Quelque 200 à 300 supporters sont allés accueillir à l'aéroport
de Zurich-Kloten la sélection suisse M17 au retour de son périple
victorieux à la Coupe du monde au Nigeria. Malgré la fatigue du
voyage et une nuit sans sommeil, les joueurs ont encore laissé
apparaître leur bonheur.
«Je suis content que tout le groupe revienne en bonne santé,
car ce n'était pas facile là-bas», a relevé au micro, parmi
drapeaux et flonflons, le sélectionneur national Dany Ryser.
«Ce que nous avons vécu restera gravé en nous à vie. Et c'est
historique.»
Veseli et Ben Khalifa facétieux
Tenant la coupe dans ses mains, le capitaine Frédéric Veseli,
Vaudois qui joue à Manchester City, a dit qu'elle était «un peu
lourde». Facétieux également, l'attaquant Nassim Ben Khalifa,
désigné deuxième meilleur joueur du tournoi derrière le Nigérian
Emmanuel, a relevé qu'il «aurait bien voulu devenir meilleur
joueur» et qu'il savait dès le début que ce titre était
accessible.
Championne du monde avec également dans ses rangs le deuxième
meilleur buteur (Seferovic), la sélection suisse a tout de même
remporté un trophée individuel, celui de meilleur gardien. Benjamin
Siegrist n'a d'ailleurs pas manqué d'exhiber son «gant d'or» géant
reçu à cet effet. La coupe est pleine!
Faire fructifier l'exploit
Des étoiles encore plein les yeux, les
jeunes Suisses champions du monde M17 s'apprêtent à négocier ces
prochains mois peut-être la phase la plus délicate de leur cursus.
Si trois ou quatre peuvent espérer réaliser une grande carrière, il
est à craindre que la moitié d'entre eux ne s'imposera pas chez les
professionnels.
A Zurich-Kloten, à la descente de l'avion qui ramenait les M17 du
Nigeria, l'encadrement de la sélection n'a pas manqué de rappeler
le véritable enjeu désormais: faire fructifier l'exploit, sans quoi
"ce joli titre aura été inutile", comme l'a dit le
directeur technique Hansruedi Hasler, l'architecte des nouvelles
structures de formation à l'ASF.
D'expérience (il prendra sa retraite à la fin de l'année), M.
Hasler sait qu'il faut garder les pieds sur terre: "Ce titre
sera vraiment valable si trois ou quatre joueurs de la sélection
deviennent titulaires en équipe A ces prochaines années",
juge-t-il. Plus généralement, pour atteindre pleinement l'objectif,
il faudrait qu'une douzaine des 21 sélectionnés M17 parviennent un
jour à vivre du football pendant quelques années au moins, précise
le technicien. Ce qui, statistiquement, est loin d'être
garanti.
Savoir résister
"Les prochains mois seront très importants", prévient
M. Hasler. Pour percer vraiment, les joueurs devront continuer
à se perfectionner, choisir le bon club et résister aux
frustrations, énumère-t-il. "Il leur faudra opter pour un
club ayant une philosophie favorable à l'intégration des jeunes en
première équipe. Pas comme le FC Sion par exemple. A l'étranger,
nous disons oui à un transfert à Arsenal, mais pas à Manchester
City ou Naples, qui n'offrent pas de perspectives à ce
niveau."
Le degré de maturité des joueurs sera décisif aussi pour
déterminer qui réussira ou non: "Il faudra savoir résister en
cas de blessure ou de non-titularisation. Nous verrons alors qui a
le potentiel humain pour être champion", souligne le
technicien. "Les clubs doivent aussi comprendre l'importance de
la formation individuelle. Que chacun puisse développer ses
qualitiés propres, sans la pression constante du résultat tous les
week-ends. Car à 17 ans, on n'a pas fini sa formation."
Castella: "Le plus dur commence"
Présent au Nigeria comme observateur
des adversaires de la Suisse, le sélectionneur des M20 Gérard
Castella est plus lapidaire: "Le plus dur commence pour ces
jeunes."
Il est frappant de constater qu'aucun des titulaires de la
sélection n'évolue dans un club romand. Les Vaudois de l'équipe,
Frédéric Veseli et Nassim Ben Khalifa, ont été formés à Lausanne
avant d'émigrer à Manchester City et aux Grasshoppers.
"Les clubs romands n'ont pas les moyens de régater
financièrement avec les autres, sachant qu'il y a déjà de belles
sommes d'argent en jeu à cet âge", commente Gérard Castella.
"Ils ne peuvent pas non plus offrir des plans de carrière
intéressants." Le Genevois précise par exemple que quatre ou
cinq jeunes d'une quinzaine d'années ont quitté Servette cet été,
pour Lyon ou St-Etienne notamment.
Au-delà de la formation, il faudrait aussi que les clubs romands
redeviennent "des locomotives" qui fassent rêver, observe
Hansruedi Hasler. Neuchâtel Xamax, qui a intégré trois jeunes de
son cru en première équipe (Gomes, Faivre et Wüthrich) peut y
parvenir, mais la route est longue.
si/tai
Le joyeux mélange des langues
Dialecte alémanique, français, serbo-croate, italien, anglais, de nombreuses langues se mêlent aux entraînements des M17 suisses, sans que cela ne trouble l'harmonie. Au contraire, l'équipe est un modèle de solidarité et d'intégration, soulignent ses responsables.
"Les Suisses alémaniques sont un peu fainéants pour parler le français, ils nous chambrent parfois, mais il y a un bon état d'esprit", relève le Sédunois Maik Nakic, un des rares Romands de ces M17. "L'esprit d'équipe est vraiment notre point fort, nous rigolons beaucoup."
Nakic s'exprime parfois en serbo-croate avec ses coéquipiers ayant des origines balkaniques, lorsque cela est plus aisé que l'allemand. "D'autres fois, nous utilisons aussi l'anglais, l'italien", complète le Zurichois Olivier Buff. "En dernier recours, nous parlons avec nos pieds et nos mains."
"Cette équipe est un modèle d'intégration, c'est extraordinaire", s'enflamme le directeur technique Hansruedi Hasler. "A table, pour les repas, il y a trois tables de sept. Elles sont mixtes, leur composition ne tient pas compte de la langue." Quant au sélectionneur Dany Ryser, il utilise l'allemand et le français.
"Pendant ce séjour au Nigeria, la mentalité des joueurs m'a impressionné. Le staff n'a jamais dû intervenir ou jouer les médiateurs, l'équipe a tout géré elle-même", s'est étonné le Soleurois.