L'UEFA, qui avait convoqué à Nyon les neuf fédérations
concernées par le scandale sur les matches truqués, a annoncé
l'ouverture d'une enquête sur cinq clubs dont les résultats en
tours qualificatifs des Coupes d'Europe cet été sont suspects.
Présente à la réunion, l'ASF s'en remet désormais à la justice
civile avant de prendre en main le dossier.
Après la séance de crise longue de presque trois heures, à
laquelle étaient conviées les fédérations suisse, autrichienne,
belge, bosniaque, croate, allemande, hongroise, slovène et turque,
le secrétaire général de l'UEFA, Gianni Infantino, a dévoilé les
noms de cinq clubs suspectés d'avoir manipulé sept matches
européens en juillet et août dernier. Sont dans le collimateur les
Albanais du KF Tirana et du KS Vllaznia, les Lettons du FC
Dinaburg, les Slovènes du NK IB Ljubljana et les Hongrois du
Budapest Honved.
Ainsi, un match du 2e tour qualificatif de la Ligue des champions
est sous enquête (Stabaek-TIRANA 4-0), quatre du 2e tour
qualificatif de l'Europa League (Bnei Yehuda-DINABURG 4-0,
DINABURG-Bnei Yehuda 0-1, VLLAZNIA-Rapd Vienne 0-5, Rapid
Vienne-VLLAZNIA 30) et deux du 3e tour qualificatif de l'Europa
League (LJUBLJANA-Metalurg Donetsk 0-3 et Fenerbahçe-HONVED
5-1).
«Je peux vous dire que les personnes reconnues coupables
pourront dire adieu au monde du football», a fermement prévenu
M. Infantino, qui s'est néanmoins montré heureux «qu'aucune
partie de la phase de groupes de la Ligue des champions ne soit
concernée» et qu'il n'y a «pas de suspicion ou d'enquête
au sujet d'un membre de l'administration de l'UEFA».
Coopération totale de l'ASF
Au sortir de la réunion, Peter Gilliéron a évoqué «un
échange d'informations entre les fédérations et l'UEFA» qui a
permis de stigmatiser les «limites de la justice
sportive». Et le président de l'ASF d'assurer de la totale
collaboration de la Fédération dans cette affaire. «Dans un cas
comme celui-ci, qui touche au crime organisé, il vaut mieux s'en
remettre à la justice civile. Nous allons faire tout ce que la
justice nous demande. Nous sommes des citoyens et voulons être en
droite ligne avec la légalité.»
Toutefois, en dépit du scandale, le responsable du département
légal de la SFL Claudius Schäfer veut croire en l'appareil
législatif de la Ligue déjà en place. «Au regard du sport, nous
avons un règlement performant. Mais nous devons toujours réfléchir
aux possibilités de mieux faire. Néanmoins, des petites ligues
comme nous sont confrontées à des barrières
financières.»
Des barrières moins dissuasives pour l'UEFA, dont le dispositif de
surveillance des paris sportifs (Betting Fraud Detection System)
est financé par les cotisations payées par les fédérations membres.
«Cela coûte plusieurs millions d'euros par an», explique
Gianni Infantino, avant d'être appelé à préciser. «Beaucoup
moins de dix millions, mais quand même plusieurs...»
Rien n'avait été détecté
Le secrétaire général lance à ce propos une piste de réflexion
afin d'augmenter le budget alloué à la lutte contre les matches
truqués. «Si des sociétés qui proposent des paris étaient
intéressées à nous venir en aide, nous ne serions pas contre. Elles
pourraient le faire, ne serait-ce que pour asseoir leur propre
prévention.»
Directeur de la Commission de discipline de l'UEFA, Peter Limacher
ne cache pas le besoin de mieux faire dans ce domaine, d'autant
«qu'aucun des sept matches suspects n'avait été signalé comme
tel par notre système». «Nous allons étudier les
possibilités d'améliorations, a poursuivi M. Limacher, car
nous ne pouvons pas nous contenter d'une seule source pour
débusquer les fraudes.»
L'ASF, elle, ne possède pas de système d'alerte propre. Elle
compte sur ceux de l'UEFA (BFDS) et de la FIFA (EWS pour Early
Warning System). Le principe de base est la surveillance globale
des mouvements de paris (29 000 matches surveillés par l'UEFA
depuis juillet 2009). En cas de doute, les informations sont
transmises aux fédérations concernées, à moins qu'il s'agisse d'une
rencontre placée sous l'égide de l'UEFA ou de la FIFA.
