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"Face à l'Ecosse, la Suisse n'a rien maîtrisé. Il lui faudra montrer autre chose, ce soir contre l'Allemagne"

L'équipe de Suisse a pris un point important mercredi soir contre l'Ecosse. Mais sa performance globale n'a pas franchement séduit. [KEYSTONE - GEORGI LICOVSKI]
L'équipe de Suisse a pris un point important mercredi soir contre l'Ecosse. Mais sa performance globale n'a pas franchement séduit. - [KEYSTONE - GEORGI LICOVSKI]
L'heure est déjà au bilan du 2e tour de cet Euro 2024. Après avoir décortiqué tous les groupes pour notre site RTSsport.ch avant la compétition, Raoul Savoy, actuel sélectionneur de la Centrafrique et ancien coach de Sion et Neuchâtel Xamax notamment, revient sur les 8 premiers jours de compétition et avoue avoir été séduit par l'Espagne. Mais le Vaudois se projette surtout sur l'avenir de l'équipe de Suisse, qui affronte l'Allemagne ce soir (dès 20h30 sur RTS2).

RTSsport.ch: Raoul Savoy, l’Euro est quasi à mi-chemin. Quel regard portez-vous sur ce qui s’y est passé jusqu’ici?

RAOUL SAVOY: Ce qui me frappe principalement, au-delà de la grosse ferveur, c’est étonnamment l’absence de grosse erreur d’arbitrage jusque-là. Aucun directeur de jeu n'a été la star du match, ce qui est plutôt bon signe. Alors oui, les Autrichiens n’étaient pas très contents du but encaissé contre la France, mais ce n’est pas non plus une grossière erreur. J'ajoute que la gestion du VAR est très intéressante. Il n’y a pas eu d’événement pesant. Dans une telle compétition, il est capital que l’arbitrage soit de qualité. J’espère ne pas porter la poisse en parlant de cela à mi-chemin de cet Euro (rires).

RTSsport.ch: Sur le plan du football pur, un coup de cœur?

RAOUL SAVOY: Je dois reconnaître avoir beaucoup apprécié l’équipe d’Espagne. Contrairement à d’autres prétendants, elle dégage une grosse impression de maîtrise, de sérénité. La Roja peut développer plusieurs types d’attaques; les attaques placées, les attaques sur les côtés, les attaques rapides. Elle peut surprendre de partout, à l’inverse de l’Espagne de Luis Enrique, qui était triste à voir. Celle d'aujourd'hui est apparemment arrivée à ce tournoi avec des certitudes et en se disant qu’elle allait les mettre en place. Contrairement à d’autres pays, et suivez mon regard, Luis de la Fuente (ndlr: le sélectionneur ibère) n’en est pas à faire des expérimentations en plein Euro. Ses gars y vont crânement et ont vraiment quelque chose à jouer en Allemagne.

J’ai aimé les équipes qui ont osé, qui ont joué sans calculer. On a vu que ce sont elles qui ont surpris, à l’image de la Géorgie et de la Turquie lors de leur premier match. C’était magnifique. Ce sont ces rencontres-là qui marquent les gens et la compétition!

Raoul Savoy, sélectionneur de la Centrafrique, ancien coach de Sion et Xamax notamment

RTSsport.ch: D’autres choses vous ont-elle séduit?

RAOUL SAVOY: J’ai aimé les équipes qui ont osé, qui ont joué sans calculer. On a vu que ce sont elles qui ont surpris, à l’image de la Géorgie et de la Turquie lors de leur premier match. C’était magnifique. Ce sont ces rencontres-là qui marquent les gens et la compétition! A l’inverse, l’Ecosse, par exemple, a voulu calculer en ouverture et elle en a pris 5! Elle a adopté une autre tactique ensuite contre la Suisse et là elle aurait pu gagner… La Hongrie a fait pareil face aux Helvètes. Elle l’a payé cher. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi ces sélections qui décrochent leur place dans un Euro, qui n’ont rien à perdre, s’y pointent en se disant ‘tiens, on va calculer, on va jouer petit bras’. Tu as trois matches pour marquer l’histoire, vas-y à fond! Non, franchement, ce raisonnement me dépasse…

RTSsport.ch: Vous avez loué les qualités de l’Espagne, mais semblez avoir été moins convaincu par d’autres équipes…

RAOUL SAVOY: L’Angleterre, la France et aussi l’Italie ne m’ont pas séduit pour le moment. Je suis déçu que des équipes possédant de tels joueurs ne montrent pas autre chose. On a l’impression que les sélectionneurs alignent des noms et se décident tout à coup à essayer de les faire jouer ensemble. Sur le papier, sur la photo d’avant-match, c’est magnifique, mais le rendu sur le terrain est assez pauvre. Ca me rappelle un peu les Galactiques de l’époque, qui n’avaient pas su gagner. Bien sûr que les Anglais ou les Français notamment peuvent toujours aller au bout, mais je ne l’espère pas pour le spectacle.

