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Gilbert Facchinetti, "rouge et noir" envers et contre tout

Gilbert Facchinetti vit pour "son" Neuchâtel Xamax. [Keystone - Laurent Gillieron]
Gilbert Facchinetti vit pour "son" Neuchâtel Xamax. - [Keystone - Laurent Gillieron]
Le dimanche 29 mai prochain, Neuchâtel Xamax disputera sa 5e finale de Coupe de Suisse face à Sion. Le club "rouge et noir" parviendra-t-il enfin à en offrir une à Gilbert Facchinetti, "Monsieur rouge et noir"? Interview.

Neuchâtel Xamax vit des dernières heures difficiles dans ce championnat 2010/11. Mais celles-ci pourraient aussi tout à coup devenir historiques si, au soir du dimanche 29 mai, le club "rouge et noir" remportait, enfin, la Coupe de Suisse face à Sion. La menace d’une deuxième relégation en Challenge League après celle de 2006 et la perspective de décrocher une place en Europa League. Joli paradoxe…

A l’instar de "son" Xamax, Gilbert Facchinetti vit lui aussi des moments difficiles. Bien sûr, son club a été vendu à un investisseur tchétchène, il est menacé de relégation, mais plus important, Vally, "sa blonde", connaît quelques soucis de santé. On sent "le Gilbert" vraiment préoccupé.

La Coupe de Suisse, lui, ne veut évidemment pas encore en parler, priorité d’abord au maintien. Mais le trophée est trop important pour lui, pour "son" Xamax. C'est quand même "le dernier fleuron que je n'ai pas", dit-il. Gilbert Facchinetti se dit très superstitieux, mais le sujet "Coupe de Suisse" et ce fameux 29 mai revient toujours un peu dans la discussion. "En rouge et noir, j'exilerai ma peur, j'irai plus haut que ces montagnes de douleur,...", ne chantait-elle pas Jeanne Mas?

Quatre finales, quatre défaites...

La Coupe, Xamax ne l’a donc jamais gagnée. Quatre fois, le club neuchâtelois a joué la finale, quatre fois il en est reparti bredouille. Gilbert Facchinetti se souvient de chacun de ces matches avec précision, malgré ses 75 ans bien sonnés. "On arrive à la demi-année", plaisante-t-il. Il y a eu cette première finale, en 1974, déjà contre Sion.

Et la légende veut que "le Facchi", alors âgé de 38 ans et déjà directeur sportif du club, avait demandé à figurer sur la feuille de match. "En fait, j'avais dit que je jouerais volontiers quelques minutes, à condition que Xamax mène 3-0. Mais c'est le contraire qui s'est produit. C'est Sion qui menait 3-0. On est finalement revenu à 3-2 en fin de match, en vain..."

Gilbert Gress et Gilbert Facchinetti, un duo qui a fait les beaux jours de NE Xamax dans les années 80. [Keystone - Sandro Campardo]
Gilbert Gress et Gilbert Facchinetti, un duo qui a fait les beaux jours de NE Xamax dans les années 80. [Keystone - Sandro Campardo]

Puis, en 1985, nouvelle finale de la troupe de Gilbert Gress, contre Aarau (1-0), et ce but sorti de nulle part de Walter Iselin. "Il n’avait jamais mis un goal de sa vie, mis à part à l’entraînement j’espère, et là il nous sort une superbe frappe des 30m. Rien à faire. C'était du temps d'Ottmar Hitzfeld, il ne faut pas l'oublier", se remémore le "Facchi". Il y a aussi eu ce fameux duel face à GC au Wankdorf (2-1), et ce but zurichois de De Vicente tombé après un centre de Strudal qui avait perdu sa chaussure auparavant.

Gilbert Facchinetti se souvient de tout, même s’il préférerait oublier la dernière finale, celle de 2003 déjà à Bâle face au grand FC Bâle. "On a pris un carton, je ne veux même pas dire le nombre de goals reçus (réd: 6-0), se souvient "Le Gilbert". "Après 5 minutes, on en avait déjà pris deux...".

"Sion a toujours gagné, mais ça peut changer, non?"

Le dimanche 29 mai prochain, Xamax et Gilbert Facchinetti auront donc droit à une nouvelle chance. Et même si Sion reste sur 11 victoires en Coupe de Suisse, l’ex-mécène du club "rouge et noir" veut y croire. "Malgré la différence entre les deux clubs en championnat, cette finale sera très ouverte", pronostique-t-il. "N’oublions pas que nous avons réussi de bons matches contre eux cette saison, même si je sais bien que la Coupe est toujours particulière, et notamment dans l’histoire valaisanne. Mais ça peut changer, non? Et ce serait vraiment le bon moment… ". Rappelons que Gilbert Facchinetti ne veut toujours pas en parler, de cette finale!

Quelques jours après l’officialisation de la reprise du club de la Maladière par Bulat Chagaev, un investisseur tchétchène, on ne pouvait pas ne pas aborder le sujet avec Gilbert Facchinetti, lui qui a toujours tout donné pour son club. Il l’évoque avec un soupçon de crainte mais une bonne dose de confiance aussi. Il parle aussi des deux derniers matches du championnat, face à Young Boys ce dimanche, et face à Sion mercredi. Interview.

