"La maîtrise de la Suisse a été incroyable. Tactiquement, sa prestation a été un modèle du genre"
RTSsport.ch: Sébastien Roth, on vous avait parlé après le décevant Ecosse-Suisse. Plan parfait, sérénité, efficacité.... quel contraste entre les deux performances!
SEBASTIEN ROTH: Ah oui, ça on peut le dire! La Suisse a offert un tout autre visage qu'il y a dix jours face aux Ecossais. Elle a été super bien en place, elle a été solide, super bien organisée. Mais je pourrai presque dire que l'opposition transalpine était du même niveau que l'écossaise (rires)! Pour redevenir sérieux, on voit que c'est indirectement plus facile d'affronter une grande nation qu'une plus petite... Après, l'Italie d'aujourd'hui est-elle encore une grande nation? Franchement, c'était très faible dans cet Euro...
RTSsport.ch: On aurait effectivement pu s'attendre à mieux, après sa réaction contre la Croatie...
SEBASTIEN ROTH: Tout à fait. Je m'étais d'ailleurs dit que son égalisation devant les Croates pourrait lui servir de déclic, qu'une sorte de nouvelle Squadra pourrait naître après cela. Force est de constater qu'il n'en a rien été. Elle a passé son temps à attendre la Suisse, et son entame de deuxième mi-temps (ndlr: perte de balle au coup d'envoi, but encaissé quelques secondes plus tard...) est tout simplement hallucinante à ce niveau.
Même si elle avait déjà été bonne contre l'Allemagne dimanche dernier, cela faisait un sacré bout de temps que je n'avais pas vu la Suisse livrer une prestation aussi complète.
RTSsport.ch: Reste que la prestation livrée par la Suisse, une équipe déroutante de sérénité, a été très, très aboutie...
SEBASTIEN ROTH: Oui, il ne faut absolument rien enlever aux mérites de l'équipe de Suisse. Surtout pas! Sa maîtrise du match a été incroyable. Tactiquement, cela a été un modèle du genre, il n'y a absolument rien à dire ou à redire. Elle a contrôlé les choses quasiment du début à la fin de la rencontre, elle a attendu les Italiens au début pour les faire sortir et trouver les espaces. C'était très intelligent. Cela a été une performance très accomplie, très aboutie. En éliminatoires, ou même encore contre la Hongrie, on avait vu la Nati dominer pendant 60-70 minutes, puis s'embourber ensuite. Là, elle a été dominante d'un bout à l'autre. Même si elle avait déjà été bonne contre l'Allemagne dimanche dernier, cela faisait un sacré bout de temps que je ne l'avais pas vue livrer une prestation aussi complète.
RTSsport.ch: Encore une fois, Murat Yakin, que tant de journalistes et supporters ont de manière ridicule véhément critiqué depuis une année et demie, a trouvé la parade! On connaissait l'animal de Didier Deschamps. Va-t-il falloir parler du flair de "Muri"?
SEBASTIEN ROTH: Le sélectionneur a fait des coups, il a réussi. C'est fort. Mais on sait très bien que si ses choix n'avaient pas payé sur l'un des quatre matches, ou même plus, il se serait fait très, très critiquer à nouveau. Le parcours de l'équipe nationale dans cet Euro 2024 parle finalement pour lui et pour tout le staff qui travaille avec lui, dont son nouvel assistant, Giorgio Contini!
En dehors de Manuel Akanji, qui est vraiment le patron, je ne suis pas encore complètement convaincu par l'arrière-garde helvétique. Encore une fois, il y a eu quelques incompréhensions contre l'Italie, un manque de communication. Ce sont des alertes à ne pas prendre à la légère
RTSsport.ch: Ce que réalise dans cet Euro Dan Ndoye, aligné cette fois-ci à la place de Silvan Widmer (suspendu), est également assez fascinant...
SEBASTIEN ROTH: Oui, et il s'en est fort bien tiré à ce poste. C'est beau de le voir à ce niveau, de le voir se battre. Mais je dois dire que dans ce 8e de finale, j'ai beaucoup aimé Fabian Rieder aussi. Dans un match pareil, il a été tellement précieux pour l'équipe! Il a été un joueur très, très important, comme contre l'Allemagne. Et au sortir de cette rencontre face aux Italiens, on ne peut pas ne pas citer Ruben Vargas, qui a fait marquer, puis qui a marqué. Sur la performance helvétique, j'ai tout de même un bémol à formuler...
RTSsport.ch: Allez-y!
SEBASTIEN ROTH: En dehors de Manuel Akanji, qui est vraiment le patron et réalise un Euro de très haut vol, je ne suis pas complètement convaincu par l'arrière-garde helvétique. Encore une fois, il y a eu quelques incompréhensions contre l'Italie, un manque de communication. La défense s'est aussi fait prendre deux fois sur des coups francs passés par-dessus elle. Une fois, Di Lorenzo s'est raté et, la fois suivante, il y a eu poteau, mais le joueur était sans doute hors-jeu. Bref, heureusement que l'Italie n'a pas eu 9 occasions, mais ce sont des alertes à ne pas prendre à la légère. Attention, je ne veux pas paraître négatif, mais dans une telle compétition, il faut justement savoir garder le bon et vérifier ce que tu peux encore travailler et/ou améliorer. Oui, tu gagnes 2-0, c’est magnifique, c’est super, c’est génial, mais lorsque tu es dans l'événement, tu vois certainement les choses d’un autre œil et tu retournes immédiatement dans l’analyse. A mon avis, ces choses-là seront au menu de la semaine à venir.
Tout le monde sait désormais que la Nati a des qualités, qu'elle est tactiquement bien en place, bien organisée, qu'elle est emmerdante à jouer. Elle le sera encore, pour les Anglais ou les Slovaques...
RTSsport.ch: En attendant l'Angleterre ou la Slovaquie...
SEBASTIEN ROTH: Sans vouloir être présomptueux ou arrogant, car il ne faut vraiment pas commencer à tomber dans l'excès de confiance, il y aura assurément une carte à jouer pour la Suisse, quel que soit son prochain adversaire. Oui, ce sera un quart de finale d'Euro et ce sera forcément compliqué, mais c'est le cas pour tout le monde à ce stade-là. Tous ses potentiels adversaires savent désormais que la Nati a des qualités, qu'elle est tactiquement bien en place, bien organisée, qu'elle est emmerdante à jouer. Elle le sera encore, pour les Anglais ou les Slovaques. Et cet Euro est une telle vitrine pour les joueurs suisses que j'imagine que quelques-uns d'entre eux ont encore envie de se mettre en valeur. Ca promet!
Arnaud Cerutti
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