Johan Djourou est là et bien là. Le Genevois de 24 ans est en train de le prouver depuis le début de l'année. Sous le maillot d'Arsenal, le défenseur central a joué l'intégralité des huit rencontres que les Gunners avaient au programme du 1er au 25 janvier!
"Après une année de galère suite à ma blessure au genou gauche, opéré en septembre 2009 par le docteur Ménétrey, tout est rentré dans l'ordre. J'enchaîne les matches. L'équipe tourne bien. Nous sommes 2e au championnat. Il y a plein de choses positives. Je suis à 100% désormais. Maintenant, je continue à travailler pour devenir meilleur".
Tout va donc bien pour Djourou, qui a disputé mardi dernier son... 100e match officiel avec Arsenal. "Mon passé est pas mal mais je peux faire mieux!".
Toujours fier de porter le maillot de l'équipe de Suisse
tsrsport.ch:
Depuis le 1er janvier, vous avez joué 8 matches complets en 25 jours!
JOHAN DJOUROU: Le fait d'être autant aligné m'aide à retrouver le niveau. Depuis ma convocation en équipe de Suisse, en novembre dernier, contre l'Ukraine, les événements se déroulent magnifiquement bien pour moi.
tsrsport.ch: Maintenant que vous êtes en pleine possession de vos moyens, l’équipe de Suisse redevient-il un sujet d'actualité pour vous?
JOHAN DJOUROU: J’ai pu montrer ces dernières semaines avec Arsenal ce dont j'étais capable. On verra si je suis retenu pour le match amical contre Malte le 9 février. Quoiqu’il en soit je suis toujours fier de porter le maillot de l’équipe de Suisse.
tsrsport.ch: Vous avez disputé votre 100e match sous le maillot d'Arsenal, mardi contre Ipswich. Un moment particulier?
JOHAN DJOUROU:
Je ne pouvais rêver mieux car il y a eu en plus au bout la qualification pour la finale de la Coupe de la Ligue. Cent apparitions, c'est pas mal, mais mon but est de jouer beaucoup plus de matches pour Arsenal.
tsrsport.ch: Existe-t-il une hiérarchie dans la défense centrale d’Arsenal?
JOHAN DJOUROU: Je ne pense pas. Il y a tellement de matches qu’il est impossible de tous les disputer. Nous avons besoin de tous les joueurs dans le contingent pour arriver à nos fins.
Les absences pour blessure de quelques joueurs évoluant dans l’axe de la défense (ndlr: Vermaelen et Squillaci) ont fait que j’ai peut-être joué un peu plus que prévu.
tsrsport.ch: Si l'on jette un oeil à vos statistiques, il y a une "lacune"...
JOHAN DJOUROU: Ah oui, laquelle?
tsrsport.ch: Vous n'avez toujours pas marqué avec les "Gunners" en match officiel...
JOHAN DJOUROU: (rires) Je sais... J'espère que ça viendra bientôt. En montant sur les corners, je devrais marquer plus. Je dois encore beaucoup travailler ce registre.
"J'ai dû apprendre à me montrer patient"
tsrsport.ch: Cent apparitions sous le même maillot depuis 2004. En fin de compte, cela ne représente qu'une moyenne de 15 rencontres par saison.
JOHAN DJOUROU:
On est d'accord, ce n'est pas beaucoup. Le hic, c'est que j'ai eu des blessures qui m'ont freiné. Sans ces pépins de santé, je pense que j'aurais franchi cette barre des 100 matches depuis bien longtemps. La saison passée, je n'ai pas disputé la moindre rencontre.
tsrsport.ch: Durant cette longue absence pour blessure (ndlr: trou dans le cartilage du genou gauche qui a nécessité une opération), le doute a-t-il occupé une grande place dans votre esprit?
JOHAN DJOUROU: Pas tant que ça, finalement. J'ai surtout dû apprendre à me montrer patient. C'était difficile de voir ses coéquipiers jouer, s'entraîner et moi d'être à l'écart. Je ne parlerais pas de doute mais plutôt d'envie de recouvrer l'intégralité de mes moyens et de revenir meilleur qu'avant. J'ai toujours eu confiance en moi.
Le sportif est reconnu par rapport à ses performances sur le terrain. Donc dès qu’il ne joue pas beaucoup, c’est clair qu’il est un peu mis à l’écart. Tout peut aller très vite dans le milieu du football. Cela fait partie du job. L’essentiel est de montrer une fois de retour que l’on n’a pas perdu ses qualités ni ses envies.
tsrsport.ch: Quels enseignements avez-vous tiré de cette mise à l'écart forcée?
