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Sébastien Fournier: "Esprit valaisan, coeur grenat"

Fournier (2008) [KEYSTONE - Dominic Favre]
Aujourd'hui entraîneur de Servette M21 et directeur de l'académie servettienne, le Valaisan de 40 ans a viré au grenat. - [KEYSTONE - Dominic Favre]
Dimanche, Servette accueille Sion pour un deuxième derby du Rhône 2011/12 qui s'annonce enflammé entre deux équipes en quête de points. Sébastien Fournier, l'ancien Sédunois passé chez le rival servettien, livre ses impressions. Interview.

Les Genevois (7es) sont en panne d'efficacité et de réussite en Super League depuis le 28 août et leur carton 4-0 dans l'antre des ... Valaisans.

Si les résultats sont au rendez-vous pour le FC Sion (3e), le litige face aux instances du football occupe un espace important. A Genève, Laurent Roussey devra composer sans les recrues estivales. Il s'agira donc pour Obradovic et Cie de prouver une nouvelle fois leur force de caractère.

Sébastien Fournier, ancien joueur du FC Sion, aujourd'hui directeur de l'académie servettienne et coach des M21 du SFC, évoque ce match spécial.

Fournier prend le dessus sur le joueur de Saragosse, Juan Castano. C'était lors de la campagne européenne du SFC en 2001/02. [KEYSTONE - Martial Trezzini]
Fournier prend le dessus sur le joueur de Saragosse, Juan Castano. C'était lors de la campagne européenne du SFC en 2001/02. [KEYSTONE - Martial Trezzini]

tsrsport.ch:

Vous êtes à Servette depuis 1997, en tant que joueur, puis comme membre de l'encadrement du club. Comment avez-vous traversé ces années en Grenat?

SEBASTIEN FOURNIER: Lorsque j'étais joueur, j'ai eu la chance de vivre des moments extraordinaires avec Servette. Nous avons connu beaucoup de succès à la fin des années 90, début des années 2000 à travers la victoire en championnat en 1999, la Coupe en 2001 et deux-trois jolies campagnes européennes. Après il y a eu la période "blessure". J'ai dû arrêter ma carrière de joueur (ndlr: 2004). C'est un moment où j'ai pris du recul et dont j'ai profité pour commencer ma formation d'entraîneur.

Après nous avons vécu des moments très difficiles avec la faillite du club (ndlr: 2005). On a fait comme on a pu et on a eu un certain succès en remontant tout de suite en Challenge League, alors qu'on est parti de presque rien. Puis, Monsieur Pishyar est arrivé, il a remis le professionnalisme en place. Et enfin la remontée dans l'élite après un barrage qui a été un des moments les plus chargés d'émotions que j'ai eu l'occasion de vivre à Servette.

"Il y a beaucoup d'échanges entre les coaches"

tsrsport.ch: Les joueurs parlent souvent de la 1ère équipe comme d'une famille. L'image s'applique-t-elle à toute la structure du Servette FC?

SEBASTIEN FOURNIER:

La 1ère équipe a bâti son succès sur une atmosphère. Le coach a une attitude paternaliste, chaleureuse. Je pense qu'il arrive bien à la transmettre. Les résultats aidant, cela a aussi permis de créer une belle dynamique de groupe.

International à 40 reprises, Sébastien Fournier (2e en partant de la gauche) a vécu le Mondial 1994 et l'Euro 1996. [KEYSTONE - STR]
International à 40 reprises, Sébastien Fournier (2e en partant de la gauche) a vécu le Mondial 1994 et l'Euro 1996. [KEYSTONE - STR]

Une dynamique que nous avons également chez les M21, avec qui nous restons sur deux excellentes saisons.

Ce que je trouve extraordinaire également c'est l'échange entre les entraîneurs, il y a une vraie richesse dans ces relations. On sent que les gens ont du plaisir à venir dispenser les entraînements, à se retrouver, à faire avancer la structure. Tous les entraîneurs ont envie de progresser, ils suivent leur cursus et entre les coaches il y a beaucoup d'échanges à ce niveau-là pour nous entraider.

tsrport.ch: Cette dynamique a bien fonctionné en début de saison, mais le SFC commence à marquer un peu le pas...

SEBASTIEN FOURNIER: L'élan de la montée, l'effet de surprise ont également joué leur rôle au début. Après la victoire contre Sion, il ne faut pas oublier qu'on joue Bâle. Je ne pense pas que ce soit scandaleux de perdre ce match. Puis, on s'est inclinés face au leader Lucerne en étant un peu volés par l'arbitrage. Ensuite un nul à Lausanne, je ne pense que ce soit un couac non plus. Et enfin une défaite à Bâle, qui trouve petit à petit son rythme de croisière. La semaine qui vient devrait permettre de nous situer, de bien mesurer la valeur du groupe.

"C'est le seul vrai derby en Suisse pour moi"

tsrsport.ch: Quel Sion vous attendez-vous à retrouver dimanche à Genève?

SEBASTIEN FOURNIER:

Sion, quand il a tout son monde, reste une grosse cylindrée du championnat. Et même privé de ses recrues, on a pu voir ses qualités en début de saison. C'est une équipe qui voyage bien, solide, qui sait subir comme faire le jeu. Il y a aussi de la qualité athlétique qui lui permet de jouer bas, de ne pas trop être inquiété sur coups de pied arrêtés et à l'inverse d'être redoutable dans ce secteur de jeu. Les Sédunois sont également efficaces à l'extérieur.

