"A l'Euro 2020, les Français nous avaient demandé si nous avions déjà réservé nos vacances..."
"C'est quelque chose de vraiment très fort, une immense fierté". Kevin Mbabu ne s'en cache pas: disputer une grande compétition internationale pour l'équipe de Suisse est particulier et sonne comme la concrétisation d'un rêve. "Pour tout dire, c'est comme aller à l'armée, mais en un peu plus ludique", se marre le Genevois. Non retenu pour la Coupe du monde 2022 et écarté au dernier moment ce printemps pour le voyage en Allemagne, lui n'a jusqu'à présent eu l'honneur de le faire qu'une fois, la bonne peut-être, il y a 3 ans lors de l'Euro 2020. Il en a gardé des souvenirs pour la vie.
Avec, en tête de liste, l'exploit contre la France, alors championne du monde en titre mais éliminée en 8es de finale, au bout d'un match fou. "J'ai encore en tête les images de notre pays en fête dans les minutes qui avaient suivi notre qualification, reprend le latéral droit, à la recherche d'un club pour cet été. Cela me paraissait irréel. Nous, Suisses, sommes plutôt réputés pour être froids. Mais là, tout un peuple était en fête. De tels moments de joie, ce sont des choses qu'on ne peut pas acheter."
Nous, Suisses, sommes plutôt réputés pour être froids. Mais là, tout un peuple était en fête. De tels moments de joie, ce sont des choses qu'on ne peut pas acheter
Kevin Mbabu a tant apprécié ces instants qu'il aurait presque aimé pouvoir les partager au plus près des gens, avec eux. Trois ans plus tard, il n'a rien oublié. "Il y a même un petit côté nostalgie, car il m'arrive de me repasser ces vidéos, soigneusement enregistrées dans mon portable", sourit l'homme aux 24 sélections.
Reste que c'est bien au fond de son crâne que subsistent les meilleurs souvenirs. Il y a eu le nul face au Pays de Galles (1-1), la déroute devant l'Italie (0-3), la victoire sur la Turquie (3-1) et la veille de match contre les Bleus. "Je me souviens que tout le monde nous voyait exploser contre la France, reprend le joueur qui sort d'une bonne saison avec Augsburg. On voyait des choses défiler sur les réseaux sociaux, on en parlait entre nous et on en rigolait, même. Car même si battre les champions du monde semblait mission impossible, on savait que tout pouvait se passer sur un terrain. Après tout, nous avons aussi deux jambes, deux bras..."
J'avais une dent contre le coach, parce que j'aurais voulu être titularisé. Alors je suis arrivé sur le terrain avec cette envie de tout déchirer, de montrer ce que je valais, ce que la Suisse valait.
Et une tête, surtout, qui a permis aux Suisses de rester unis et concentrés sur leur sujet, de repousser des montagnes. A l'inverse de leurs adversaires, suffisants au possible! "Avant le match, certains Français nous avaient demandé si nous avions déjà réservé nos vacances", rappelle d'ailleurs Kevin Mbabu. Sauf qu'il n'y a pas eu de carte postale, mais une entame en fanfare. "Les Bleus ont été surpris de notre début de match, reprend le Genevois. Notre mentalité était incroyable. Ils ont été tellement pris de court qu'ils se sont retrouvés avec le frein à main."
La suite, on la connaît, ou presque. Ouverture de la marque de Seferovic. Penalty détourné par Lloris. Trois buts français dont un chef-d'oeuvre de Pogba. Puis le miracle, avec le merveilleux Mario Gavranovic. Mbabu ne le dit pas, mais en entrant en jeu, il a été, tout comme un exceptionnel Christian Fassnacht, parmi les éléments déclencheurs du réveil suisse, se faisant notamment l'auteur de la passe décisive sur le 2-3 (Seferovic). "J'avais une petite dent contre le coach (ndlr: Vladimir Petkovic), parce que j'aurais voulu être titularisé, sourit-il. Alors je suis arrivé sur le terrain avec cette envie de tout déchirer, de montrer ce que je valais, ce que la Suisse valait. Un Euro est regardé par tout le monde, c'est l'occasion idéale..."
L'exploit aurait pu connaître un deuxième épisode, mais une nouvelle série de tirs au but, contre l'Espagne, n'a ensuite pas tourné en faveur de la Suisse en quarts de finale. "Il y a eu un peu d'amertume, surtout qu'on a traversé la fin de rencontre à 10 après un carton rouge à mon sens discutable (ndlr: Remo Freuler exclu à la 78e), mais je continue de penser que nous sommes sorties la tête très, très haute de cet Euro 2020, en ayant fait rêver la Suisse", conclut l'ancien Servettien.
Arnaud Cerutti
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