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Quand le Qatar agace avec ses milliards

Le 2 décembre 2010 à Zurich, le Qatar s'est vu attribuer l'organisation de la Coupe du monde 2022. [KEYSTONE - Michael Probst]
Le 2 décembre 2010 à Zurich, le Qatar s'est vu attribuer l'organisation de la Coupe du monde 2022. - [KEYSTONE - Michael Probst]
Mondial de foot, d'athlétisme, JO, clubs, droits TV... Depuis dix ans, le Qatar s'est fait une spécialité des candidatures et acquisitions dans le domaine sportif, irritant parfois les pays de tradition qui stigmatisent une attitude jugée mercantile.

L'attribution du Mondial-2022 de football au micro-Etat du Golfe, grand comme un département français et riche d'une population autochtone de moins de 500 000 âmes, est symptomatique de l'évolution ultra-rapide d'un pays devenu sportivement incontournable. "Le Qatar, juge un expert, est en train de devenir le "hub" sportif de la région au sens large. En cela, il a réussi son pari".

Arrivé au pouvoir en 1995, l'Emir Hamad bin Khalifa Al Thani, fou de sport, aurait à l'époque vu dans la conquête de ce statut un moyen d'assurer la stabilité de son pays. Depuis, la famille régnante a érigé le sport, au côté de l'éducation, en pilier du développement d'un Etat libéré de la tutelle britannique dans les années 70 seulement, au point qu'aujourd'hui le budget qatari des sports est équivalent à la moitié de celui d'une France 50 fois plus peuplée.

Donner un sens au mot "héritage"

C'est après 2006 que le Qatar a véritablement osé. Cette année-là, Doha accueille sa première compétition multi-sports, les Jeux Asiatiques. Un événement qui rassemble presque autant d'athlètes que les Jeux olympiques et réclame une logistique similaire.

Les Qataris décident alors de ne pas faire qu'un "coup", et de donner tout son sens au mot "héritage", si important aux yeux des décideurs du mouvement sportif. Un véritable parc olympique est créé à Doha, l'Aspire Zone, qui abrite un centre de formation et une clinique du sport à faire pâlir d'envie les pays occidentaux.

L'héritage est également immatériel avec une expérience qui se forge, un savoir-faire qui s'acquiert, des médias qui se rodent: Al-Jazira Sport naît en 2003 et compte aujourd'hui 20 chaînes, 40 millions de téléspectateurs et les droits d'événements majeurs.

"Tout est possible" comme leitmotiv

Le Qatar, sous l'impulsion de Cheikh Tamim Al Thani, prince héritier, devient alors candidat à un maximum de compétitions en s'appuyant sur des moyens financiers faramineux que n'ont plus depuis longtemps les pays occidentaux.

Sans complexe, le petit pays qui accueillait chaque année un meeting d'athlétisme (plus les Mondiaux 2010 d'athlétisme en salle) et un tournoi de tennis tape à la porte de la FIFA et du CIO pour obtenir les deux événements majeurs de la planète sport.

Le CIO, encore rétif, lui a refusé les JO 2016, comme l'IAAF vient de préférer Londres à Doha pour les Mondiaux d'athlétisme 2017, mais le Qatar persiste. "Tout est possible" devient le mot d'ordre local.

"Ils agacent en étant candidats à beaucoup de choses dans un temps rapproché, mais qui, aujourd'hui, est capable de signer le chèque de garantie à la FIFA pour l'obtention d'une Coupe du monde dans 10 ans?", interroge le même expert, sous couvert d'anonymat. "Le Qatar, répond-il, et la Russie", désignée pour 2018.

La Ligue 1 et le PSG revivent

De là à soupçonner le pays d'acheter son droit à organiser, comme l'ont clairement laissé entendre les dirigeants du handball français en "perdant" l'organisation du Mondial 2015 au profit du Qatar...

L'argent du pétrole et du gaz n'a pas que des détracteurs. En France, le Paris Saint-Germain, mal en point, la Ligue 1 de football, qui trouvait difficilement preneur à son prix de réserve, se sont oxygénés grâce à lui avec une simultanéité qui ne peut être fortuite.

Aujourd'hui, des dirigeants font le siège du Comité olympique à Doha pour vendre des événements ou réclamer un parrainage. Pour des clubs, des fédérations, des sportifs, des ligues, voire des pays en crise, le Qatar est un recours inespéré. Les Qataris attendent seulement la monnaie de leur pièce.

afp/adav

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