Ludovic Magnin: "Je vois bien la Suisse se qualifier assez souverainement"
Jeudi soir au Windsor Park de Belfast, l'équipe de Suisse jouera la première manche de son barrage qualificatif pour la Coupe du monde 2018 face à l'Irlande du Nord. Dès lors que le terme de barrage est évoqué pour ce qui est de la sélection nationale, difficile d'échapper au souvenir de la Turquie en 2005.
Dans cette double confrontation, la Suisse avait réussi l'exploit de sortir qualifiée après avoir gagné 2-0 à Berne le 12 novembre et perdu le retour 4-2 dans l'enfer du Stade Sükrü-Saracoglu quatre jours plus tard. Aligné à l'aller et suspendu (mais présent) au retour à Istanbul, l'ancien latéral de l'équipe de Suisse Ludovic Magnin, aujourd'hui coach du FC Zurich M21, s'est confié à RTSsport.ch.
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RTSsport.ch:Quel souvenir gardez-vous du barrage de 2005 face à la Turquie?
LUDOVIC MAGNIN: Je retiens avant tout la qualification. C'est clair que c'était particulier si on prend compte les événements qui se sont déroulés là-bas (ndlr: ambiance hostile et ponctuée par des débordements et des bagarres au terme du retour). Mais notre job était de nous qualifier et nous l'avons fait.
RTSsport.ch: La donne est quelque peu différente pour le barrage à venir...
LUDOVIC MAGNIN: Face à la Turquie, c'était du 50/50. Là, c'est du 80/20, voire 70/30 en faveur de la Suisse. A l'époque, nous n'étions pas vraiment dans la peau des favoris.
RTSsport.ch: La Suisse partira favorite face à l'Irlande du nord, mais les barrages sont des matches particuliers...
LUDOVIC MAGNIN:Je crois que cette notion de match particulier, avec de grands roulements de tambours, concerne essentiellement l'environnement extérieur. Toute l'année, les joueurs évoluent sous pression, disputent de grands matches, surtout que la plupart de nos internationaux jouent la Champions League ou l'Europa League. Ils ont donc l'expérience de cela et ont prouvé qu'ils savaient jouer sous pression. Je ne crois pas que celle-ci sera la clé de ce duel. Je la vois plutôt dans d'autres aspects.
RTSsport.ch: Et quels sont ces aspects?
LUDOVIC MAGNIN:Le but à l'extérieur lors du match aller sera important. J'ai vu le dernier match de l'Irlande du Nord contre l'Allemagne en qualifications (le 5 octobre, défaite 3-1), le destin peut-être... Les Nord-Irlandais ont pris un but très rapidement, après ils ont eu beaucoup de difficultés. En terme de jouerie, ils ne pratiquent pas vraiment du grand football. Leur force est surtout dans l'impact physique qu'ils arrivent à imprimer. Mais... encore une fois, nous avons des joueurs de qualité, capables de casser le rythme que les Nord-Irlandais vont tenter d'imposer avec le public dans leur dos. Si les Suisses y parviennent et marquent vite, ça devrait aller.
RTSsport.ch: L'impact physique, auquel le fameux "fighting spirit" pourrait peut-être s'additionner, non?
LUDOVIC MAGNIN: Oui voilà. Je pense même que ce sont un peu les seules choses qui parlent pour eux (rires). Il ne faut pas se mentir. En terme d'expérience du plus haut niveau, il n'y a pas photo. La Suisse doit accepter son rôle de favori, tout en gardant à l'esprit que l'Irlande du Nord ne peut vaincre qu'en misant sur cette combativité, sur l'impact lors des balles arrêtées. Aux joueurs de ne pas se faire piéger finalement dans le seul domaine où ils savent que les Nord-Irlandais sont capables des les bouger.
RTSsport.ch: L'ambiance, qui attend la Suisse, sera bien sûr différente que celle que vous avez connue en Turquie. Elle sera toutefois de folie. Dans quelle mesure cela peut gêner les Helvètes?
LUDOVIC MAGNIN: J'ai joué deux fois en Irlande. Certes, ce n'était pas l'Irlande du Nord, mais je m'attends également à une même ambiance de folie et correcte. Et dans ces cas, les joueurs savourent. C'est quelque chose de magnifique. Au final, je pense que la seule fois où l'ambiance a dépassé les limites, en Turquie, même avant le match, là cela a vraiment eu un impact sur la concentration. Il y avait un peu de peur. A Belfast, il n'y aura pas cette peur. L'ambiance sera chaude, mais nos joueurs sont habitués.
RTSsport.ch: L'état d'esprit affiché à Lisbonne face au Portugal n'a pas vraiment été à la hauteur. Cela ne nourrit-il pas quelques craintes avant ce barrage?
LUDOVIC MAGNIN:On a surestimé un peu la Suisse en la voyant survoler un groupe assez faible. On s'est dit sans doute un peu vite qu'elle serait capable de gagner à Lisbonne. Même si la Suisse a gagné l'aller, mais dans la foulée du titre européen d'un Portugal privé de Cristiano Ronaldo, même si la Suisse est une belle équipe, le Portugal est encore un peu au-dessus. Je connais encore certains joueurs, ils ont du caractère. A ce niveau, les qualifications sans problème n'existent pas vraiment, mais je les vois bien se qualifier de manière assez souveraine.
Propos recueillis par Ludovic Perruchoud - @LPerruchoud
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