Le soleil tente une timide percée, mais le ciel reste désespérément maussade au-dessus de Munich. Et malgré une forte présence touristique - beaucoup d'Espagnols, un signe de la prochaine arrivée de Pep Guardiola? -, même les "Biergarten" sont peu fréquentés.
La célèbre "Marienplatz", elle, grouille de monde. Normal, le "Rathaus" est une attraction touristique courue de la capitale bavaroise. C'est aussi sur son balcon que le Bayern fête ses titres. "Il ne fait pas un peu froid en ce moment pour y monter?", plaisante Toni Kroos dans l'"Abendzeitung" (AZ).
Car avec ses 20 points d'avance - 27 encore en jeu -, le Bayern pourrait déjà être sacré pour la 23e fois à Pâques, fin mars! Karl-Heinz Rummenigge, l'un des patrons du FCB, n'est pour sa part pas pressé de monter au "Rathaus" (les titres se fêtent là-bas de toute façon en fin de saison). "On fêtera ce titre une fois que ce sera mathématiquement joué, pas avant", lâche-t-il dans la même "AZ".
"Je crois qu'on peut déjà féliciter le Bayern"
"Je comprends bien qu'à l'interne on ne veut pas encore dire que le titre est en poche. Mais en tant qu'externe, je crois qu'on peut déjà féliciter le Bayern", nous raconte le sélectionneur national Ottmar Hitzfeld,... ex-coach du club bavarois (98-04 et 07-08).
Les joueurs, eux, restent concentrés sur leur fin de saison, même si "ce sera très très dur de nous déloger de là-haut", confesse Philipp Lahm dans le "Münchner Merkur".
Sevré de titres depuis deux ans, le Bayern ne veut toutefois pas se contenter de ce 23e sacre en Bundesliga. A Munich, on voit carrément "Triple", avec la Coupe (DFB-Pokal) - le FCB est en demi-finales face à Wolfsburg et, surtout, la Champions League.
Après deux finales en trois ans, dont celle de 2012 "qu'il n'aurait jamais dû perdre face à Chelsea (réd: tirs au but)", selon Lucien Favre, le "Rekordmeister" apparait comme le gros favori pour la Coupe aux grandes oreilles. Sa brillante performance en 1/8 aller à Londres face à Arsenal en témoigne (1-3).
A quelques heures du match retour, on ne sent d'ailleurs guère d'excitation à Munich, où la déferlante britannique se fait encore un peu attendre. D'ailleurs, ici, tout le monde voit déjà le Bayern en quarts - déjà plus de 120'000 demandes de billets, pour un stade de 71'000 places...!
Le Bayern vers un cinquième trophée continental?
En 82 rencontres de CL à domicile, le FCB n'a perdu que 9 fois, dont deux 0-2 comme plus lourdes défaites... Arsenal devrait donc être mangé tout cru mercredi.
C'est bien simple, on voit mal qui, à part le Barça bien sûr, pourrait bien priver les Bavarois d'un 5e trophée continental. Le Real? Peut-être, même si on se souvient que le Bayern l'avait facilement battu l'an passé. "Le Bayern était deux classes en-dessus", dixit Favre.
Oui, le Bayern Munich version 2012/13 est une véritable machine à gagner, lancée à pleine vitesse en direction du triplé et de la finale de Londres.
"Le Bayern, c'est l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur, club au monde actuellement", confesse le coach vaudois du Borussia Mönchengladbach. "Par rapport à l'an passé, il s'est bien renforcé en défense avec l'arrivée du Brésilien Dante, impérial, et du demi espagnol Javi Martinez, excellent dans le placement et qui comble beaucoup de lacunes que le Bayern avait au milieu".
C'est bien simple, avec ce renforcement dans son axe, le Bayern n'a encaissé que 10 buts en Bundesliga jusque-là et va certainement battre son propre record de la saison 2007/08 (21 goals encaissés). "Je sais l'importance que peut avoir un joueur en plus ou en moins. Alors imaginez deux!", s'exclame Lucien Favre.
