Bulat Chagaev sait néanmoins que sa situation est délicate. C'est sans doute pourquoi il a demandé à recevoir par avance les questions et à relire son entretien, tout en précisant ne pas souhaiter aborder les sujets sur la Tchétchénie et le président Ramzan Kadyrov. "Ma famille vit toujours là-bas", se justifie-t-il.
SPORTINFORMATION: Bulat Chagaev, les salaires de septembre ont enfin été versés. Quelle somme cela représente-t-il?
BULAT CHAGAEV: Pas uniquement les salaires, mais aussi une partie de dettes aux poursuites. La masse salariale de Xamax oscille entre 800 000 et 1 million de francs, et cela jusqu'en décembre prochain.
Que ce fut laborieux...
BULAT CHAGAEV:
PostFinance a reçu l'argent jeudi. Elle en avait déjà reçu plus tôt, mais elle nous le renvoyait tout le temps. Vendredi, elle a à nouveau bloqué les fonds, et je sais de qui vient cette demande.
"Je voulais tout payer vendredi"
De qui?
BULAT CHAGAEV: Je ne veux pas répondre, car nous attendons la décision de justice mercredi. Mais plus tard... J'ai simplement contacté le juge Sandoz pour le mettre au courant, et nous sommes allés, avec des joueurs qui voulaient savoir pourquoi leur salaire était bloqué, demander des comptes à PostFinance. On nous a demandé de quitter les bureaux de l'établissement, ce que j'ai refusé de faire. Nous avons finalement obtenu ce que nous voulions. Mais, maintenant, c'est ma banque de Moscou qui me demande de m'expliquer sur douze points car elle ne comprend pas pourquoi mon argent a été refusé.
Avec quel argent avez-vous payé les salaires de septembre et une partie de vos dettes ? Le vôtre ou celui d'une relation?
BULAT CHAGAEV: Avec le mien. Personne ne donne de l'argent comme cela.
Pourquoi ne pas avoir profité de cette ouverture bancaire pour aussi payer les salaires d'octobre et ainsi donner un signal positif quant à l'avenir?
BULAT CHAGAEV: PostFinance m'a imposé une limite! Je voulais tout payer vendredi, salaires d'octobre y compris. Dès que nous trouverons une solution avec les banques, je réglerai d'abord les salaires, puis les dettes.
"Les dettes restantes toutes douteuses"
Vous disiez que vous avez également réglé une partie des 4,2 millions de francs de dettes que vos créanciers ont dénoncées aux poursuites. A quelle hauteur?
BULAT CHAGAEV: 35 des 65 créanciers ont été payés. Mais je précise que le montant total était de 3,6 millions de francs de dettes, et non 4,2, une somme qui englobait les salaires.
Combien vous reste-t-il à payer?
BULAT CHAGAEV:
Environ 1,5 million de francs. Mais ces dettes restantes sont toutes douteuses, comme, par exemple, la TVA de 2008. Pourtant, tout l'argent que nous réclame l'Etat sera
remboursé, car les pouvoirs publics ont les moyens de nous mettre en faillite. Je vais tout régler, même si certaines factures ne concernent pas ma présidence. Je produirai ensuite les pièces devant Sylvio Bernasconi.
Vous parlez de M. Bernasconi. Quelle part des dettes du club estimez-vous être le fruit de l'ancienne présidence?
BULAT CHAGAEV: Au minimum 3 millions sur le 3,6. Quand j'ai acheté Xamax, je n'ai pas eu le temps de bien analyser la situation. J'avais simplement compris que les difficultés étaient grandes, sportivement et financièrement. L'accord avec M. Bernasconi stipulait qu'il me présente un bilan à zéro.
M. Bernasconi ne s'exprime pas depuis son départ du club. Est-il soumis à une clause de silence?
BULAT CHAGAEV: Non.
"Les banques se réfugient derrière l'article 12"
On parle d'un rachat pour un franc symbolique mais d'un gros montant pour les contrats des joueurs. Combien avez-vous vraiment déboursé pour racheter Xamax?
BULAT CHAGAEV: Je ne peux pas le dire car j'ai signé une clause de confidentialité. Mais c'est beaucoup. Trop par rapport à la valeur réelle du club. Si j'avais eu connaissance de la situation, je ne me serais pas engagé.
La justice rendra un verdict important mercredi. Xamax va-t-il faire faillite?
BULAT CHAGAEV: En tout cas pas à cause de ma situation financière personnelle. Des intermédiaires m'ont demandé de laisser couler le club, moyennant remboursement des sommes que j'ai investies, tout cela pour permettre à d'autres de reprendre Xamax. Mais je ne suis pas vendeur! On est venu me chercher en pensant avoir trouvé un idiot de Russie, sans imaginer que j'allais véritablement m'investir. Ces personnes mal intentionnées sont contrariées car j'ai mis un terme à leur petit business.