"Il faut absolument se sortir de ce pétrin"

tsrsport.ch: Gilbert, cette fin de saison est une nouvelle fois passablement agitée pour Neuchâtel Xamax, avec un nouveau spectre de relégation…

GILBERT FACCHINETTI: Il faut absolument se sortir de ce pétrin, c’est vrai. Ce n’est d'ailleurs seulement qu’après ce moment-là qu’on pourra évoquer la finale de la Coupe, et pas avant.

Gilbert Facchinetti salue Andrei Rudakov, le nouveau président xamaxien. [Keystone - Sandro Campardo]
Gilbert Facchinetti salue Andrei Rudakov, le nouveau président xamaxien. [Keystone - Sandro Campardo]

tsrsport.ch:

Mais Xamax, qui vient d’être racheté, ne peut quand même pas couler une 2e fois après 2006!

GILBERT FACCHINETTI: Que ce soit en tant que président, directeur sportif, dirigeant ou autre, j'ai vécu des moments fabuleux avec ce club ces 40 dernières années. On a affronté les Real Madrid, Bayern Munich, Hambourg, Sporting Lisbonne, Celtic Glasgow, Inter Milan, etc. Mais on a aussi connu des moments plus tristes, avec la descente en Challenge League, notre toute première relégation.

Mais aujourd'hui, c’est en pensant aux magnifiques choses vécues ici par ce club qu'il faut se reprendre. Notre équipe a de la volonté, elle doit le démontrer désormais. On aura peut-être l’occasion de revivre d’autres belles choses, mais c’est maintenant que ça commence. Mais moi j’ai confiance, même si certains vont peut-être dire que je suis un peu aveugle… Moi je crois en ces joueurs-là, en ce groupe. Aujourd'hui, il doit entrer sur le terrain avec une seule mission, renverser la vapeur. La Coupe, on y pensera plus tard !

Un grand monsieur, Pascal Zuberbühler

tsrsport.ch: Comment les vivez-vous, ces moments-là?

GILBERT FACCHINETTI: J’ai toujours été là pour ce club et le serai toujours, dans les bons comme les mauvais moments. Si le destin veut que Xamax descende, on descendra, mais avec à nouveau la volonté de remonter très vite. Mais ce serait quand même catastrophique! Mais je me souviens quand même que notre saison en Challenge League nous avait permis de côtoyer un grand monsieur, très important pour la remontée: Pascal Zuberbühler. C’est un type qui a totalement revigoré le public neuchâtelois, même si son équipe bataillait en 2e division.

tsrsport.ch: On aurait envie de dire que c’était une erreur de ne pas l’avoir gardé…

GILBERT FACCHINETTI: Alors tout à fait ! Mais je ne peux pas dire grand-chose, je n’étais pas le patron du club à ce moment-là… Pascal avait une cote de popularité incroyable. Depuis son départ, Xamax n’a plus jamais connu ça, même avec un stade plein comme on a pu le vivre quelques fois ces derniers temps. Quand "Zubi" était là, le public scandait le nom de Xamax, c’était magique. Mais non, on a décidé de le chasser, et le public est parti aussi…

tsrsport.ch: Et que faire pour ramener ce public à la Maladière?

GILBERT FACCHINETTI: A mon avis, ça ne tient pas à grand-chose. Il faudrait déjà que cette fin de saison soit, comment dire… belle! On l’a vu en proposant des matches gratuits, le public neuchâtelois reste intéressé à Xamax. Mais je dois dire aussi qu'avec toutes ces normes de sécurité, on ne fait rien pour favoriser le regroupement des familles dans le stade. Il suffit que tout le monde n’achète pas son billet en même temps et vous avez le fils d’un côté, la fille de l’autre et les parents derrière les buts. Ce n’est pas idéal. Un stade, ça doit être l’endroit où les familles, les amis se retrouvent.

"J'aimerais que Xamax redevienne une grande famille"

tsrsport.ch: Comment imaginez-vous le Xamax du futur?

GILBERT FACCHINETTI: J'aimerais qu'il redevienne une grande famille, même si je sais que ce sera très difficile. Mon épouse et moi, on a invité l'équipe à manger chez nous avant les matches pendant 35 ans. Aujourd'hui, je doute que ce soit encore possible. Mais il faudrait avant tout que le club communique mieux à l'avenir, et ce à tous les étages. Cela permettra de recréer une bonne ambiance dans et autour du club. Ces derniers temps, par le biais de certaines déclarations, on n'a pas donné envie au public de revenir...

tsrsport.ch: Aujourd'hui, quand vous voyez ce qu'est devenu le football, vous regrettez vos fameuses "poignées de main" en guise de contrat?

GILBERT FACCHINETTI: C'est vrai qu'il y a un certain côté déprimant. Avant, on pouvait réussir tout un tas de choses avec un minimum. Les poignées de main, ce n'est plus possible. Quand je repense à Uli Stielike, qui jouait au Real Madrid et qui me dit "ich komme" (réd. je viens) en me serrant la pince. On avait même pas parlé contrat.