DIX-SEPT PERSONNES ARRETEES EN CHINE
La police chinoise a confirmé l'arrestation d'au moins 17
personnes dont un responsable de la Fédération chinoise et quatre
dirigeants de clubs. Toutes sont suspectées d'avoir organisé des
paris truqués sur des matches de championnat. La police du Liaoning
(nord-est) avait jusqu'ici refusé de confirmer ces arrestations
dont la presse locale s'était pourtant faite l'écho depuis début
novembre.
Les individus actuellement détenus par la police chinoise sont
soupçonnés d'avoir organisé des paris sur internet en Chine et à
l'étranger, et de s'être assurés du résultat des matches en payant
joueurs et entraîneurs lors des saisons 2006 et 2007 du Championnat
de Chine de 1ère division.
Plus d'une centaine de joueurs, entraîneurs et dirigeants ont déjà
été entendus par la police dans le cadre de l'enquête sur ce
système de corruption et de paris truqués qui aurait débuté en 2006
lors d'un match entre les équipes de Guangzhou Yiyao et Shanxi
avant de s'étendre à d'autres rencontres. Le football chinois a été
éclaboussé à plusieurs reprises ces dernières années par des
affaires de corruption.
agences/seb
Peter Gilliéron, entre prudence et confiance
C'est un Peter Gilliéron concerné mais ne cédant pas au catastrophisme qui s'est présenté face à la presse au sortir de la réunion de crise qu'a convoqué l'UEFA au sujet du scandale des matches truqués. Le président de l'ASF a surtout regretté de ne pas avoir eu plus de temps pour savourer les récents succès du football helvétique.
- Peter Gilliéron, quelle est la gravité de la situation en Suisse?
PETER GILLIERON: Il est nécessaire de lutter par tous les moyens contre ce fléau. Je dois toutefois dire que nous ne sommes pas trop mal lotis en Suisse, puisque les relations avec les pouvoirs publics sont bonnes et constructives. Ce n'est pas toujours le cas pour les autres pays touchés par cette affaire. Par contre, je ne peux pas dire combien de clubs ou de personnes sont concernés, par respect du secret de l'enquête. Quand tout sera tiré au clair, la Commission de discipline de l'ASF se chargera du dossier et prendra position.
- Quand doivent tomber les résultats de l'enquête et les éventuelles mesures contre les coupables?
PETER GILLIERON: C'est très difficile de le dire, puisque cela va dépendre des cas. Cela peut durer très longtemps, ce que je n'espère pas. Mais il faut attendre. Les cerveaux de ce réseau frauduleux ne sont pas des gens du monde du football. C'est pourquoi il vaut mieux laisser faire la justice civile.
- Que faire pour que cela ne se produise plus?
PETER GILLIERON: Nous devons nous greffer sur le système de détection des fraudes de l'UEFA. Celle-ci a promis de nous aider tant à l'avenir, que dans le présent, afin de faire avancer l'enquête. Son soutien sera également nécessaire au moment de prendre des sanctions. Tout seul, ce ne serait pas faisable. Mais nous pouvons y arriver si nous travaillons ensemble. Même s'il est impossible de donner une garantie totale.
- L'image du football a été une fois de plus salie.
PETER GILLIERON: La criminalité ne sévit pas que dans le football. Maintenant, si un match se termine sur un 9-0, tout le monde va avoir des doutes. Il s'agira de regarder dans le détail les circonstances de la rencontre et son déroulement.
- Quelles seront les conséquences de ce scandale sur le football suisse?
PETER GILLIERON: Tout d'abord, je veux dire que je suis triste de ne pas avoir pu profiter plus longtemps du titre de champion du monde M17 et de vice-champion du monde de beachsoccer. C'est dommage d'être contraint de ne plus parler que de cela. Mais le football suisse est suffisamment fort pour traverser cette tempête.
- Peut-on dire que vous avez reçu une baffe en apprenant cette affaire?
PETER GILLIERON: Non, car je planais tellement haut avec nos succès récents, que ce scandale n'a pas pu m'atteindre au visage...