Durant la saison, sur laquelle se baisse le rideau, l'international suisse s'est imposé comme un titulaire indiscutable. Les Bretons ont découvert un guerrier au coeur de "breizh". Et ils l'ont adopté. De quoi ouvrir de belles perspectives pour le natif de Praia au Cap-Vert au Stade Rennais, le neuvième club de sa carrière.
"Jouer à mon poste et prendre du plaisir"
RTSsport.ch: Comment s'est passée votre arrivée au Stade rennais?
GELSON FERNANDES: Le coach (ndlr: Philippe Montanier) cherchait un joueur dans ma position de prédilection, devant la défense, et il me connaissait déjà car il était à Valenciennes quand j'évoluais à St-Etienne (2009/10). On avait également failli travailler lorsqu'il entraînait la Real Sociedad (2011/13). Il voulait me recruter. Je me plaisais bien en Bundesliga avec Freiburg (2013/14), mais je ne jouais pas forcément à ma position favorite. Et je me suis dit qu'il était véritablement temps pour moi à 27 ans de jouer à mon poste et de prendre du plaisir.
RTSsport.ch: Freiburg avait connu une saison difficile...
GELSON FERNANDES: Oui, il a fallu se battre contre la relégation, mais ce n'était pas le problème. Mon objectif était de m'éclater sur le terrain à la position où je suis le plus performant. Je ne jouais pas souvent à mon poste. Je jouais sur un côté, même latéral ou souvent en relayeur alors que je suis plus un récupérateur.
RTSsport.ch: Vous êtes donc parti en Bretagne. Vous vous y plaisez?
GELSON FERNANDES: Oui, au niveau de la langue déjà, c'est plus facile. Ce n'est pas ma langue maternelle, mais celle que je maîtrise le mieux. Les joueurs, l'ensemble du club m'ont bien accueilli. Ils ont pris soin de moi avec de l'amour, du temps, de l'attention. Ils ont vraiment fait le maximum pour que je me sente bien.
"Fier d'avoir fait ce choix"
RTSsport.ch: Vous évoquiez la langue. Vous en parlez beaucoup (français, portugais, anglais, allemand, italien, espagnol et chinois). Vous vous êtes mis au breton?
GELSON FERNANDES: Oui. Kenavo (salut). Non, plus sérieusement, les gens me parlent en breton parfois et essaient de me donner quelques mots. Le breton est passablement ancré. C'est une région qui a une identité forte.
RTSsport.ch: Cette forte identité parle forcément à une personne qui a grandi en Valais, non?
GELSON FERNANDES: Oui. C'est vrai que ce sont deux régions un peu plus reculées avec une forte identité. Et, encore une fois, l'accueil a été merveilleux. Je suis heureux et fier d'avoir fait ce choix et d'être ici.
RTSsport.ch: Cela fait bientôt une année que vous êtes à Rennes, quel bilan vous tirez de cette saison?
GELSON FERNANDES: En dent de scie. Nous n'avons pas très bien commencé, puis nous avons eu une très forte période jusqu'à début décembre. Après, cela a été compliqué sur deux mois. Et nous sommes retombés dans le ventre mou. Nous avons eu ensuite à nouveau une bonne phase. Nous sommes entre le 7e et le 10e rang, c'est notre place par rapport à l'effectif. Le jeu produit est bon, mais il aurait fallu être plus tranchant en phase offensive pour viser plus haut, c'est à dire l'Europe.
RTSsport.ch: Et d'un point de vue personnel?
GELSON FERNANDES: J'ai été titulaire à chaque fois que j'étais disponible, j'ai joué plus de trente matches. C'est une fierté, un plaisir, mais aussi beaucoup de travail tout au long de la saison. Je dois dire qu'avec le recul, Rennes était vraiment le bon choix.
"J'espère rester le plus longtemps possible"
RTSsport.ch: Vous semblez épanoui ici. Vous avez connu auparavant beaucoup de clubs. Ce n'est pas difficile à vivre ces changements réguliers d'équipe?
GELSON FERNANDES: J'ai toujours mis le football, le jeu au centre de mes priorités. Pour moi, rester une année et demie, deux ans dans un club sans jouer ce n'est pas envisageable. Quelle que soit la raison pour laquelle on décide que je ne serai pas titulaire ou que ce sera compliqué, je privilégie le jeu. Et quand un club comme Rennes, qui joue le milieu, voire le haut du tableau, te propose une place de leader, tu te dois de réfléchir. J'ai signé quatre ans, j'en suis heureux et j'espère rester ici le plus longtemps possible.
RTSsport.ch: Ces changements ne sont-ils pas lassants pour vous?
GELSON FERNANDES: C'est le destin, ce qui fait que je me trouve aujourd'hui dans un club qui me convient bien, avec des conditions de travail optimales, dans une région que j'apprécie beaucoup. C'est ce que je recherchais.
RTSsport.ch: En tant que Suisse à Rennes, vous devez parfois entendre parler d'Alex Frei (de 2003 à 2006 au Stade Rennais: 51 buts en 117 matches)...
