Exploit sans lendemain ou amorce d'une grande carrière internationale en club et en sélection? Le titre des M17 suisses à la Coupe du monde au Nigeria peut mener à tout ou à rien, selon les cas et la maturité des intéressés. Pour percer, les joueurs devront garder la tête froide et obtenir la confiance des clubs suisses.
«Ce qui importe, c'est de conserver le plaisir de jouer et d'avoir le football en tête (sous-entendu: pas l'argent). Et de continuer à travailler», relève Max Urscheler, un des principaux agents du football, qui a sous contrat avec sa société Goldkick à Sion quatre des héros M17 helvétiques: l'attaquant Haris Seferovic et les demis ou défenseurs Granit Xhaka, Charyl Chappuis et Kofi Nimeley.
Depuis cette Coupe du monde, la société d'Urscheler a reçu «des dizaines d'appels» de clubs ou autres intermédiaires. «Tous ne sont pas sérieux, mais il y a aussi eu des prises de contacts de la part de grands clubs, d'Espagne ou d'Italie par exemple», précise Michel Urscheler, fils de Max. «Croyez-moi, un Alex Ferguson ou un Arsène Wenger (les entraîneurs de Manchester United et Arsenal) n'ont pas manqué une miette de la finale.»
Appel aux clubs suisses
Il y aurait de quoi faire tourner la tête aux jeunes joueurs concernés, qui évoluent pour la plupart avec la relève au pays, dans l'antichambre des premières équipes à Bâle, Zurich ou Grasshoppers. Mais gare à la précipitation: «Sur tous les Suisses évoluant actuellement avec l'élite à l'étranger, un seul y est arrivé sans avoir joué d'abord en Super League: Johan Djourou (Arsenal)», rappelle Michel Urscheler. Ceux qui ont voulu brûler les étapes se mordent parfois les doigts aujourd'hui. Un Jonas Elmer végète à Aarau, Davide Chiumiento est à Lucerne après avoir, très jeune, fait une apparition en Ligue des Champions avec la Juventus, Fabrizio Zambrella est revenu à Sion...
«Le but est de construire une carrière qui tienne. Pas de commencer à 18 ans à l'étranger et de revenir à 24 ans en Suisse, mais l'inverse», souligne Michel Urscheler. Si la formation est exemplaire en Suisse, les clubs helvétiques rechignent parfois ensuite à «se mouiller».
Sur la vingtaine de M17 au Nigeria, seul Nassim Ben Khalifa joue régulièrement en Super League, avec Grasshopper. Il en est à 10 apparitions pour deux buts cette saison. Son complice de l'attaque, Haris Seferovic, n'a fait qu'une courte apparition. Meilleur buteur de cette Coupe du monde avec 5 buts, à égalité avec l'Espagnol Borja (couronné pour un assist en plus), Seferovic se trouve logiquement sous les feux de la rampe. Une telle réussite peut en effet être un formidable tremplin: Fernando Torres et Cesc Fabregas, les stars espagnoles de Liverpool et Arsenal, ont tous deux commencé par être rois des buteurs dans les compétitions de jeunes M16 ou M17, Euro ou Coupe du monde.
Ben Khalifa: "je suis bien à Zurich"
Seferovic est lié jusqu'en juin 2011 avec GC. La fragilité financière du club zurichois, dont la survie ne tient qu'à un fil, le rend évidemment vulnérable aux offres alléchantes. Sans vouloir chiffrer spécifiquement la valeur marchande de Seferovic, Michel Urscheler observe que «pour un club comme l'Inter ou Barcelone, investir 3 ou 4 millions ne représente pas grand chose, sachant qu'ils pourront peut-être en retirer 20 quatre ans plus tard. Mais s'ils offrent un million, le club propriétaire du joueur (Grasshopper) pourra dire: "on le garde"»!
Interrogé sur la question, le très convoité Ben Khalifa a pour l'instant encore la tête au Nigeria: «Je ne suis pas du tout au courant de tout ce qui se passe. Actuellement, je me sens bien à Zurich, mais si quelqu'un propose quelque chose d'intéressant, on va voir, cela pourrait ne pas se présenter deux fois. Quant à la Tunisie (ndlr: le pays de ses parents), elle ne m'a pas approché.»
si/tai
Ben Khalifa: "peur de personne"
«On n'a peur de personne»: d'une phrase, l'attaquant Nassim Ben Khalifa résume la mentalité des M17 suisses, qui les a menés jusqu'au titre mondial dimanche au Nigeria. «Nous sommes une nouvelle génération, nous avons montré n'avoir rien à envier aux autres nations.» Le Vaudois des Grasshoppers (10 apparitions et 2 buts cette saison en Super League) sait déjà que cette aventure nigériane «va le marquer pour la vie.» Il compte y puiser une motivation pour continuer à bien jouer.
A titre personnel, son but est de décrocher une place de titulaire à part entière à GC. Puis il verra, en fonction des offres qui lui seront faites. L'attaquant confirme à demi-mots que son entente, sur un plan personnel, n'est pas toujours des plus chaleureuses avec son collègue de GC et des M17 Haris Seferovic. Mais la Coupe du monde au Nigeria les a un peu rapprochés. Ils ont compris qu'ils étaient complémentaires, que chacun pouvait profiter de l'autre, et l'équipe aussi. «Haris a un grand gabarit, il met de bons ballons en profondeur. Et moi, je fais valoir ma technique, je suis à l'aise dans de petits espaces», dit-il au téléphone depuis Abuja. Reste à savoir si le duo pourra continuer à évoluer ensemble.
La fête jusqu'à l'aube
Les jeunes Suisses champions du monde M17 ont fait la fête jusqu'aux petites heures lundi matin à Abuja, au milieu des décibels, des chants et des cris de joie. Ils ont eu droit notamment à la visite et aux félicitations de Gigi Oeri, mécène et présidente du FC Bâle, et Joseph Blatter, président de la FIFA.
Les pontes du football, suisse ou international, ont profité de l'ambiance pour se lâcher: «C'est tout simplement génial. Beau et incroyable», s'est exclamé le président de l'ASF Peter Gilliéron, les yeux humides. Tenu à l'impartialité par sa fonction, Joseph Blatter, devant les «Rougets», s'est aussi un peu laissé aller: «Aujourd'hui, je suis particulièrement fier d'être Suisse», a-t-il dit. Taquins, les joueurs M17 y sont allés de leurs frasques, à l'image du défenseur bâlois Janick Kamber qui s'est lancé dans une imitation fort appréciée de Franz Beckenbauer.
Les rares voix discordantes, venant évidemment d'autres camps, sont passées inaperçues. Comme celle de l'ancien international allemand Matthias Sammer, directeur sportif de la Fédération allemande (DFB), très sceptique: «Ce tournoi n'avait pas de grande valeur sportive», estime-t-il. Selon Sammer, de nombreux joueurs n'ont pas pu être au top en raison des vaccins (malaria...) qui leur ont été administrés...