Nestor Clausen, ce champion du monde qui rêve de revenir en Suisse

Comment évoquer la rencontre amicale entre la Suisse et l'Argentine (mercredi à Berne) sans se souvenir de Nestor Clausen (49 ans), champion du monde 1986 avec "l'Albiceleste" aux côtés d'un certain Maradona, mais également ex-joueur et entraîneur du FC Sion et ancien coach de (feu) Neuchâtel Xamax.

Aujourd'hui revenu à Buenos Aires, l'ex-défenseur "gaucho" au passeport suisse - il est originaire d'Ernen/VS - est "en attente d'une opportunité", et de préférence en Suisse, son deuxième pays.

tsrsport.ch a pu s'entretenir pendant près de 50 minutes - via Skype - avec le sympathique et toujours rieur Argentin. Il évoque son parcours dans le Golfe, Maradona et, dans un deuxième volet à lire dès mardi, Messi et le football argentin.

"Le président, c'était un peu le Constantin de Dubai!"

tsrsport.ch: Nestor, vous avez quitté la Suisse en 2009, lorsque vous avez été écarté du banc de NE Xamax. Vous avez ensuite dirigé Al-Kuwait, Bolivar et The Strongest La Paz puis finalement Dubai à l'été 2011. Où en êtes-vous désormais?

NESTOR CLAUSEN: J'ai eu une mauvaise expérience à Dubai, où je n'ai même pas pu commencer le championnat. J'ai passé deux mois là-bas et je suis parti à 15 jours du coup d'envoi de la saison. Le président du Dubai Club voulait m'imposer la façon de diriger l'entraînement! C'est Umberto Barberis qui m'a succédé, mais il a été viré après quelques matches. Le président, c'était un peu le Constantin de Dubai (rires)!

Aujourd'hui, je suis à Buenos Aires et j'attends une nouvelle opportunité, et pourquoi pas en Suisse, où j'aimerais bien revenir. Sinon, je pourrais aussi retourner en Bolivie, où j'ai fini 2e avec Oriente Petrolero (2003), 2 fois champion avec The Strongest La Paz (2003 & 2004) et encore 2e avec Bolivar. Je pourrais donc entraîner à nouveau sans problème là-bas.

tsrsport.ch: Mais c'est surtout en Suisse que vous rêvez de revenir, surtout que vous avez le passeport à croix blanche...

NESTOR CLAUSEN: J'ai eu quelques offres de Challenge League en son temps, mais j'avais refusé. Aujourd'hui, si la possibilité se présente, je suis prêt. J'ai visité de nombreux pays, et c'est quand même en Suisse qu'il fait le mieux vivre. Et ça, pour moi, ça compte. J'ai toujours eu l'habitude de rentrer en Argentine après chaque travail, mais quand j'y repense, j'aurais mieux fait de rester en Suisse. Ici, en Argentine, c'est de la folie et même dangereux. Des gens sont tués tous les jours. J'ai vraiment de la peine à m'habituer à ce genre de vie...

tsrsport.ch: A Dubai, vous avez pu croiser Maradona, avec qui vous avez remporté la Coupe du monde en 1986?

NESTOR CLAUSEN: Non, malheureusement pas. Je suis parti 10 jours après son arrivée à Al Wasl Dubai.

"Je ne peux pas dire non plus si Guardiola est un bon entraîneur"

tsrsport.ch: Maradona entraîneur, cela a quand même toujours été difficile à imaginer. Quel est votre avis à ce sujet?

NESTOR CLAUSEN: Je suis aujourd'hui heureux pour lui car je pensais moi aussi que ce ne serait pas facile. Mais j'ai récemment lu une interview où il disait se plaire énormément à Dubai, qu'il avait trouvé un endroit formidable pour poser ses valises.

tsrsport.ch: Mais "El Pibe de Oro" est-il un bon entraîneur?

NESTOR CLAUSEN: Franchement, c'est difficile à dire. Je ne peux d'ailleurs pas dire non plus si Pep Guardiola est un bon entraîneur. Si on s'en tient aux résultats, il l'est certainement. Mais j'aimerais bien voir le travail de Guardiola ailleurs qu'à Barcelone... Pour en revenir à Maradona, c'est une motivation incroyable pour les joueurs que d'avoir un gars comme lui comme entraîneur. Et même en sélection. Les gars se battaient pour lui.

A mon avis, il n'était juste pas bien entouré en équipe nationale. Il a d'ailleurs reconnu qu'il s'était trompé dans le choix de son adjoint (Carlos Bilardo). Lui aurait voulu travailler avec Oscar Ruggeri (réd: coéquipier de Maradona à Boca Juniors et en sélection). Mais Julio Humberto Grondona, le président de la Fédération argentine, n'en a jamais voulu.

Parti à Dubai avec une valise, quatre au retour en Argentine!

tsrsport.ch: Vous avez oeuvré quelque temps dans le Golfe. Comment y est la vie, quel est l'état du football, etc.?

NESTOR CLAUSEN:

L'ambiance a toujours été fantastique avec les joueurs, qui n'avaient pas l'habitude de rigoler autant avec un entraîneur. Les footballeurs sont assez techniques là-bas, mais manquent un peu de physique. En même temps, à Dubai, tu t'entraînes alors qu'il fait 40-42 de grés, ce qui n'est pas facile. En plus tu dois jongler avec la prière, cinq fois par jour. Et, dernier point, les joueurs locaux ne sont pas professionnels. Seuls les joueurs étrangers le sont.

tsrsport.ch: Et au niveau de la vie de tous les jours? Est-ce facile d'y vivre?

NESTOR CLAUSEN: Oui, même si tu as un peu l'impression que tu ne vis pas dans la réalité. Il fait tellement chaud qu'il est impossible d'aller ailleurs que dans les immenses centres commerciaux climatisés de la ville. En plus, les prix sont très bas et il y a des soldes tous les jours. Donc tous les jours tu achètes des choses dont tu n'as pas forcément besoin mais qui sont bon marché. Je rentrais à chaque fois avec 2-3 sacs! C'est pour ça que je dis que tu ne vis pas dans la réalité. Comme tu n'as rien à faire, tu vas au "Shopping Center". Je suis parti à Dubai avec une valise, et j'en avais quatre à mon retour en Argentine. Et ça seulement après deux mois à Dubai (rires)!

tsrsport.ch: Aujourd'hui, 26 ans après votre titre mondial avec l'Argentine, êtes-vous encore reconnu dans la rue dans votre pays, en Argentine?

NESTOR CLAUSEN: Oui, et j'ai toujours autant de peine à le vivre. Je sors d'ailleurs toujours avec une casquette et des lunettes de soleil! Il y a peu, j'ai fait une partie de golf avec un gars et, à la fin de la partie, quand j'ai enlevé casquette et lunettes, il me dit: "C'est pas possible! J'ai joué au golf pendant 3h30 avec le meilleur arrière droit argentin de tous les temps, et je ne l'ai pas reconnu!".

Propos recueillis par Daniel Burkhalter

Deuxième volet (mardi): Nestor Clausen évoque Messi et le foot argentin en général