JOHAN DJOUROU: Mentalement, cette période sur le flanc m'a fait grandir. On prend encore plus conscience dans ces moments-là que le métier de footballeur professionnel est vraiment incroyable. J'ai beaucoup de chance d'être là où je suis aujourd'hui.
"Pourquoi ne pas faire une carrière entière à Arsenal?"
tsrsport.ch: Vous avez rejoint Arsenal en août 2003, en provenance d'Etoile-Carouge. Dans le contingent, vous êtes le joueur le plus ancien en terme de "fidélité".
JOHAN DJOUROU:
C'est vrai qu'avec Gaël Clichy et Cesc Fabregas on est là depuis un moment. Mon club, c'est Arsenal. C'est ce club qui m'a permis de devenir celui que je suis aujourd'hui. J’ai toujours eu une bonne relation avec le coach. Il a une énorme confiance en moi. Je me sens vraiment très bien à Arsenal.
tsrsport.ch: Vous faites donc partie de la catégorie des "clubistes", une espèce en voie de disparition.
JOHAN DJOUROU: Je ressens de l'amour pour ce club qui m'a donné ma chance. Je donnerais tout pour lui. Et dans l'idéal, pourquoi ne pas faire une carrière entière à Arsenal?
tsrsport.ch: Arsène Wenger est un personnage indissociable d'Arsenal. Quel type de personne est-il?
JOHAN DJOUROU: C'est LE gentleman du football. Il sait quoi et quand tirer le meilleur de ses joueurs. C'est un vrai passionné, un perfectionniste et donc un vrai bosseur. Il n'y a qu'à voir le nombre de jeunes qu'il a réussi à faire éclore pour s'en rendre compte. Malheureusement, on n'a pas gagné beaucoup de titres pour lui ces dernières années. J'espère que nous inverserons la tendance car il le mérite.
"Quand Monsieur Arsène Wenger te dit..."
tsrsport.ch: Sept ans que vous vivez à Londres. Aucun regret d'avoir quitté votre cocon familial à l'âge de 16 ans pour y rejoindre l’Academy football d’Arsenal?
JOHAN DJOUROU: Ce n'était pas évident de quitter ma famille et mes amis à un si jeune âge, mais j'avais toujours eu ce rêve d'enfant de devenir un joueur professionnel. Le risque de partir aussi tôt était là mais la philosophie du club avait séduit mon entourage et moi. Quand Monsieur Arsène Wenger te dit que tu peux devenir quelqu'un en Angleterre, tu n'hésites pas. Après 7 années, je ne regrette absolument rien.
tsrsport.ch: Vous évoluez dans un club qui présente un jeu attrayant. Réalisez-vous tout le chemin parcouru?
JOHAN DJOUROU:
Ce sont surtout mes amis qui me rappellent ce que j'ai accompli. Mon passé est pas mal mais je pense
que je peux faire mieux.Je regarde devant.
tsrsport.ch: Les matches en Angleterre ont la particularité d’être très riches en intensité et engagement. Qu’est-ce qui vous plaît autant dans la Premier League ?
JOHAN DJOUROU: Où que l’on joue, le stade est toujours plein. C’est incroyable la place qu’occupe le football en Angleterre. C’est vraiment une religion. Les joueurs jouent avec le cœur et donnent tout sur le terrain.
Ca va à 100 à l'heure. Moi qui suis un passionné, je ne pouvais pas mieux tomber en jouant en Premier League.
Amour pour le maillot et l’histoire du club
tsrsport.ch: Les supporters sont prêts à sacrifier une grande partie de leur budget pour avoir leur place à l’année au stade…
JOHAN DJOUROU: Les supporters ont un tel amour pour le maillot et l’histoire de leur club que les joueurs livrent un engagement total. Vous me direz que c’est normal pour un joueur pro de tout donner sur le terrain. Effectivement, mais peut-être qu’en Angleterre le respect des joueurs envers leurs supporters est plus grand.
tsrsport.ch: Comment fait-on pour garder les pieds sur terre quand on gagne autant?
JOHAN DJOUROU: J'ai la chance d'avoir un entourage qui m'a toujours rappelé d'où je venais. Ce n'est pas dans ma nature d'avoir la grosse tête parce que je gagne de l'argent ou que je suis footballeur professionnel.
Fondation Kémi Malaïka: donner une chance aux défavorisés
tsrsport.ch: Vous avez conscience d'être un privilégié. Est-ce la raison pour laquelle vous parrainez la fondation Kémi Malaïka au Sénégal avec votre coéquipier et ami Bakary Sagna?
