La formation suisse en exemple. Analyse avec Yves Débonnaire

Les performances de l'équipe de Suisse à l'Euro M21 suscitent beaucoup d'intérêt et d'admiration. Il ne se passe plus un jour sans que l'on n'annonce les départs de Shaqiri, Xhaka et Cie dans des grands clubs européens.     

Au Danemark, des recruteurs de 75 équipes sont présents. GC, YB et... Winterthour sont les trois clubs helvétiques à avoir envoyé des émissaires.      

Depuis plusieurs années, la formation "made in Switzerland" rencontre un franc succès. Le titre mondial des M17 en 2009 en est un exemple illustre. Décryptage de cette structure avec Yves Débonnaire, responsable de la formation à l'Association suisse de football et actuel sélectionneur de la Suisse M17.

"Des talents vont éclore ces prochaines années"

tsrsport.ch:

La génération M21 actuelle est-elle la plus talentueuse de ces dernières années?

YVES DEBONNAIRE: C'est toujours difficile à dire. La formation helvétique sort actuellement de bons joueurs, c'est vrai. La différence, c'est que peut-être, des talents vont éclore ces prochaines années. Ca veut dire des joueurs capables de s'imposer dans des grands clubs européens! Le football, c'est un collectif avant tout. Mais il faut toujours quelque chose de plus, c'est le talent.

tsrsport.ch: Cette équipe M21 a des individualités capables de faire la différence.

YVES DEBONNAIRE: Exactement, comme l'avait la sélection M17 championne du monde en 2009. Elle possédait, avec Ben Khalifa et Seferovic, deux attaquants nominés parmi les trois meilleurs du tournoi. On avait jamais vu cela auparavant et on a bon espoir que cela se reproduise plus régulièrement.

tsrsport.ch: Justement, l'ASF a eu beaucoup de succès ces dernières années avec ses sélections juniors. Quelle est le secret de cette réussite?

YVES DEBONNAIRE: Le travail! Une structure a été mise en place en 1995, qui a porté ses fruits. On s'adapte également à l'évolution de notre sport. La qualité technique est devenue déterminante dans le football d'aujourd'hui. Mais il y a également toute la structure que les clubs et la Swiss Football League ont mis sur pied. Nous, à l'ASF, on est juste la finalité. On cherche les joueurs, on les détecte puis on les sélectionne. C'est vraiment un tout.

"Pas un système mais des principes"

tsrsport.ch: A une époque, on se plaignait de n'avoir pas d'attaquant. Aujourd'hui, il y a presque abondance de biens chez les M21 avec des Gavranovic, Mehmedi et Ben Khalifa...

YVES DEBONNAIRE:

C'est juste, à un moment donné, on a mis l'accent sur ce problème. D'anciens joueurs comme Stéphane Chapuisat ou Léonard Thurre travaillent avec les jeunes. Ils amènent leur expérience d'attaquant, leur ressenti et c'est indéniablement un plus par rapport aux paroles d'un entraîneur "normal".

tsrsport.ch: Le système de jeu est-il le même dans toutes les sélections de l'ASF?

YVES DEBONNAIRE: A l'époque, on avait la structure en 4-4-2 de Roy Hodgson. Actuellement, on ne met pas en place de système mais des principes. Ils sont axés sur une défense de zone agressive, avec un pressing plus haut et une recherche plus importante du duel. Puis il y a la qualité de déplacement que nous inspire Barcelone, qui est l'exemple à suivre. Mais on doit sans cesse évoluer et se remettre en question. Pour le joueur, l'important est de maîtriser ces principes et de s'adapter au système prôné, que ce soit un 4-1-4-1, un 4-2-3-1, un 4-4-2, etc.

"La formation ne doit pas se nourrir que du résultat"

tsrsport.ch:

Beaucoup de jeunes joueurs sont partis trop tôt à l'étranger et ont perdu pied. Est-ce un des soucis principaux de l'ASF actuellement?

YVES DEBONNAIRE: L'ASF essaie d'y répondre, effectivement. Il y a un groupe, intitulé planification de carrière, qui a été mis en place. On explique aux joueurs les avantages et inconvénients de partir trop tôt à l'étranger. Mais, pour ces jeunes, ce n'est pas facile de faire face à cet environnement. Certaines personnes, plus intéressées par l'aspect financier qu'une carrière sportive, leur font miroiter des choses exceptionnelles. Il est difficile de lutter là-contre.

tsrsport.ch: Un autre facteur compliqué à gérer pour l'ASF, ce sont les joueurs binationaux qui peuvent opter pour la sélection de leur pays d'origine. Est-ce que le sacre mondial des M17 a facilité vos démarches?

YVES DEBONNAIRE: Pas nécessairement. Le titre en lui-même a donné une vision exceptionnelle, c'est vrai. Mais ce qui compte vraiment, c'est le nombre de joueurs qui parviennent en équipe A et la force de celle-ci. Les titres chez les juniors n'ont de la valeur que si des joueurs parviennent ensuite en première équipe. La formation ne doit pas se nourrir que du résultat. Si on a le résultat mais aucun joueur qui s'impose au haut niveau, on a échoué!

Aalborg, Stéphane Altyzer