Vincent Villa: "l'équipe de Suisse ne dégage rien"

Le poussif succès 1-0 contre l'Albanie pour son entrée dans l'Euro n'a guère renforcé la crédibilité de la Suisse chez son hôte français. Du petit écran aux colonnes des quotidiens en passant par les réseaux sociaux, la performance peu convaincante de samedi a suscité nombre de commentaires sans concession.

Le souriant et très sympathique Vincent Villa, qui suit la sélection de Vladimir Petkovic pour le quotidien sportif L'Equipe, s'est confié à RTSsport.ch dans les travées du Parc des Princes, ce splendide écrin parisien où la Suisse affrontera la Roumanie mercredi à 18h00.

"Une équipe que j'ai du mal à cerner"

RTSsport.ch: Vous suivez la Suisse depuis le mois de mars et le match en Irlande (défaite 1-0). Vous vous êtes forcément forgé un avis sur l'équipe helvétique. Qu'en pensez-vous?

VINCENT VILLA: C'est une équipe que j'ai du mal à cerner. La première fois (ndlr: à Dublin), j'ai été surpris. Il s'agissait certes d'un match amical, mais cela manquait tout de même de rythme, d'agressivité. C'était très mou. J'en suis sorti, de ces deux matches, j'inclus également celui contre la Bosnie (défaite 2-0), avec l'impression qu'hormis dans les buts avec Sommer il n'y avait aucune garantie, et ce dans toutes les lignes.

RTSsport.ch: C'est-à-dire?

VINCENT VILLA: En défense centrale, les prestations étaient cataclysmiques. Que ce soit Schär, Klose, Senderos etc. Je m'étais dit qu'avec Djourou ce serait mieux, mais au vu du match contre l'Albanie, finalement avec lui, ce n'est pas top non plus. Je n'ai pas reconnu Rodriguez en Irlande. Au milieu de terrain, ce n'était pas très percutant. En attaque encore moins, avec très peu d'occasions. Contre la Bosnie, ils se sont fait manger. Du coup, je voulais attendre fin mai, début juin pour me forger un avis plus tranché.

RTSsport.ch: Le match contre la Belgique...

VINCENT VILLA: J'ai apprécié comme tout le monde la première heure où il y a enfin eu du rythme, des intentions, des bonnes choses. J'ai senti que l'absence de Shaqiri avait vraiment pesé au début du printemps. Après, il y a eu ce duel contre la Moldavie. Il leur a fallu une bonne heure pour se mettre à jouer et imposer leur rythme. Ils ont eu des occasions, mais se sont montrés très maladroits à la conclusion.

"Pas plus qu'un nul contre la Roumanie"

RTSsport.ch: Arrive ensuite l'Euro et cette entrée en matière à Lens.

VINCENT VILLA: Un match assez bizarre. Ils avaient toutes les cartes en main pour s'imposer 3-0. Finalement, ils tremblent jusqu'au bout. Sommer est une des seules certitudes avec Xhaka. De tous les matches que j'ai vus, je trouve que c'est celui où il s'est comporté le plus en patron autant dans l'impact que dans la sortie de balle. Sinon... Djourou s'est révélé fébrile. Les latéraux n'ont pas apporté grand-chose. Devant, Seferovic a été inefficace, Mehmedi transparent, Shaqiri pas bon, Dzemaili intermittent. Selon moi, ils ne sont pas tous au même niveau au même moment.

RTSsport.ch: Guère encourageant avant le match contre la Roumanie.

VINCENT VILLA: C'est le moment où il leur faudra jouer à onze de manière plus constante, plus compacte. Les individualités vont devoir pour beaucoup d'entre elles hausser leur niveau, sinon, ce sera très compliqué. Je pense en tous les cas que si la Roumanie fait le même match que contre la France dans l'intensité défensive, la solidité, l'organisation, la cohérence - c'est une équipe où on sent que le don de soi est exacerbé -, la Suisse aura beaucoup de difficulté à marquer. Elle peut aussi être dangereuse devant et comme on a vu la Suisse fébrile... Je ne vois pas plus qu'un match nul.

"Le 5-2 encore dans toutes les têtes"

RTSsport.ch: Est-ce une équipe qui peine à dégager une identité de jeu selon vous?

VINCENT VILLA: Oui. Quand j'ai débarqué sur l'équipe de Suisse, on m'a dit que Vladimir Petkovic essayait plus de jouer qu'Ottmar Hitzfeld. Mais ce n'est pas vraiment ce que je vois. Je ne me dis pas 'tiens, voilà une équipe qui joue beaucoup vers l'avant'. Elle ne dégage rien.

RTSsport.ch: Est-ce qu'on imagine en France que la Suisse pourrait inquiéter les Bleus lors du troisième match?

VINCENT VILLA: Ah non, pas du tout. Le problème c'est que le 5-2 au Brésil est encore dans toutes les têtes. C'était tellement facile. Puis, si tu te penches sur les performances depuis deux ans, tu remarques que c'est couci-couça. Non, ce n'est pas un épouvantail, c'est clair. D'autant que le premier match ne te dit pas 'attention, danger'. Mais bon, c'est un premier match dans la compétition, on ne sait jamais.

Paris, Ludovic Perruchoud - Twitter @LPerruchoud