En 2002, aux Charmilles, Fournier mène la vie dure au Sédunois Johann Luyet, lors d'un des nombreux derbies du Rhône qu'il a disputé. [Laurent Gilliéron]
En 2002, aux Charmilles, Fournier mène la vie dure au Sédunois Johann Luyet, lors d'un des nombreux derbies du Rhône qu'il a disputé. [Laurent Gilliéron]

C'est une équipe ambitieuse et je pense qu'elle a les moyens de ses ambitions.

tsrsport.ch: Vous parliez des recrues. Que vous inspire toute cette saga extrasportive?

SEBASTIEN FOURNIER: Je reste focalisé avant tout sur l'aspect sportif. Je peux parler en tant que technicien. Je me mets à la place de l'entraîneur, du staff technique face aux difficultés de gérer un groupe dans l'incertitude. Mettre en place des stratégies en début de semaine, puis devoir en changer deux jours après, c'est tout sauf facile. La gestion doit vraiment être compliquée. En terme de motivation également.

tsrsport.ch: D'un point de vue personnel, comment allez-vous vivre ce derby?

SEBASTIEN FOURNIER: Comme je dis toujours, je garde l'esprit valaisan, même si quelque part, mon coeur est devenu grenat. Cela fait presque 15 ans que je suis au club. Je suis allé chercher une partie des joueurs du contingent, certains sont passés par notre formation. Il y a un attachement aux gens qui forment ce club, au club, puis naturellement à la région aussi.

J'aimais disputer ces derbies. Avec le FC Sion, il n'y avait aucun souci de conditionnement. Lors des premiers duels avec le SFC, j'avais de l'appréhension. Mais avec l'habitude, elle est passée. Ce derby reste néanmoins spécial. Les citadins contre les montagnards. Les opposés s'attirent. Et comme je dit souvent, les Valaisans viennent à Genève la semaine et les Genevois vont en Valais le week-end. C'est le seul vrai derby de Suisse pour moi. Il y a toujours quelque chose autour qui fait sortir de la routine du championnat.

Propos recueillis par Ludovic Perruchoud

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"Ce ne sera pas à la vie, à la mort"

tsrsport.ch: Vivez-vous ces derbies de la même manière que lorsque vous étiez joueur?

SEBASTIEN FOURNIER: Je vais au match dimanche, je le regarderai en tant qu'entraîneur, formateur. Le côté émotionnel est moins marqué maintenant, il est devenu plus analytique, tactique, stratégique. En tant que joueur, comme je l'ai dit, il y avait un peu d'appréhension dans les premiers derbies que j'ai joués avec Servette contre Sion. Mais j'ai essayé de canaliser cet aspect pour vraiment me concentrer sur la réalité du terrain.

tsrsport.ch: Est-ce que ces derbies ont la même saveur qu'auparavant?

SEBASTIEN FOURNIER: L'aller en avait évidemment, après plusieurs saisons de disette. J'y étais et je voulais y être, car cela faisait longtemps et comme beaucoup j'étais un peu sur les dents. Ce match avait un truc en plus. Le retour en aura un aussi. L'enjeu participe également à la saveur d'un derby. Les deux équipes doivent faire des points dimanche, mais n'ont pas tout à fait les mêmes ambitions si on regarde le classement, mais ce ne sera pas à la vie, à la mort comme dans une finale de Coupe par exemple.

Aujourd'hui, il y a peut-être un peu moins d'identification au club. Quoique à Servette, on a beaucoup de Genevois, mais ce côté-là est peut-être moins présent. La société, l'évolution du football le veulent. Aujourd'hui, tu as le maillot d'un club, et six mois après tu as le maillot d'un autre club et puis tu embrasses le logo. A l'époque, il y avait sans doute plus de clubistes, de joueurs pour transmettre les valeurs du club.  Il y en a quelques uns tout de même à Sion avec Obradovic et Servette avec Pizzinat, Gonzalez...

"Servette est un club qui forme"

tsrsport.ch: Comme se passe votre engagement dans la formation au SFC ?

SEBASTIEN FOURNIER: Après 2008, j'ai surtout été engagé parmi les jeunes à Servette. J'étais responsable technique pendant la période de vache maigre. Il a fallu maintenir la structure formation en place, car on sait que tous les clubs ont besoin de cela. Et aujourd'hui, je suis très content de ce qui a été réussi avec l'entrée dans l'encadrement, dans le groupe de personne très compétente à l'image de Raphaël Wicky (ndlr: coach M14), Anthony Braizat (M13), Denis Duchosal (M16) et tous les entraîneurs en charge de la formation.

On fait du bon travail. La preuve en est que dans la 1ère équipe, beaucoup sont issus du bassin genevois. Ce qui est très rare. Autrefois, Servette avait plutôt l'image d'un club de nantis, de riches. Aujourd'hui c'est un club qui forme des joueurs du canton, à l'image de Rüfli, Gonzalez, Pizzinat, Esteban. Routis et Kouassi sont aussi passés par la formation chez nous. Moubandje, Vitkieviez également. Cela fait déjà pas mal. Sans parler des Kusunga, Hochstrasser ou Tréand qui ont quitté le club.

tsrsport.ch: Il y a donc une vraie évolution...

SEBASTIEN FOURNIER: Il y a une vraie envie de former les joueurs et de préparer la relève, l'avenir. L'accent sur la formation reste un des objectifs du club et on est content que cela se passe bien dans ce cadre-là.

Ce qui nous intéresse c'est la progression individuelle dans le collectif. On sait que tous n'iront pas en 1ère équipe de Servette ou d'Etoile Carouge. Il y a des joueurs qui évolueront en 1ère ligue, 2ème ligue, 2ème ligue inter. C'est la marge de progression qui le déterminera. Je ne suis pas un menteur, je ne le cache pas à mes joueurs. Tous n'évolueront pas forcément au SFC. Mais bon, le football d'élite, c'est une super école de vie et surtout pas, comme je l'entends parfois, des sacrifices. S'il est question de sacrifices, alors il faut faire autre chose.