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Le club de Neuchâtel Xamax entre en mains tchétchènes

Bulat Chagaev, repreneur du club de football de Neuchâtel Xamax: "A combien se monte ma fortune? Je ne sais pas, je ne compte ni mon argent ni celui des autres".
Interview intégrale. Bulat Chagaev, repreneur du club de football de Neuchâtel Xamax: "A combien se monte ma fortune? Je ne sais pas, je ne compte ni mon argent ni celui des autres". / Info en vidéos / 4 min. / le 5 mai 2011
Après de brèves négociations, l’homme d’affaires tchétchène Bulat Chagaev a racheté le club de football Neuchâtel Xamax, est en mesure de confirmer la TSR. Le montant de la transaction n’a pas été révélé, mais dans une interview exclusive, ce proche du président tchétchène Ramzan Kadyrov évoque un rachat possible du stade.

Passionné de football depuis sa plus tendre enfance, Bulat Chagaev a noué, au cours de la dernière décennie, de nombreux contacts dans les milieux du football helvétique. En parallèle, il mène des affaires en Suisse depuis les années 1980.

La TSR a appris qu’il y a déjà 12 ans, des intermédiaires avaient déjà proposé à l'homme d'affaires de racheter le club de Neuchâtel Xamax. "Cette proposition de Gilbert Facchinetti m’a été transmise par quelqu’un du club Servette. J’ai refusé. Puis il y a quelques temps, Sylvio Bernasconi m’a contacté par l’intermédiaire du joueur Andreï Rudakov et j’ai accepté", raconte-t-il.

Refusant de dévoiler le montant de la transaction, il ne cache pas son intérêt pour un éventuel rachat du stade de Maladière à la ville de Neuchâtel. "Si l’équipe (du Xamax) joue bien, on achètera le stade. Si les résultats sont mauvais à quoi bon un stade?" s’interroge-t-il.

Novice dans la gestion sportive

L’expérience de Bulat Chagaev en matière de gestion d’un club de football est récente. Depuis novembre 2010, il est le co-sponsor du Terek de Grozny (le site, en russe), adoubé dans ce rôle par le président tchétchène Ramzan Kadyrov que de nombreuses organisations non-gouvernementales accusent d’être responsable avec ses milices de diverses exactions.

Depuis, le Terek, vitrine du pouvoir tchétchène en mal de respectabilité, s’est acheté les services d’un nouvel entraîneur:  la star Ruud Gullit pour 900 000 euros par an. Et tente de s’offrir des joueurs vedettes. Le 7 mars, une équipe d’anciennes stars brésiliennes a fait escale à Genève, au prestigieux hôtel de la Réserve, avant d’aller jouer à Grozny sur invitation de Ramzan Kadyrov et Bulat Chagaev. Le 11 mai, c’est une autre équipe d’anciennes gloires- Diego Maradona, Luis Figo, Jean-Pierre Papin, Fabien Barthez - qui est attendue à Grozny pour l’inauguration du nouveau stade comptant 35000 places. Eux aussi transiteront par Genève la veille, sur initiative du nouveau propriétaire du Xamax.

Une carrière de businessman

Le nouveau propriétaire du Neuchâtel Xamax - dont Sepp Blatter est président d'honneur -  a dernière lui une longue carrière de businessman, démarrée déjà du temps de l’Union Soviétique. Ingénieur dans le secteur du pétrole, il créé à la fin des années 80, la SovAmericanTrade, avec l’appui de son beau-père de l’époque, Doku Zavgaev, premier secrétaire du parti communiste de la République d’Ingouchie-Tchétchénie. Cette structure dont on ne trouve aucune trace sur Internet obtient le droit de commercer à l’étranger. Elle compte 12 entreprises actives dans la fabrication de meubles et l’eau minérale et les produits alimentaires. C’est en 1987 que le Tchétchène met un premier pied en Suisse, enregistrant à Zoug  une société de vente de métal.

Mais en 1991, avec l’arrivée au pouvoir du président indépendantiste Doudaev, sa fortune tourne. Contraint de s’exiler de Tchétchénie en 1993, l’homme d’affaire partage son temps entre la Russie et la Suisse. A Moscou, il ouvre ses premiers comptes auprès de la filiale de la Société de Banque suisse (aujourd’hui UBS), avec l’aide du banquier M. R. Ce dernier, un Valaisan, a été condamné en 2002 à une amende pour blanchiment d’argent dans l’affaire Mabetex, un scandale de pots-de-vin liés à la reconstruction du Kremlin.

Le business de Bulat Chagaev fleurit dans l’ombre. Il faut ainsi attendre 2008 pour voir apparaître son nom dans deux sociétés enregistrées à Genève: la Dagmara Trading et la Envergure Holding, des entités actives dans le commerce de matières premières et l’immobilier. Détenteur d’un visa d’un an renouvelable, l’homme d’affaire s’installe dès 2009 en famille à St-Sulpice dans le Canton de Vaud. Son épouse, détentrice d’un forfait fiscal est propriétaire de cette luxueuse propriété au bord du lac.

Agathe Duparc et Yves Steiner/gh

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