En ce mardi de la fin du mois de mai, une petite pluie accompagne l'entraînement de l'équipe féminine de Chelsea au Cobham Training Centre. C'est là, dans cet écrin luxueux des "Blues", que RTSsport.ch a rencontré Ramona Bachmann. L'attaquante est l'une des dernières à quitter le terrain, après avoir fait trembler les filets à quelques reprises. Entre sa pause déjeuner et une séance de théorie, la discrète Lucernoise (26 ans) a pris le temps de revenir sur sa carrière et son expérience en Angleterre.
RTSsport.ch: Lorsque vous étiez enfant, pensiez-vous réaliser une telle carrière?
RAMONA BACHMANN: Absolument pas. C’est génial ce qui m'arrive! Quand j'étais enfant, je regardais les hommes, je voulais faire comme eux et devenir footballeuse professionnelle, mais je n'imaginais pas vivre une telle carrière.
RTSsport.ch: Qui vous a inspiré à l'époque?
RAMONA BACHMANN: J'admirais le Brésilien Ronaldo. C'était mon idole car il marquait beaucoup de buts et il dribblait bien. Je voulais devenir aussi forte que lui (sourire).
RTSsport.ch: Quand avez-vous su que vous aviez les capacités pour devenir professionnelle ?
RAMONA BACHMANN: J'étais toujours dans les meilleures et plus rapide que les autres. Lorsque j'ai rejoint le centre de formation d'Huttwil, je me suis dit "OK, tu appartiens aux meilleures joueuses de la Suisse". Ensuite, tout s'est passé très vite. J'ai reçu un appel d'Umea (Suède). Ils avaient remporté la Ligue des champions, c'était un des meilleurs clubs à l'époque. J'ai donc signé là-bas.
"Mon style de jeu implique de prendre des risques"
RTSsport.ch: Comment avez-vous vécu l'éloignement avec votre famille à 16 ans?
RAMONA BACHMANN: Ce n'était pas facile, c'est sûr. Mais quand je suis partie à Huttwil à 13 ans, c'était vraiment plus dur! J'étais encore très jeune. Je rentrais seulement le week-end à la maison. Je devais me débrouiller seule, loin de mes parents. J'ai beaucoup appris de cette période. Lors de mon départ en Suède, j'étais déjà habituée à être éloignée de mes parents. Et j'avais l'occasion de vivre mon rêve, cela n'était donc pas un problème.
RTSsport.ch: Vous êtes une joueuse qui tente beaucoup sur un terrain, qui aime dribbler. Etait-ce déjà le cas lorsque vous étiez plus jeune ?
RAMONA BACHMANN: Oui, j'aimais déjà dribbler. Mon style de jeu implique de prendre des risques. Je ne suis pas une joueuse qui ne perd jamais de ballon. Je tente des choses compliquées. Parfois cela marche, parfois non. J'ai une grosse confiance en moi, j'essaye de l'utiliser sur le terrain. Je veux toujours donner le meilleur de moi-même. A la Coupe du monde en 2015, j'ai reçu quelques critiques disant que j'étais un peu égoïste. Cela m'est égal. Ce n'est pas toujours facile d'essayer des choses. Quand cela réussit, c'est génial, quand cela ne marche pas, on dit "elle aurait dû jouer autrement". Mais c'est mon style de jeu.
"On me fait confiance à Chelsea"
RTSsport.ch: Après cinq ans passés en Suède, vous avez rejoint Wolfsburg en août 2015. Pourquoi avoir quitté l'Allemagne cet hiver?
RAMONA BACHMANN: Cela ne s'est pas passé comme je l'avais imaginé à Wolfsburg. Le coach me laissait peu de liberté, dictait mes déplacements. Ce n'est pas mon style de jeu. En équipe nationale, Martina (réd: Voss-Tecklenburg) me laisse beaucoup de liberté. Je peux utiliser au mieux mes qualités et en faire profiter l'équipe. Je dirais que je suis une footballeuse d'instinct. J'exécute mes gestes instinctivement. A Wolfsburg, je ne pouvais pas être moi-même. La confiance n'était pas là. C'est dommage. Voilà pourquoi j'ai quitté Wolfsburg et atterri à Chelsea.
RTSsport.ch: Comment avez-vous vécu vos premiers mois en Angleterre?
RAMONA BACHMANN: L'équipe m'a très bien accueillie. Je prends plus de plaisir ici qu'à Wolfsburg, parce que je sens qu'on me fait confiance. Et Londres me plaît beaucoup. La météo n'est pas toujours optimale (rires), mais c'est vraiment une jolie ville.