(L'interview est alors interrompue par la fin de l'entraînement de NE Xamax. Tous les joueurs s'arrêtent vers Gilbert Facchinetti pour, d'aucuns, lui serrer la main, et pour lui faire la bise, pour d'autres. Il a un petit mot gentil pour chacun).

tsrsport.ch: Mais on a l'impression que cet esprit de famille, il est toujours là à Xamax!

GILBERT FACCHINETTI: Cette jeunesse, pour moi, c'est une force. Je ne peux pas rester insensible à ces jeunes qui viennent dire bonjour, ici ou dans la rue. Moi, j'insiste toujours pour dire que je suis le président central du club (réd: il y a aussi le président de la SA, Andrei Rudakov désormais), même si Sylvio Bernasconi a toujours que ça ne valait rien. Moi, je m'en fiche, j'en suis fier et personne ne peut me foutre dehors. Et à ça, j'y tiens!

"Un conseil d'administration à deux, ça ne veut rien dire"

Gabriel Monachon (président d'honneur), Andrei Rudakov (nouveau président), Sylvio Bernasconi, Olga Danese (membre du conseil d'administration et secrétaire) et Gilbert Facchinetti. [Keystone - Sandro Campardo]
Gabriel Monachon (président d'honneur), Andrei Rudakov (nouveau président), Sylvio Bernasconi, Olga Danese (membre du conseil d'administration et secrétaire) et Gilbert Facchinetti. [Keystone - Sandro Campardo]

tsrsport.ch:

Mais qu'est-ce que cela vous fait de ne plus pouvoir décider?

GILBERT FACCHINETTI: Ca ne me gêne absolument pas. Moi, je suis un clubiste et je vis pour Neuchâtel Xamax, qui a toujours été mon club. Mais il est vrai aussi que je n'ai pas toujours été d'accord avec certaines décisions prises. Mais le nerf de la guerre, ça reste la monnaie. Celui qui paie décide. Mais aujourd'hui j'espère juste que cette reprise du club ne créera pas de malaise. Ca me fait un peu peur... En plus, ce nouveau conseil d'administration à deux (Andrei Rudakov et Olga Danese, sa secrétaire), ça ne veut rien dire!

tsrsport.ch: Ces nouveaux dirigeants, ça ne change rien pour vous? Personne ne vous a "mis dehors"?

GILBERT FACCHINETTI: Ah non! Personne n'aurait le droit de me dire ça! Je connais quand même chaque recoin de la Maladière, et tous les gens qui composent ou composaient ce club. Je me suis expliqué avec Rudakov, lui disant que j'étais là pour l'aider.

Propos recueillis par Daniel Burkhalter

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"Ca aurait la même valeur que nos deux titres nationaux"

tsrsport.ch: NE Xamax n'est pas si mal barré que ça en championnat, avec sa 8e place. Et les programmes de St-Gall et Bellinzone sont quand même pas mal non plus...

GILBERT FACCHINETTI: Chacun doit jouer pour sa pomme, et nous les premiers! Il faut que nos joueurs ne pensent qu'à Xamax et pas aux résultats des autres équipes. L'échéance, c'est YB ce dimanche, puis Sion en championnat. Et ensuite seulement on pensera à la finale de la Coupe.

tsrsport.ch: Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné cette saison? Les nombreuses défaites à domicile en début de saison ont plombé le moral des troupes...

GILBERT FACCHINETTI: On encaissait souvent des buts en fin de match, alors qu'on menait au score. C'était navrant et giflant. Pour finir, quand on ne peut plus gagner, on prend l'habitude de ne plus gagner. C'est mental.

tsrsport.ch: L'arrivée à la barre de Bernard Challandes, un motivateur hors pair, ne peut donc faire que du bien!

GILBERT FACCHINETTI: En l'état actuel, on ne pouvait pas mieux choisir! Et je suis d'ailleurs très content qu'il soit là. Pour lui, comme pour nous, ce serait quelque chose d'éblouissant s'il pouvait, lui le Neuchâtelois, sauver notre équipe et ramener la Coupe. Ce serait incroyable! (ses yeux s'illuminent d'un coup!)

tsrsport.ch
: Cette Coupe, justement parlons-en enfin (sic!), Xamax ne l'a jamais gagnée et elle vous tient particulièrement à coeur. On peut même imaginer que ce soit Michaël, votre petit-fils, qui vous la tende...

GILBERT FACCHINETTI
: Ce serait... l'idéal. Ca aurait la même valeur que nos deux titres nationaux (87 et 88). Je n'ose même pas y penser. Ce serait la plus grandiose... (il tente de retenir ses larmes). Ce serait... Je n'arrive même pas à le dire.

Coupe, les finales de Neuchâtel Xamax

1974: Sion - Neuchâtel Xamax à Berne (3-2)
1985: Aarau - Neuchâtel Xamax à Berne (1-0)
1990: Grasshopper - Neuchâtel Xamax à Berne (2-1)
2003: Bâle - Neuchâtel Xamax (6-0)
2011: Neuchâtel Xamax - Sion à Bâle (?)