"La Suisse n'a peut-être pas assez osé par moments dans ce quart de finale..."
RTSsport.ch: Sébastien Roth, sortir du tournoi après avoir pu autant y croire, ça fait mal…
SEBASTIEN ROTH: Oh oui, elle fait mal, cette défaite-là pour la Suisse. Mais combien de fois celle-ci a-t-elle enlevé une séance de tirs au but (ndlr: une seule dans son histoire, à l’Euro 2020 contre la France)? Statistiquement, c’était mal emmanché cette histoire... Mais oui, c’est dur de tomber ainsi, après un nouveau bon match, et surtout dur de voir Manuel Akanji, meilleur joueur suisse du tournoi, manquer pareillement son essai...
RTSsport.ch: Pour ce qu’elle a montré après la pause, la Suisse méritait a priori davantage de passer que l’Angleterre…
SEBASTIEN ROTH: Oui, je le crois bien. La première période a été plus compliquée, mais les Suisses ont alors su faire le dos rond. D'ailleurs, ils se sont surtout parfois mis en difficulté sur de mauvaises relances, mais ils n'ont pas non plus dû faire face à de grosses occasions anglaises. Cela n'a pas porté à conséquence, mais ça a tout de même pompé un peu d’énergie. Ensuite, même si ça a été très compliqué pour Fabian Schär ou Michel Aebischer, la 2e mi-temps a été nettement meilleure. La Suisse était meilleure. Il y a eu des possibilités de faire la différence et c’est ce qui rend l'élimination encore plus amère. Parce que oui, il y avait vraiment de quoi passer, alors que ce n’était pas l’Angleterre de la phase de poules en face!
L'Angleterre est montée en puissance, elle a augmenté d’un ton. Hormis Harry Kane, tous ses meilleurs joueurs ont été au rendez-vous contre les Suisses. Les stars ont pris leurs responsabilités...
RTSsport.ch: Vous l’avez vraiment trouvée meilleure qu'avant, cette Angleterre?
SEBASTIEN ROTH: Oui, elle est montée en puissance, elle a augmenté d’un ton. Hormis Harry Kane, tous ses meilleurs joueurs ont été au rendez-vous contre les Suisses. Les stars ont pris leurs responsabilités. Ca se joue finalement à peu de choses certes, mais l’expérience anglaise n’est pas innocente à l’issue de ce quart de finale. Sur le papier, l'Angleterre peut aller au bout, mais elle ne joue pas assez souvent en équipe. Reste qu’elle est encore là pour gagner et elle a montré davantage dans le jeu que d’autres qui sont aussi dans le dernier carré…
RTSsport.ch: Mais un peu moins que la Suisse…
SEBASTIEN ROTH: Oui, mais j’ai le sentiment que la Suisse aurait pu être encore plus active en première mi-temps. A mon sens, Xhaka et Cie ont un peu trop attendu les Anglais, ils n'ont peut-être pas assez osé. On a d’ailleurs vu après la pause que, dès que la Nati a un peu ouvert le jeu, elle a mis les Anglais dans l'embarras. Est-ce que ça aurait pu tout changer s’il y était allée un peu plus franchement? C’est toujours plus facile à dire après coup, mais on peut en tout cas se poser la question. Et puis, c'est dommage que la Suisse n'ait pas su gérer les minutes qui ont suivi le 1-0...
Manuel Akanji a été exceptionnel. Il a été le meilleur défenseur du tournoi...
RTSsport.ch: Ces minutes de flottement ont effectivement coûté cher, alors qu'on sait que ces moments sont capitaux. Quelques heures après une élimination, il reste donc compliqué de trouver du positif, mais oui la Suisse a signé un bel Euro. Que retenez-vous en priorité de ces dernières semaines?
SEBASTIEN ROTH: Pour moi, Manuel Akanji a été exceptionnel. Il a été le meilleur défenseur du tournoi. Et puis, j’aimerais vraiment rappeler que, même si cela n'a pas été brillant devant l'Ecosse, ce qu’on a vu depuis le match contre la Hongrie est à l’opposé de tout ce qu’on avait vu lors des éliminatoires et c’est assez fascinant de constater à quel point un tournoi peut fédérer un groupe. C’est tout le mérite des joueurs et du staff que d’avoir pu réaliser cela. Je reste persuadé que, comme nous en avons déjà parlé l'autre jour, Giorgio Contini (ndlr: l'assistant-coach, nommé en janvier dernier) a amené quelque chose, tant à Murat Yakin qu’aux sélectionnés, sur le terrain comme en dehors. Peut-être cette légèreté qui avait souvent manqué par le passé, ainsi que sa connaissance du football. Oui, dans l’ensemble, la compétition a été très réussie. Il faut s’appuyer là-dessus pour bâtir l’avenir.
RTSsport.ch: Parlons justement d’avenir. On entend beaucoup que cette équipe incarne le futur, mais en termes de moyenne d’âge, elle était tout de même l’une des plus vieilles du tournoi…
SEBASTIEN ROTH: Effectivement! L'avenir reste assez flou. Et même si je pense que tant que tu es dans une carrière, tu devrais rester sélectionnable, certains joueurs plus âgés vont peut-être se retirer d’eux-mêmes et ne seront plus là après l’été. Il va falloir discuter avec chacun, voir quelles sont les aspirations, garder les cadres qui souhaitent poursuivre l’aventure, puis surtout penser à intégrer d’autres éléments, car c’est plus facile d’apporter du sang neuf lorsque tout va globalement bien que lorsque tu es dans un creux.
Murat Yakin peut-il prendre le risque de recevoir encore des critiques, d’en prendre plein la poire, alors qu’il peut s’en aller sur une superbe note?
RTSsport.ch: Sera-ce avec ou sans Murat Yakin?
SEBASTIEN ROTH: Je n’ai pas d’info, mais je pense qu’il va s’arrêter là. Notamment car je ne suis pas sûr qu’il pourra faire mieux que ce qui s’est passé durant ce tournoi. Et ensuite parce qu’on peut se demander si cet Euro efface complètement tout ce qui s’est passé dans les mois qui l'avaient précédé. Murat peut-il prendre le risque de recevoir encore des critiques, d’en prendre plein la poire, alors qu’il peut s’en aller sur une superbe note? Et quid s'il reçoit une grosse offre? A sa place, je m'arrêterais là. Mais je ne suis pas à sa place (rires).
RTSsport.ch: Un mot encore sur la suite de cet Euro 2024?
SEBASTIEN ROTH: L’Espagne est bien entendu l’équipe qui m’a fait la plus grosse impression. Mais là, elle va affronter une France qui va la faire déjouer. Les "Bleus" sont des "castrateurs" de jeu et c’est un peu frustrant lorsque tu vois tous les talents qui composent cette équipe. Mais on demande à Didier Deschamps de gagner et, jusqu’à preuve du contraire, c’est ce qu’il fait. Donc que dire? Pour le reste, on n'en parle pas, mais méfions-nous des Pays-Bas, qui ont aussi des qualités et une certaine fougue de la jeunesse. Et puisque Memphis Depay offre également un autre visage qu'en début de tournoi...
Arnaud Cerutti
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