GELSON FERNANDES: Ah oui (sourire). Alex a marqué l'histoire ici. Il a été un grand attaquant de ce club. Par son caractère, son envie et sa grinta, il a donné du plaisir aux supporters. Il est très apprécié ici. Tout le monde espère qu'il revienne très vite pour faire un coup d'envoi ou quelque chose comme cela.
"Tout ce que je fais, je le fais pour mes proches"
RTSsport.ch: Les joueurs de Rennes ont reçu une prime cette saison (36'000 euros chacun) de la direction pour avoir été la meilleure équipe bretonne de Ligue 1. Ils ont décidé de partager cette prime avec tous les employés du club...
GELSON FERNANDES: Il y a une centaine de salariés sans compter les joueurs. Cent personnes qui se dédient au club, se lèvent le matin pour le faire avancer. Je pense que l'équipe a très bien réagi car ces gens font partie de l'aventure. C'est important qu'ils sachent que nous sommes conscients de ce qu'ils font et donc de partager avec eux. Cela met un peu de beurre dans les épinards. C'est très bien ainsi.
RTSsport.ch: Puisqu'il est question d'argent, vous gagnez très certainement bien votre vie (il acquiesce). Quel est votre rapport à l'argent? Vous êtes plutôt flambeur?
GELSON FERNANDES: J'ai une belle voiture. Mais je l'ai achetée par revanche sur mon passé, car je ne suis pas issu d'une classe sociale très élevée. Mes parents ont beaucoup travaillé pour me donner les meilleures bases possibles dans la vie et la Suisse m'a permis de percer, de pouvoir prendre soin de ma famille. Je la remercie, ainsi que le foot et tous les clubs, dont bien sûr le Stade rennais. Oui, j'ai flambé plus jeune, j'ai gagné très vite beaucoup d'argent. Mais avec l'âge, je me suis rendu compte des priorités.
RTSsport.ch: La notion de famille est essentielle à vos yeux, non?
GELSON FERNANDES: C'est le plus important, c'est mon leitmotiv. Tout ce que je fais, je le fais pour mes proches, pour leur avenir, pour que s'il m'arrive quoique ce soit, ils soient à l'abri du besoin. L'argent n'est pas tout, mais dans ce monde de consommation, tu ne peux pas forcément aller manger si tu n'as rien dans la poche. Avoir la chance de faire un métier qui te passionne, de pouvoir partager, c'est une richesse extraordinaire.
Propos recueillis à Rennes par Ludovic Perruchoud
"Si un jeune vient me voir, je l'aide avec plaisir"
RTSsport.ch: Vous évoquiez auparavant ce qu'il manquait à Rennes pour viser plus haut. Le club possède un des meilleurs centres de formation de France. Suivre l'exemple de l'Olympique lyonnais qui mise beaucoup sur ses jeunes serait aussi une solution?
GELSON FERNANDES: Oui, après cela dépend aussi des générations. Mais là, nous avons de jeunes joueurs qui poussent, tapent à la porte et qui feront, je l'espère, briller le club.
RTSsport.ch: Les cadres de l'équipe ont-ils un rôle précis à jouer dans la formation?
GELSON FERNANDES: Lorsque les jeunes intègrent la première équipe, c'est à nous de faire en sorte qu'ils soient heureux d'être là, de leur inculquer une culture du travail, que les résultats arrivent d'un investissement quotidien sur et en-dehors du terrain. Je parle aux responsables de la formation pour lesquels j'ai beaucoup d'amitié, aux dirigeants parfois aussi. Si un jeune vient me voir, je l'aide avec plaisir. Vous savez, si un jeune de top niveau arrive en première équipe, te prend la place et explose... tant mieux. Le club sera valorisé.
RTSsport.ch: Vous semblez très investi, impliqué dans le club...
GELSON FERNANDES: L'implication tu peux vraiment l'avoir quand tu maîtrises parfaitement la langue et ses subtilités. Je n'ai jamais eu l'occasion de marquer un club de mon empreinte. Ce n'est pas faute de volonté. C'est le football, le marché qui veut cela. Quand tu es prêté par exemple, tu n'appartiens pas au club, c'est toujours compliqué. Mais là je me suis engagé pour quatre ans. Vous savez, j'ai vu beaucoup d'équipes, de structures, d'encadrements durant ma carrière et Rennes a tout pour réussir.
Parcours de Gelson Fernandes
Né le 2 septembre 1986 à Praia (Cap-Vert)
Professionnel depuis 2004
Milieu récupérateur
2004-2007: FC Sion (72 matches, 4 buts)
2007-2009: Manchester City (59/4)
2009-2012: AS Saint-Etienne (38/0)
2010-2011: Chievo Vérone (prêt de l'AS Saint-Etienne, 29/2)
2011: Leicester City (prêt de l'AS Saint-Etienne, 18/1)
2012: Udinese (prêt de l'AS Saint-Etienne, 17/1)
2012-2013: Sporting Portugal (12/0)
2013: FC Sion (prêt du Sporting Portugal, 12/0)
2013-2014: SC Freiburg (38/1)
2014-...: Stade rennais (36/0)
9 sélections avec la Suisse M21 (0 but), 51 avec la Suisse (2 buts).
Palmarès: Coupe de Suisse 2006 avec le FC Sion