"La Suisse a désormais acquis des certitudes, de la confiance, et a un vrai coup à jouer contre l'Italie..."
Marco Pascolo est de la génération qui en a fait rêver une autre, au coeur des années nonante, lorsque la Suisse s'est (r)éveillée sur la carte du foot international, en battant notamment... l'Italie (1-0), le 1er mai 1993 grâce à un but de Marc Hottiger et aux parades exceptionnelles du dernier rempart valaisan. Gardien indiscutable, auteur de matches immenses sous le tricot rouge à croix blanche (lui l'avait plutôt noir ou bleu bariolé...), celui qui est passé par Sion, Xamax, Servette, Cagliari, Nottingham et Zurich est resté dans la légende. Trente ans après ses plus belles heures internationales, il demeure une voix que l'on écoute avec plaisir, au moment où une autre équipe de Suisse, d'une autre génération encore, joue pour écrire sa propre histoire.
RTSsport.ch: Marco Pascolo, ce 8e de finale Suisse-Italie aura une signification particulière pour beaucoup d'Helvètes, qu'ils aient des origines italiennes comme vous ou même pas, d'ailleurs. Comment allez-vous aborder cette rencontre?
MARCO PASCOLO: Eh bien clairement en tant que supporter de la Suisse! Je crois qu'avec ce qu'a démontré cette équipe jusqu'ici, on doit la soutenir. Surtout que l'Italie n'a, quant à elle, pas franchement brillé. Je me réjouis de cette rencontre, qui pourrait marquer le début, ou la suite, d'une grande histoire.
RTSsport.ch: Qui en sera selon vous le favori?
MARCO PASCOLO: Là, on peut se dire que c'est du 50-50, mais j'ai presque envie de vous dire que la Suisse est un petit peu favorite, tout de même. Elle vient de livrer des performances plus solides, elle a des assurances sur certains postes et, surtout, elle est en confiance, ce qui n'est pas négligeable dans une telle compétition.
La Suisse vient de livrer des performances plus solides, elle a des assurances sur certains postes et, surtout, elle est en confiance, ce qui n'est pas négligeable dans une telle compétition
RTSsport.ch: On a vu une Suisse poussive contre l'Ecosse, puis extrêmement bien organisée devant les Allemands. Quel est au juste son vrai visage?
MARCO PASCOLO: Déjà, j'aimerais dire que, hormis l'Espagne, aucune des autres équipes présentes à cet Euro n'a réalisé un sans-faute, en épatant la galerie. On voit que chacune a eu des hauts et des bas, qu'aucune n'a été époustouflante. Donc la Suisse a été à l'image des autres. Puis j'aimerais souligner aussi qu'il y a des adversaires qui vous conviennent mieux que d'autres, certains qui vous permettent de mieux jouer ou, à l'inverse, qui vous gênent davantage. C'est peut-être ce qui s'est passé face aux Ecossais...
RTSsport.ch: En parlant d'adversaires qui peuvent convenir, on a toujours le sentiment que l'Italie est une sélection que la Suisse aime affronter, peut-être davantage que l'Angleterre, le Danemark ou la Slovénie...
MARCO PASCOLO: C'est vrai et c'est peut-être encore plus valable aujourd'hui que la Suisse a des certitudes, qu'elle est dans un élan très positif, qu'elle se sait capable d'évoluer à un certain niveau. Oui, les deux formations sont très proches, mais si je me retourne sur les trois matches de poules des Suisses et des Italiens, je me dis que les premiers cités ont montré de belles choses et qu'il y a un vrai coup à jouer samedi.
Si je me retourne sur les trois matches de poules des Suisses et des Italiens, je me dis que les premiers cités ont montré de belles choses et qu'il y a un vrai coup à jouer samedi.
RTSsport.ch: Qu'avez-vous retenu des trois sorties des Italiens, une victoire, un nul et une défaite?
MARCO PASCOLO: Ce qui m'a surtout frappé, c'est qu'il n'y a pas un joueur qui porte cette équipe. Et que celle-ci n'a dû son salut qu'à son gardien, Gigi Donnarumma, qui a tenu la Squadra Azzurra et l'a portée jusqu'en 8es de finale. Pour le reste, aucun joueur de champ suisse n'a quelque chose à envier à un titulaire du onze italien.
RTSsport.ch: Vous venez de parler de Donnarumma, qui est souvent hésitant au PSG, où tous les supporters déplorent ses performances, mais qui se montre remarquable et indiscutable avec sa sélection. Quel regard l'ancien gardien et ancien entraîneur que vous êtes porte-t-il sur le portier italien?
MARCO PASCOLO: A mes yeux, c'est un excellent gardien. Preuve en est qu'il tient la baraque avec la Squadra. Ce que je note, de mon regard extérieur, et que je trouve intéressant, c'est que oui il est chahuté et contesté à Paris, mais qu'il est quasiment à chaque fois impeccable avec l'Italie. Cela dit beaucoup de la confiance dans laquelle il se trouve en équipe nationale. Il sait que l'environnement y est sain et serein. Il s'y sent bien et, même s'il est davantage sollicité, il répond encore plus présent. Il y est très performant. C'est fort quand on connaît la difficulté de son poste...
Je note que Gigi Donnarumma est chahuté et contesté à Paris, mais il est quasiment à chaque fois impeccable avec l'Italie. Cela dit beaucoup de la confiance dans laquelle il se trouve en équipe nationale. Il sait que l'environnement y est sain et serein
RTSsport.ch: Poste qui était déjà compliqué à votre époque...
MARCO PASCOLO: Oui, mais aujourd'hui on est entré dans une autre dimension. Le rôle est devenu encore plus complexe. Les gardiens doivent à la fois être les premiers attaquants, mais ils doivent aussi arrêter des ballons qui arrivent à une vitesse et une puissance folles. Ils doivent être bons du pied droit, mais également du pied gauche. Puis en face d'eux, ils ont désormais de vrais athlètes, avec des gabarits dingues. Et encore d'autres paramètres... C'est hallucinant.
RTSsport.ch: Dans le fameux documentaire sur la Suisse de 1992-94, Marc Hottiger, le buteur du Suisse-Italie du 1er mai 1993, avoue qu'il ne savait pas "ce qu'il foutait là", dans la surface de réparation transalpine, au moment de son but. Est-ce que l'on peut souhaiter que, samedi, un autre défenseur suisse ne sache pas vraiment ce qu'il foutera dans les 16m de Donnarumma?
MARCO PASCOLO: (rires) Ah mais carrément! Il faut leur dire de monter à l'abordage. Parce que pourquoi pas, finalement? S'ils restent solides derrière et peuvent se permettre de monter, autant le faire. De toute manière, cette rencontre de samedi va se jouer sur des détails. Et une montée peut tout faire basculer. Ce serait de la folie pure! Au risque de me répéter: battre l'Italie, c'est possible!
Arnaud Cerutti