Les banques se posent visiblement des questions sur la provenance de votre argent, et la Swiss Football League attend des garanties bancaires. Pourquoi ne pas répondre et ainsi mettre fin aux interrogations?
BULAT CHAGAEV:
Personne ne m'a jamais demandé clairement de justifier la provenance de mon argent. Les banques se réfugient derrière l'article 12 pour bloquer mes fonds, et je sais qui les pousse à faire cela. Les banques, qui ne m'ont jamais posé le moindre problème avant que je rachète Xamax, évoquent un problème qui est désormais politique. Elles ne veulent pas nager à contre-courant. Je dérange!
"Des acrobaties financières"
Et concernant la Ligue?
BULAT CHAGAEV: J'aurais apporté les garanties avec plaisir, mais aucune des 20 plus grandes banques de Suisse, ce que réclame la SFL, ne m'accepte. J'ai demandé de l'aide à la Ligue, mais rien n'a été fait. Je suis alors contraint de me livrer à des acrobaties financières pour payer mes employés.
A combien se chiffre votre fortune personnelle?
BULAT CHAGAEV: Je ne le dis pas pour deux raisons. D'abord, mes affaires concernent les bourses de Corée du Sud, de Hong Kong et de New York. Si je parle, cela peut avoir des conséquences. Ensuite, il m'est difficile de répondre. Je peux gagner un milliard aujourd'hui et me retrouver demain dans les chiffres rouges.
Certaines personnes en Tchétchénie ou en Russie vous accusent d'avoir volé de l'argent. Est-vrai?
BULAT CHAGAEV: Je n'ai rien volé à personne. Ce que je fais, je le fais avec mon argent. Que celui qui prétend le contraire en apporte la preuve.
si/lper
Bulat Chagaev: "C'était toujours à cause de moi"
Christophe Moulin est la dernière victime en date de Bulat Chagaev. Le président de Neuchâtel Xamax reproche à son ancien directeur sportif un manque d'efficacité dans le travail, malgré cinq avertissements adressés au Neuchâtelois. "Je suis reconnaissant des efforts fournis par Christophe Moulin", commence Chagaev, "mais cela ne me suffisait plus. Il devait changer sa méthode de travail à plusieurs niveaux. Après quatre mois, il n'a corrigé que le 50% de ses erreurs, et je n'ai pas le temps suffisant pour me satisfaire d'un tel rythme. Un directeur sportif doit tout connaître de son club: les problèmes de la première équipe tant sur le plan sportif que personnel, les soucis des équipes de jeunes, les ennuis de salaires, les relations avec les fans, etc. Ce n'était pas le cas."
Evoquant plusieurs dysfonctionnements chez les juniors (absence de budget clair pour le secteur de la formation, problèmes de matériel) mais aussi et surtout en première équipe (réservations d'hôtel mal effectuées), Bulat Chagaev s'est agacé des justifications que lui aurait sans cesse fournies Moulin. "A chaque fois, c'était: 'Bulat, personne ne veut travailler avec toi car on ne t'aime pas.' C'était toujours à cause de moi. Lui, un Neuchâtelois, n'arrivait pas à trouver des gens de la région, voire même de Suisse, prêtes à rejoindre le club. J'ai même dû aller chercher un médecin en Espagne!"
Le plus gros grief reste d'ordre sportif et concerne le manque de profondeur du banc xamaxien. "On le voit avec la blessure d'Arizmendi, nous n'avons personne pour le remplacer. J'ai demandé en septembre à Moulin de me trouver un joueur suisse. Le premier qu'il me présente et m'amène dans mon bureau, je découvre qu'il n'est pas Suisse (ndlr: l'Argentin d'YB Emiliano Dudar, assure Chagaev). Le deuxième coûterait 3 millions de francs (ndlr: le Zurichois Xavier Margairaz). Si je l'engage à ce prix, on m'accuse de gonfler les prix. Le troisième (ndlr: le Sédunois Stefan Glarner) était en route pour mon bureau quand Christian Constantin a décidé de ne plus le vendre. C'était un échec sur toute la ligne!"
PostFinance ne commente pas
PostFinance, dont le nom revient souvent ces derniers jours dans le dossier NE Xamax, ne commente pas les récentes déclarations de Bulat Chagaev ou de ses employés. "Il s'agit de détails concernant un compte et concernant la relation privée entre un client et PostFinance", a simplement répondu un porte-parole de l'établissement.
PostFinance, où Neuchâtel Xamax SA détient le compte qui a permis le versement des salaires du mois de septembre, a juste confirmé la visite dans la filiale neuchâteloise "d'une délégation de Neuchâtel Xamax, formée de joueurs et de responsables", au cours de laquelle a eu lieu une discussion "au contenu privé".
Plusieurs membres de Neuchâtel Xamax, du président Bulat Chagaev aux joueurs, ont expliqué que le versement des salaires du mois de septembre avait été retardé car le compte du club était bloqué par l'établissement.