JOHAN DJOUROU: C'est ma manière de rendre ce que j'ai reçu. L'Afrique a un énorme potentiel mais elle n'a pas toujours les moyens de l'exploiter. La fondation a pour but de promouvoir l'égalité d'accès à l'école, à la formation et aux soins pour tous. C'est très important de donner une chance aux enfants défavorisés.
tsrsport.ch: Donc, aucun lien avec le foot?
JOHAN DJOUROU: Créer une académie de football n'était pas notre but car très peu de joueurs, en fin de compte, parviennent à devenir professionnel. Notre fondation pense de manière plus globale.
tsrsport.ch: Vous êtes papa depuis octobre 2009. Votre vie a-t-elle changé?
JOHAN DJOUROU: Oui, même si le football reste une priorité importante. C'est magnifique d'être papa! Emilie et moi avons beaucoup de chance. Depuis l'arrivée de Lou, j'ai pris conscience que la vie est un peu différente. On apprend à relativiser un peu plus lorsque les choses ne vont pas comme on le veut.
propos recueillis par Miguel Bao
Des joueurs très doués n'ont pas réussi
tsrsport.ch: Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut devenir professionnel?
JOHAN DJOUROU: Je lui dirais de croire en ses qualités, d'avoir du plaisir. Et qu'il se dise qu'il est le meilleur.
tsrsport.ch: Ah bon?
JOHAN DJOUROU: S'il ne se met pas dans la tête qu'il a les qualités pour réussir, ce sera très difficile de convaincre les autres! Il faut avoir cette confiance en soi. Ensuite, il y a bien évidemment le travail, encore le travail et toujours le travail. Lors de mon passage à Etoile-Carouge, il y avait des joueurs très doués mais qui n'ont pas réussi. Cela démontre bien que le talent seul ne suffit pas. La clé? Il ne faut jamais se reposer sur ses acquis.
tsrsport.ch: Avez-vous consenti à beaucoup de sacrifices pour réaliser votre rêve?
JOHAN DJOUROU: Très jeune, j'ai eu ce but dans ma tête. Mais quand à 15 ans on a des amis qui veulent sortir, faire la fête... ce n'est pas toujours évident. Cela peu devenir une distraction. J'ai eu la chance, à l'âge de 13 ans, de partir au centre de formation à Payerne. Cela m'a vraiment permis de me concentrer sur mon école et mon football. J'ai été très bien encadré.
tsrsport.ch: Le 16 février vous affrontez Barcelone dans le cadre des huitièmes de finale de la Ligue des Champions!
JOHAN DJOUROU: La philosophie du FC Barcelone est un peu la même que la nôtre. C’est un jeu rapide au sol avec des joueurs de grandes qualités. J’espère que nous aurons appris de notre élimination de l’année dernière en quarts de finale (ndlr : 2-2 à Londres, défaite 4-1 au Camp Nou). Je m’attends à un tout autre match.
Progresser mentalement, dans la manière de bouger, de se placer...
tsrsport.ch: Vous avez côtoyé de grands joueurs depuis que vous évoluez à Arsenal...
JOHAN DJOUROU: Des joueurs tels que Thierry Henry ou Cesc Fabregas te font progresser mentalement, dans ta manière de bouger, de te placer sur le terrain… Et puis il y avait la figure Martin Keown, un défenseur central qui parlait énormément aux jeunes. Il m’a beaucoup aidé. J’ai aussi eu la chance de côtoyer lorsque j’étais dans l’équipe des jeunes à Arsenal l’ancien défenseur central Steve Boult, une légende du club. Toutes ces personnes et bien d’autres encore m’ont fait grandir.
tsrsport.ch: Au centre de formation à Payerne puis à Etoile Carouge, vous occupiez le poste de milieu de terrain. A Arsenal, vous avez reculé d’un rang pour vous retrouver défenseur central. Des regrets?
JOHAN DJOUROU: C’est vrai qu’avant je tenais le rôle de joueur devant la défense en tant que no4. Un peu comme un Makelele ou un Vieira. Au début à Arsenal, c’est là que j’évoluais d’ailleurs. Le fait qu’ensuite Arsenal joue à plat au milieu de terrain, sans un joueur devant la défense, a changé la donne. La place au milieu de terrain reste une option mais il était important d’apprendre le métier dans la défense centrale. C’est toujours plus facile d’aller de l’avant que de reculer.
tsrsport.ch: Vous avez effectué un bref passage à Birmingham, prêté en 2007/2008. Que vous a apporté cette parenthèse?
JOHAN DJOUROU: C’était intéressant de voir comment cela se passait dans un autre club et de pouvoir se situer par rapport à d’autres joueurs. J’ai acquis de l’expérience là-bas. Il n’y a aucune comparaison possible entre Birmingham et Arsenal. A mes yeux, Arsenal est le plus grand club.