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Une dernière sous forme d'apothéose pour le tandem von Burg-Comisetti

Philippe von Burg et Alexandre Comisetti ont vécu une belle "dernière" soirée à Lucerne. [RTS - Laurent Bleuze]
Philippe von Burg et Alexandre Comisetti ont vécu une belle "dernière" soirée à Lucerne. - [RTS - Laurent Bleuze]
Dimanche soir, dans l'euphorie qui avait envahie le stade de Lucerne après l'incroyable victoire 5-2 de la Suisse contre la Belgique, une page s'est tournée. Le duo Philippe von Burg et Alexandre Comisetti a commenté son dernier match de la sélection nationale après douze ans. Une "der" sous forme d'apothéose.

RTSsport: Quel dernier match!

PHILIPPE VON BURG: C'est un cadeau incroyable de terminer sur un match pareil. L'affiche me plaisait déjà mais le scénario... Je ne sais pas qui l'a écrit, mais il a beaucoup d'imagination et il a donné énormément de plaisir aux fans. Depuis que je savais que ce serait ce match le dernier, je me réjouissais. J'aime bien l'équipe de Belgique et j'étais convaincu que ce serait une belle rencontre. Mais là... C'était au-delà de mes espérances. Je pense que le 0-2 a libéré quelque chose en eux. Un mal pour un bien. J'ai également été beaucoup touché par la performance de Seferovic. Au-delà de ses défauts, de ses ratés, j'ai apprécié sa participation et son travail. J'étais ému par l'ovation à laquelle il a eu droit. C'était un moment très fort qui coïncidait avec la fin des commentaires sur l'équipe de Suisse pour Alex et moi. Ca fait plaisir de finir sur ce triplé.

Le Suisse-Argentine de la Coupe du monde 2014 est sur mon 'podium personnel'

Philippe von Burg

RTSsport: Vous avez commenté l’équipe de Suisse durant 12 ans. La décision de tourner la page n’a-t-elle pas été trop difficile?

PHILIPPE VON BURG: Non. Je pense que c’est le bon moment. Pas que je n’aurais pas eu du plaisir à continuer, mais je crois que pour les téléspectateurs c’est aussi bien d'avoir des changements et des évolutions. D’autre part, mon travail de rédacteur en chef adjoint de RTSsport va beaucoup m’accaparer ces prochaines années, et l’équipe de Suisse, sur une qualification, c’est quand même 25 à 30 jours de travail par an. Mais comme il est aussi important de garder une présence sur le terrain, j’aurai le bonheur de continuer à assurer quelques commentaires, en Ligue des champions ou en championnat suisse.

RTSsport: Parmi les 132 matches de la sélection nationale que vous avez commentés avant ce festival de Lucerne, quels sont vos meilleurs souvenirs?

PHILIPPE VON BURG: Il y en a beaucoup. A commencer par le tout premier au Liechtenstein, en août 2008. Sinon, le Suisse-Argentine de la Coupe du monde 2014, à Sao Paulo, dans un cadre exceptionnel, contre une grande équipe, et avec une belle dramaturgie, est sur mon "podium personnel". J’y mets aussi le Suisse-Albanie à Lens pendant l’Euro 2016, surtout pour l’ambiance de fête mise par les supporters des deux camps et le Suisse-Slovénie, à Bâle en 2015, pour l’incroyable retournement de situation dans le dernier quart d’heure.

RTSsport: Les pires?

PHILIPPE VON BURG: En 2011, année vraiment pénible. D’abord au printemps avec deux misérables 0-0, à Malte en match amical puis en Bulgarie en qualifications et les dernières apparitions de Frei et Streller avant leur sortie ratée. Et puis en octobre de la même année, une défaite 2-0 au Pays de Galles qui sonnait le glas des espoirs de qualifications pour l’Euro 2012, le seul tournoi majeur auquel la Suisse n’a pas participé pendant mes douze années comme commentateur.

La chance d’avoir pu voyager avec elle et de découvrir le monde, les stades, les ambiances.

Philippe von Burg

RTSsport: Que retirez-vous de ces années dans le sillage de l’équipe helvétique?

PHILIPPE VON BURG: La chance d’avoir pu voyager avec elle et de découvrir le monde, les stades, les ambiances. L’évolution médiatique autour d’elle, hélas mal gérée par le staff et les dirigeants ces dernières années. J’ai aujourd’hui l’impression que moins il y a de monde autour, plus ils sont contents - je ne parle pas des joueurs -. C’est désolant. Je souhaite que le renouvellement annoncé à la fédération (ndlr: ASF), avec un changement de présidence au mois de mai, débouchera sur une révolution dans ce domaine.

RTSsport: Quel jugement portez-vous sur l’évolution de la Suisse durant ces années, notamment sur son jeu ?

PHILIPPE VON BURG: Elle a participé à trois phases finales de Coupe du monde successives, même quatre avec l’Allemagne en 2006 (c’était alors Pierre-Alain Dupuis aux commentaires), une série absolument remarquable et le fruit de la politique de formation mise en place dans les années 90. Mais j’ai peur que ce soit plus difficile dans dix ans, car les hommes "de terrain" ont perdu de l’influence ces dernières années au profit des bureaucrates.

