Les soupçons de matches truqués en Europe et en Suisse se
précisent. Selon divers témoignages et des informations rapportées
par la presse dominicale, les équipes de Thoune et Gossau (ChL) se
trouveraient dans le collimateur des enquêteurs. Les clubs romands
de Sion et Yverdon, notamment, seraient concernés
indirectement.
Sion, Xamax et Servette concernés
Le président du FC Sion Christian Constantin a fait état au
19:30 de la TSR de l'implication présumée du club bosniaque de
première division du NK Travnik, que le club valaisan a battu 4-1
en match amical cet été à Portalban: «On pensait avoir fait un
bon match, mais il semble bien après coup qu'ils se sont laissé
faire», a-t-il dit.
Le président valaisan, qui n'a pas cité ses sources, croit savoir
que les Bosniaques auraient financé une partie de leur camp
d'entraînement en Suisse grâce à des paris illicites en Asie.
Travnik avait aussi joué et perdu deux autres matches de
préparation, contre Neuchâtel Xamax (3-2) et Servette (3-1).
Vaste affaire
Certains jeunes
joueurs thounois pleuraient au bord du terrain après la rencontre.
Pierre-André Cornu, président
d'Yverdon
Dans cette affaire partie
d'Allemagne et révélée vendredi, près de 200 matches sont sous
enquête dans neuf pays européens, dont 22 dans la Challenge League
helvétique. Un réseau turc et balkanique établi dans la Ruhr aurait
tissé une gigantesque toile en liaison avec la mafia asiatique des
paris. Le Ministère public de Bochum et la police ont annoncé
l'arrestation de 17 personnes qui auraient empoché plusieurs
millions d'euros.
Le match de Challenge League entre Yverdon et Thoune du 26 avril
figurerait parmi les rencontres suspectes. Les Vaudois s'étaient
imposés 5-1 avec une facilité dérisoire. «Certains jeunes
joueurs thounois pleuraient au bord du terrain après la
rencontre», a déclaré le président yverdonnois Pierre-André
Cornu à la TSR. Et le gardien thounois Sascha Stulz a dit s'être
«senti livré à lui-même» pendant ce match, relèvent les
médias alémaniques.
Omar Faye interrogé et suspendu
En fait, selon «la NZZ am Sonntag», une somme de 15'000 euros
(plus de 22'000 francs) aurait été proposée à des joueurs
oberlandais pour qu'ils s'inclinent avec quatre buts d'écart, une
différence qui rapportait gros aux parieurs. La «NZZ» se base sur
des affirmations de l'avocat Burkhard Benecken, qui défend un des
suspects.
Selon le président du club oberlandais Markus Stähli, interrogé
par le «SonntagsBlick» et la Radio 1, l'attaquant de Thoune Omar
Faye a été interrogé par la police. Il a du reste été suspendu par
son club pour le match des huitièmes de finale de la Coupe de
Suisse dimanche contre Winterthour.
Grosses mises en jeu
Le match entre Locarno et Gossau du 24 mai apparaît également
douteux. Un total de 20'000 euros aurait été versé pour que les
Saint-Gallois perdent par au moins deux buts d'écart. Les Tessinois
l'ont emporté 4-0 au terme de cette partie sur laquelle les
suspects auraient misé près de 150'000 euros.
Une rencontre devrait avoir lieu lundi entre le Ministère public
de la Confédération et des représentants de la ligue et de l'ASF,
selon la NZZ. L'UEFA aurait également convoqué des délégués des
fédérations mercredi à son siège à Nyon.
Pour montrer que ces pratiques ne sont pas nouvelles, le
«SonntagsBlick» cite le défenseur bâlois de Hanovre Mario Eggimann,
qui affirme avoir été contacté en ces termes par un inconnu il y a
cinq ans: «Peux-tu me dire combien de buts à peu près seront
marqués dans ton match ?», lui aurait demandé la mystérieuse
voix au téléphone. Eggimann aurait immédiatement raccroché.
Chantage
Selon un initié cité dans le «Berliner Morgenpost», joueurs,
entraîneurs et arbitres seraient parfois exposés à du chantage de
la part des truqueurs, du genre: «Nous savons que tu es
endetté, que tu es gay, que tu fréquentes des prostituées»,
autant de «détails» qu'ils menaceraient de révéler en cas de
non-coopération.
Dans ce contexte, les matches de ligue inférieures ou les amicaux
seraient une cible privilégiée: ils se jouent en effet souvent en
l'absence de caméras et permettent des manipulations avec des
sommes d'argent relativement peu élevées.
Sous écoute
Christian Constantin a la certitude que la Super League n'est
pas touchée. Mais pour en avoir le coeur net, il a révélé qu'il lui
était arrivé, avant des matches internationaux importants
susceptibles d'être manipulés, de placer les téléphones de ses
joueurs sous écoute: «J'ai à chaque fois demandé l'accord du
juge», a précisé le président valaisan.
si/mor
"Une sérieuse menace pour le football"
Le scandale présumé des paris truqués révélé cette semaine représente une sérieuse menace pour le football, estime Wolfgang Feldner, responsable de la cellule d'alerte et de surveillance ad hoc de la FIFA. Il estime les manipulations aussi nuisibles que le dopage, selon une interview à la «Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung».
M. Feldner pointe du doigt les limites des systèmes d'alerte: «Aussi bons soient-ils, ils peuvent difficilement surveiller le marché noir. Il n'est pas aisé d'obtenir des informations sur les officines de paris pas enregistrées officiellement.»
Macao et l'Asie visés
Neuf fois sur dix, les soupçons de manipulations mènent à d'obscures officines en Asie, à Macao notamment. Les mises en jeu atteignent parfois d'énormes montants. «Le marché asiatique est notre gros problème», confirme M. Feldner. Selon le journal dominical de Francfort, le marché des paris sportifs dans le monde brasse plusieurs centaines de milliards d'euros par an.
Par ailleurs, la «Süddeutsche Zeitung» dresse une liste des matches suspects. Outre la Challenge League helvétique, des matches des Championnats turc, belge, croate seraient concernés, et peut-être des rencontres de division inférieure en Allemagne.