à Lyon par Jennifer Blanchard - @jenni_blanchard

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"J'aimerais partager mon expérience avec des jeunes joueuses"

RTSsport.ch: Avez-vous une idée de ce que vous allez faire après votre carrière de joueuse?

LARA DICKENMANN: Je ne sais pas trop. J’aime bien étudier. Je pense que je vais continuer mes études un jour. C’est une option de rester dans le foot.

RTSsport.ch: Que pensez-vous de Corinne Diacre, qui entraîne des hommes à Clermont (Ligue 2)? Pourriez-vous faire la même chose?

LARA DICKENMANN: C’est super. En France, ce n'est pas évident, je pense, pour une femme d’avoir un poste comme cela. C’est un progrès. Si elle a les compétences, pourquoi le fait d’être femme devrait changer quelque chose?

J’ai passé mon premier diplôme d’entraîneur donc je suis très loin de ce qu’elle fait. Pour l’instant, ce n’est pas une de mes ambitions d’entraîner des hommes. J’aimerais bien par contre partager mon expérience avec des jeunes joueuses en Suisse un jour. Pour faire progresser le foot féminin en Suisse, il faut qu'on partage notre expérience avec les jeunes talents.

Lara Dickenmann express

Meilleur souvenir: La victoire en Ligue des champions en 2011 et la qualification de la Suisse pour le Mondial 2015

Pire souvenir: Les défaites en Ligue des champions en finale contre Wolfsburg (2013) et en 8es contre le PSG (2014)

Si vous n'aviez pas été footballeuse: Quand j’avais 18 ans, je voulais faire des études en médecine, mais je ne sais pas aujourd'hui si je serais allée au bout.

Principale qualité: Sa gentillesse (selon sa coéquipière Mélissa Plaza)

Principal défaut: Elle est trop modeste (Mélissa Plaza). Je suis susceptible

Film préféré: Inglourious Basterds

Hobbies: La lecture, les langues, les voyages, le tricot et le piano

Une personne marquante: Réponse suisse classique, Roger Federer !

Biographie

Née le 27 novembre 1985 à Kriens (LU)

Milieu

1993-2000: Kriens
2000-2004: Sursee
2004-2006: Ohio State (USA)
2006: New Jersey Wildcats (USA)
2007: Jersey Sky Blue (USA)
2008-2009: FC Zurich
2009-2015: Olympique Lyonnais
2015- ???: Wolfsburg

7x vainqueur du championnat de France, 3x vainqueur de la Coupe de France et 2x vainqueur de la Ligue des champions

98 sélections, 40 buts

Elue 5x footballeuse suisse de l'année