Il manque juste un grand buteur pour passer un palier supplémentaire.

Philippe von Burg

Dans l’immédiat, pas d’inquiétude. Si on fait une "photo" de la situation aujourd’hui, nous avons des individualités exceptionnelles, avec des super gardiens, Shaqiri, Xhaka, Akanji… on ne s’en rend peut-être pas bien compte!

Pour conclure, il faut relever ce que Petkovic a apporté: cette volonté de l’équipe de jouer et d’imposer sa manière de le faire. Il y est parvenu car il dispose des joueurs pour, mais il fallait oser, tout de même, sortir du système historique du "petit résistant" pour endosser le rôle de "l’envahisseur", celui qui attaque le camp adverse et mène le jeu.

Lucerne, Ludovic Perruchoud

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Alexandre Comisetti: "Finir sur un tel match, c'est un réel plaisir"

RTSsport: Finir sur une telle note, c'est... incroyable?

ALEXANDRE COMISETTI: Incroyable, oui. On ne s'y attendait pas. On pouvait craindre le pire quand les Belges ont mis le deuxième et que les Suisses ont un peu pris l'eau au milieu du terrain. Il n'y avait plus trop de filtre. On a senti les joueurs bien déstabilisés. Mais la réaction a été extraordinaire. Au final, c'est une apothéose. Ils ont fait un gros gros match, avec des buts magnifiques, un peu de réussite. Tout était réuni pour que ce dernier match soit beau contre une équipe de Belgique qui fait partie des meilleures nations au monde, même si elle a étonnamment pris l'eau derrière. Finir sur un tel match, c'est un réel plaisir. C'est beau pour nous qu'elle réussisse un tel match à ce moment. On a vécu de grandes performances durant ces années et il manquait ce match référence contre une grosse nation. Et ce match, il est venu dimanche. Il y a eu quelque chose, un déclic. Le scénario très négatif semble les avoir complètement libérés. Ils ont joué totalement sans pression, ils ont eu ce petit supplément d'âme, ce petit plus qui désinhibe. Ils ont vraiment livré une performance incroyable à partir de la 20e minute. Cinq buts à la Belgique... C'est un truc de fou.

Alexandre Comisetti: "Un petit pincement"

RTSsport: Quel est votre sentiment au moment d'abandonner le commentaire de l'équipe de Suisse?

ALEXANDRE COMISETTI: J'ai des sentiments mitigés. Mais celui qui m'anime le plus, c'est peut-être la satisfaction. Je suis content de ces années. C'était très prenant. L'équipe de Suisse c'est quand même quelque chose de particulier pour tout le monde, qui nous habite et qui est ancré profondément dans nos coeurs. Avoir la chance de les suivre pendant ces années, la quitter au terme d'un match où elle se qualifie parmi les quatre premières équipes d'Europe. Il n'y a pas mieux. Oui, je suis content du déroulement général. Après, bien sûr, il y a un petit pincement. J'ai commencé avec ce qu'on appelait à l'époque l'équipe des écoliers, ce sont les moins de 15 ans ou moins de 16 ans. Des juniors aux moins de 21 ans, l'équipe A, le commentaire... Cela fait trente ans que la sélection fait partie de ma vie. La co-commenter pour la Romandie durant cette dernière période, c'est un honneur que je n'oublierai jamais.

Alexandre Comisetti: "On est passé par tous les états d'âme"

RTSsport: On imagine volontiers que ce dernier match gardera une place particulière dans votre esprit. Quels sont les autres matches qui vous ont marqué?

ALEXANDRE COMISETTI: Il y a beaucoup de matches qui m'ont marqué. Il y a eu aussi de grosses déceptions. Je pense à l'Euro 2008. C'était même au-delà de la déception, c'était de la tristesse. On sentait qu'ils étaient passés à côté (nldr: la Suisse éliminée après deux matches). Il y avait une grande part de poisse, avec des blessures, des matches à la tournure défavorable. Après une grosse préparation, tout s'est terminé en trois jours. Dur. Il y aussi toutes ces phases finales. On est passé par tous les états d'âme. Il y a beaucoup d'images que je vais retenir. Le déplacement à Saint-Etienne pour le huitième de l'Euro 2016 contre la Pologne. Je me souviens, j'étais avec Antonio Esposito (consultant pour RSI) et Raphaël Wicky (alors consultant pour SRF). On représentait les trois langues. On s'était donné rendez-vous pour y aller en voiture ensemble. On s'est arrêté plusieurs fois en chemin, on rencontrait des Suisses de toutes les régions qui reconnaissaient l'un ou l'autre parmi nous. Il y avait un véritable convoi de supporters. Ce sont des sentiments très particuliers. De manière générale, c'est difficile de sortir un match, ce sont plus des images comme cela, des moments incroyables que l'équipe de Suisse a offert à tout le monde. On a été très gâté. Il faut aussi valoriser ce à quoi on a droit.