"Wembley, le tapis rouge, le Duc de Kent… C’était extraordinaire"
Christophe Bonvin a été l'un des pionniers de notre football, puisqu'il a participé à l'Euro 1996, le tout premier disputé par l'équipe de Suisse. "C'était exceptionnel et je crois qu'aujourd’hui les gens ne se rendent pas compte de ce que cela pouvait représenter", se souvient l'ancien attaquant valaisan. Il faut dire que les places étaient rares, à l'époque, et que les obstacles sur le chemin d'un championnat d’Europe étaient nombreux. "Pour un joueur suisse, ce n'était vraiment pas gagné, dans une carrière, de pouvoir vivre un tel événement, rappelle aujourd’hui l'homme âgé de 59 ans. Songez par exemple que Heinz Herrmann, longtemps recordman des sélections dans notre pays, n'a jamais eu droit à un tel honneur…"
Bonvin, lui, l'a carrément vécu en grand. En très grand. Dans un match d’ouverture. Contre l'Angleterre. En plein Wembley. Comme dirait l'autre, what else? "Pour moi qui étais d’abord tombé amoureux du foot anglais, c'était le point d'orgue, se souvient notre interlocuteur. Il y avait en plus le tapis rouge, le Duc de Kent, la présentation officielle, 82'000 personnes… J'étais tendu et je me suis demandé ce que je foutais là…" Puis l'ancien buteur de Sion, Servette et Xamax de reprendre, dans un éclat de rire: "Après les hymnes, le match aurait pu s'arrêter là que j'aurais été content tellement c'était fou…"
Avant le match contre l'Angleterre, j'étais tendu, je me suis demandé ce que je foutais là...
Christophe Bonvin ne s'est toutefois pas satisfait d'être spectateur dans cet Euro. Lui qui a disputé 67 minutes face aux Anglais (1-1), puis 90 devant l'Ecosse (défaite 1-0) a voulu s'arracher pour son pays. "Après avoir manqué la Coupe du monde 1994 (ndlr: il avait été écarté au dernier moment par Roy Hodgson), je savais que ce serait mon seul grand événement et je ne voulais pas avoir de regrets, explique-t-il. J'ai donc beaucoup couru, beaucoup donné, peut-être pas forcément bien joué, mais j'ai alors fait ce que le coach m'avait demandé…"
Le coach, un certain Artur Jorge, avait déjà scié sa propre branche en écartant Adrian Knup et Alain Sutter à la veille de la sélection. Un traumatisme pour bien du monde. "Le sélectionneur n'avait pas très bien mesuré le poids et l'impact de ces deux joueurs dans cette équipe de Suisse", souffle Bonvin, qui n'avait néanmoins pas été totalement surpris de voir les deux vedettes - "pourtant mille fois plus talentueuses que moi" - rester à la maison.
J'ai beaucoup couru, beaucoup donné, peut-être pas forcément bien joué, mais j'ai alors fait ce que le coach m'avait demandé
"Rétrospectivement, je crois que M. Jorge, quelqu'un qui m'a marqué positivement par sa grande intelligence, s'était concentré pendant quelques jours sur les joueurs qui donnaient beaucoup à l'entraînement, qui étaient prêts à tout pour l'équipe. Par exemple, moi je me suis défoncé car je savais que ma place ne tenait à rien. D'autres ont peut-être pris les choses plus à la légère en pensant que leur sélection était assurée..."
Ensuite, d'autres - sélectionnés, eux - prendront cet Euro trop à la légère. Tout comme Sébastien Fournier nous le confiait en 2021, Christophe Bonvin se souvient d'une atmosphère bizarre en équipe nationale après la défaite 2-0 contre les Pays-Bas lors du 2e match de poule. Alors que tout restait ouvert avant l'affrontement avec l'Ecosse, l'ailier a senti un groupe démobilisé. "Il n'y avait pas une envie folle de réussir dans notre vestiaire. Certains donnaient l'impression de déjà vouloir rentrer au pays."
Tandis que lui, amoureux du foot anglais, n'aurait pas été contre l'idée de rester quelques jours de plus de l'autre côté de la Manche. En vain.
Arnaud Cerutti
"En 2024, il y a moyen de faire quelque chose de bien"
"En 1996, une fois qu'Artur Jorge avait écarté Knup et Sutter, on savait que si la Suisse réussissait un bon Euro, les médias allaient dire que c'était grâce aux joueurs et que si la Suisse ratait, ce serait à cause de l'entraîneur. Il me semble que la pensée générale est un peu la même à la veille de cet Euro 2024…" A quelques jours du début de la campagne allemande, Christophe Bonvin voit un parallèle entre les deux époques. Aujourd'hui, les anti-Yakin en font trop. Tout comme ceux qui sont en pâmoison devant une équipe nationale qui n'a rien montré. Mais le Valaisan se veut tout de même optimiste.
"Si la Suisse parvient à s'appuyer sur ses meilleurs joueurs et si les petits pépins physiques sont balayés, il y a moyen de réussir un très bon Euro, martèle l'ex-attaquant. Il y a désormais un vécu dans ce groupe, de l'expérience, un potentiel aussi. Aux gars maintenant de faire preuve d’un peu de fierté!" Et ce dès le 15 juin contre la Hongrie. Puis si possible sans manifester l'envie de rentrer en Suisse le 19 juin devant… l'Ecosse.