De Munich, Daniel Burkhalter (@DaniBurkhalter)
"Quand le Bayern va à la banque, c'est au guichet dépôts"!
Parfaitement armé sur le terrain, le Bayern Munich l'est également en coulisses, avec un chiffres d'affaires de plus de 300 mio d'euros et, surtout, des réserves record en Europe de 278,3 mio alors que des Real ou Barça cumulent des dettes de près de... 600 mio!
Une situation qui a d'ailleurs fait dire au président Uli Hoeness, dans une phrase devenue culte: "Quand les autres clubs vont à la banque, ils vont au service des prêts. Quand nous allons à la banque, c'est au guichet dépôts"!
Le Bayern, qui devrait avoir achevé le remboursement du demi-milliard de son Allianz Arena d'ici 7-8 ans (!), peut donc désormais se permettre certaines folies sur le marché des transferts. Une situation d'autant plus enviable qu'il s'est offert des Ribéry (30 mio), Gomez (35), Martinez (40) en ne faisant pas son beurre sur le dos de ces supporters. Ainsi, le billet pour les matches à domicile se monnaie entre 10 et 70 euros. L'Allianz Arena affiche d'ailleurs complet depuis 105 matches!
Un "salary cap" de 10 mio d'euros
Et pendant que le Real touche près de 180 mio en droits TV par saison, le Bayern doit "se contenter" de 71 mio... De quoi tout de même aligner la bagatelle de 20 exercices bénéficitaires! "Le club est hyper bien géré financièrement, c'est certain", confirme un Lucien Favre connaisseur. "Avec les réserves à disposition, ils peuvent facilement s'offrir tel ou tel joueur".
Et là où des Manchester City, Real Madrid ou PSG offrent des salaires mirobolants à leurs stars, le Bayern Munich a une règle d'or: la maîtrise de sa masse salariale (env. 156 mio d'euros), qui représente seulement 48% de ses recettes (107 à City!).
En Bavière, on s'est donc basé sur le modèle nord-américain en fixant un officieux "salary cap", évalué à 10 mio par saison. Un statut de privilégié dont ne bénéficient que 3 joueurs cadres du Bayern: Ribéry, Schweinsteiger et Lahm.
Avec en plus un sponsoring fructueux (85 mio) et un merchandising florissant et parfaitement géré (159 mio, 55% des revenus), le Bayern Munich fait figure de modèle à l'aube du fair-play financier cher à l'UEFA et Michel Platini en vue de la saison 2013/14. /dbu
Que va bien pouvoir apporter Guardiola?
"Adresse déjà prestigieuse à l'époque, le Bayern en est donc devenue une meilleure", selon Alain Sutter, qui a brièvement porté le maillot bavarois en 1994/95 (22 matches). Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le prochain coach du FCB est Pep Guardiola (ex-Barça).
"Le Bayern est un club prestigieux. Avec cet engagement, qui a un certain pouvoir marketing, il veut montrer à toute l'Europe qu'il veut prendre le pouvoir", analyse Lucien Favre. "Mais il y a aussi une certaine logique", selon Sutter. "Au Bayern, on aime le style hollandais, celui de Cruyff. Ca a un peu marché avec Van Gaal, Heynckes a poursuivi dans la voie et Guardiola était l'élève de Cruyff...".
Reste qu'aujourd'hui, même si tout le monde se réjouit de l'arrivée du "messie" Guardiola - et pas de Messi - en Bavière, des questions demeurent. Le Bayern n'est pas le Barça et les joueurs ne jouent pas ensemble, dans un même système, depuis leur plus jeune âge. Que va donc bien pouvoir apporter Guardiola en Bavière?
Même s'il est "logique" aux yeux de Favre au vue du prestige du club, ça reste un choix osé. "Surtout qu'il sera difficile de faire mieux que maintenant. Le Bayern dispose d'une formidable équipe, un mélange entre jeunes bien affirmés et des joueurs plus expérimentés. Guardiola devra faire avec ce qu'il a".
En attendant, les touristes espagnols affluent déjà, comme en repérage. Et déjà ils sont sur la "Marienplatz"... /dbu