RTSsport.ch: Qu'est-ce qui vous a surpris lors de votre arrivée à Chelsea?
RAMONA BACHMANN: La plus grosse surprise a été le soutien du club. Les joueurs sont très sympas, ils nous saluent. Antonio Conte (réd: entraîneur de Chelsea) est venu nous regarder la semaine passée à l'entraînement. Cela montre leur intérêt pour le foot féminin. Comme Chelsea est un grand club, je pensais que les hommes allaient être d'un côté, les femmes de l'autre et qu'ils n'allaient pas s'intéresser à nous. Mais c'est totalement différent! Nous sommes comme une famille. Le club nous soutient et investit beaucoup d'argent pour le foot féminin.
"J'ai plus d'attentes envers moi-même"
RTSsport.ch: Vous disputez cet été l'Euro avec l'équipe de Suisse. On attend beaucoup de vous aux Pays-Bas...
RAMONA BACHMANN: Oui, je sais. J'ai également davantage d'attentes envers moi-même. Avec mes qualités, c'est légitime d'avoir de telles attentes. Je veux aider au mieux l'équipe. Si je donne le meilleur de moi-même, les résultats de l'équipe suivront et mes performances aussi.
RTSsport.ch: Quels seront les objectifs de la Suisse à l'Euro?
RAMONA BACHMANN: L'équipe vise les quarts de finale. Personnellement, je pense que les demi-finales sont possibles.
Londres, Jennifer Ballmer - @jenni_ballmer
Le championnat anglais en plein boom
Depuis la troisième place des "Three Lionesses" à la Coupe du monde 2015 au Canada, le foot féminin est en plein essor en Angleterre. "De grands clubs comme Arsenal, Liverpool, Manchester City ou Chelsea investissent beaucoup d'argent pour le foot féminin. De plus en plus de joueuses viennent jouer ici", explique Ramona Bachmann.
Actuellement, le niveau du championnat d'Angleterre reste moins élevé que celui d'Allemagne, selon l'attaquante helvétique. "Dans le championnat anglais, les équipes n'affichent pas toutes la même condition physique, ce qui n'est pas le cas en Allemagne. Là-bas, Lorsque tu joues contre les équipes les plus faibles, tu dois te battre pendant 90 minutes. En Angleterre, certaines équipes tiennent le coup 45 à 60 minutes et perdent ensuite en constance. Mais je pense que dans les années à venir, le niveau du championnat anglais sera semblable à celui de la Bundesliga."
Ramona Bachmann en bref
Née le 25 décembre 1990 à Malters (LU)
Poste: Attaquante
Parcours:
1997-2006: Malters
2006-2007: Lucerne
2007-2009: Umea (SWE)
2010-2010: Atlanta Beat (USA)
2010-2011: Umea (SWE)
2011-2015: Rosengard (SWE)
2015- 2016: Wolfsburg (GER)
Décembre 2016 - ?: Chelsea (ENG)
80 sélections, 42 buts
4x championne de Suède en 2007, 2008, 2013 et 2014
Championne d'Angleterre en 2017
Elue meilleure joueuse de Suède en 2011
Elue footballeuse suisse de l'année en 2000 et 2015
UEFA Euro dames 2017, la sélection suisse
But: Seraina Friedli (Zurich), Stenia Michel (Bâle), Gaëlle Thalmann (Verona/ITA)
Défense: Caroline Abbé (Zurich), Sandra Betschart (Duisburg/GER), Jana Brunner (Bâle), Ana-Maria Crnogorcevic (Frankfurt/GER), Rahel Kiwic (Potsdam/GER), Noëlle Maritz (Wolfsburg/GER), Rachel Rinast (Bâle)
Milieu: Vanessa Bernauer (Wolfsburg/GER), Vanessa Bürki (Bayern Munich), Viola Calligaris (Young Boys), Lara Dickenmann (Wolfsburg/GER), Sandrine Mauron (Zurich), Martina Moser (Zurich), Meriame Terchoun (Zurich), Lia Wälti (Potsdam/GER), Cinzia Zehnder (Zurich).
Attaque: Eseosa Aigbogun (Potsdam), Ramona Bachmann (Chelsea/ENG), Fabienne Humm (Zurich), Géraldine Reuteler (Lucerne)
UEFA Euro dames 2017, programme de la Suisse
Groupe C:
Autriche - Suisse 18.07 18h Deventer
Islande - Suisse 22.07 18h Doetinchem
Suisse - France 26.07 20h45 Breda
Tous les matches de l'équipe de Suisse seront à suivre sur RTS Deux.