 La Suisse, on l’a vue trop belle après le premier match. J’étais au stade contre la Hongrie. J’ai vu un adversaire qui n’a jamais "tamponné", qui n’est jamais allé chercher la Nati. Et pourtant, cette dernière a tout de même tremblé.

Raoul Savoy, sélectionneur de la Centrafrique, ancien coach de Sion et Xamax notamment

RTSsport.ch: Et l’Allemagne? Ne faut-il pas tempérer l’enthousiasme sachant qu’elle n’a pas affronté de grandes équipes?

RAOUL SAVOY: Ah mais je vous rassure, je ne m’enflamme pas avec elle! Reste qu'elle est portée par la ferveur populaire, chez elle, et en profite pour le moment. Je l’attends maintenant contre un adversaire plus solide, qui aurait une vraie stratégie à lui opposer. Je suis d’accord qu’elle n’est peut-être pas si impressionnante que certains le disent, mais ça reste la Mannschaft, qui plus est à domicile. Donc je l’attends dans le dernier carré. Et après...

RTSsport.ch: Ce dimanche, l’Allemagne affronte justement la Suisse. Quel regard portez-vous jusqu’ici sur l’Euro de la troupe de Murat Yakin?

RAOUL SAVOY: Eh bien tout d’abord, j’aimerais dire que la Suisse, on l’a vue trop belle après le premier match. J’étais au stade, à Cologne, contre la Hongrie. J’ai vu un adversaire qui n’a jamais "tamponné", qui n’est jamais allé chercher la Nati. Et pourtant, cette dernière a tout de même tremblé. Lorsque j’ai vu les 15-20 minutes avant le 3-1 d’Embolo, j’ai dit à mon assistant que ce n’était pas bon signe pour la suite du tournoi. Et ensuite, lorsque je vois qu’elle se présente face à l’Ecosse sans vrai attaquant… Honnêtement, si Shaqiri ne fait pas du Shaqiri, la Suisse en est où au coup de sifflet final? Dans ce deuxième match, il n’y avait aucune maîtrise du jeu. Dans les moments de stress, personne n’a posé le pied sur le ballon. Quand il fallait jouer vite, les gars jouaient lentement. Quand il fallait jouer lentement, ils se précipitaient… Dans l’impact, dans l’intensité, dans le jeu, il n’y avait rien. Elle n'a rien maîtrisé. Et si tu ne maîtrises pas le rythme, tu ne peux pas gagner. Il lui faudra montrer autre chose face à la Mannschaft.

Le match contre l'Allemagne n’est pas un match qui doit préparer quoi que ce soit, mais un match pour continuer l’aventure, continuer à bosser ensemble, continuer à construire et trouver des automatismes

Raoul Savoy, sélectionneur de la Centrafrique, ancien coach de Sion et Xamax notamment

RTSsport.ch: Ce match contre l’Allemagne, il va le falloir jouer à fond, mais n’est-ce pas aussi un match pour préparer le potentiel 8e de finale?

RAOUL SAVOY: Non, ce n’est pas un match qui doit préparer quoi que ce soit, mais un match pour continuer l’aventure, continuer à bosser ensemble, continuer à construire et trouver des automatismes. Après, il y a le problème des avertissements et des joueurs qui pourraient être suspendus pour un éventuel 8e de finale (ndlr: Freuler, Rodriguez, Sierro, Widmer). Il faut composer avec cela et faire des choix. Face à des Allemands qui voudront gagner, j’alignerais une défense à 4. Mais je jouerais sans calculer, avec Embolo en pointe, Amdouni qui tourne autour, ainsi que Ndoye et Vargas sur les ailes. En sachant que Duah et/ou Okafor peuvent amener quelque chose en cours de rencontre. La Suisse va devoir y aller crânement ce soir. En serrant les lignes et en cherchant à maîtriser le jeu. Alors oui, c’est l’Allemagne en face, mais il faut jouer le coup à fond.

RTSsport.ch: Si elle se hisse pour de bon en 8es de finale, la Suisse pourrait peut-être y croiser l’Italie. Une bonne chose?

RAOUL SAVOY: Eh bien disons que la Squadra Azzurra est une équipe qui peut convenir à la Suisse. Vous m’auriez parlé de l’Espagne ou du Portugal, j’aurais soupiré et je vous aurais dit tout autre chose. Mais l’Italie actuelle n’est pas transcendante, donc c’est mieux de l’affronter elle que les Ibères. Après, vous me direz que la Suisse d’aujourd’hui…

Arnaud Cerutti

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