Le calendrier actuel met-il les joueurs en danger?
Quand on enchaîne les matches comme à l'heure actuelle avec une moyenne d'une partie tous les 2-3 jours, la question de la récupération et du risque de blessures se pose évidemment. En clair: le calendrier actuel met-il les joueurs en danger?
On est en état d'alerte maximale
Pour le Professeur Jacques Menetrey, médecin du sport à la clinique Hirslanden de la Colline à Genève, "c'est un rythme de stakhanoviste... Actuellement, on est en état d'alerte maximale pour tout ce qui concerne les lésions de surcharge, les lésions musculaires, sans oublier les troubles du sommeil. Il faut savoir que le sommeil fait partie de la récupération de base de tout athlète. Et après un match de hockey, c'est très souvent difficile de trouver le sommeil. Lorsqu'on enchaîne les matches de façon très intense, on peut avoir de gros problèmes de sommeil. C’est donc la porte ouverte à la survenue de blessures tant traumatiques que de surcharges".
Et le professeur Menetrey de poursuivre son argumentation: "le hockey sur glace est un sport qui requiert une excellente coordination œil-main. Et on sait que cette coordination est très négativement influencée par le déficit de sommeil... Lorsque l'on est fatigué, on est un tout petit peu moins bon dans nos décisions et on peut prendre des décisions qui pourraient amener ou ouvrir la porte à une éventuelle blessure."
La récupération est indispensable
Chris Rivera, qui a griffé les patinoires suisses de Ligue nationale de 2003 à 2018 sous les couleurs de Genève-Servette, Martigny, Viège, Lausanne et Fribourg-Gottéron, abonde dans le sens du Professeur Menetrey: "la récupération est indispensable, mais avec un sport de contact, avec autant d'adrénaline, il est compliqué de trouver rapidement le sommeil après un match. Les émotions remontent, on ressasse le match, on pense à la défaite rageante ou à la bagarre. Des fois, ça peut aller jusqu'à 3 ou 4 heures du matin pour trouver le sommeil. Peut-être que ce n'est pas bien de le dire, mais à l'époque on avait des pilules pour dormir".
On essaie d'éviter les écrans et de stimuler de petites périodes de méditation
Afin d'optimiser le sommeil, toute une série de protocoles a été mise en place. "On essaie d'éviter les écrans et de stimuler les athlètes à favoriser une petite période de méditation et de relaxation, une fois qu'ils sont rentrés chez eux. Il faut les réhydrater le plus vite possible dès la fin du match, afin qu'ils puissent retrouver le calme nécessaire pour bien dormir. Chaque athlète est différent et va réagir à sa manière. Raison pour laquelle il y a tout un travail qui est fait par nos psychologues du sport pour essayer de favoriser l'élimination des pensées pouvant nuire à l'endormissement", explique le médecin responsable de Genève-Servette.
Les corps doivent vraiment souffrir
"Il faut vraiment être discipliné", renchérit Chris Rivera. "La veille du match, il faut bien manger, boire et se coucher le plus tôt possible. Il ne faut pas aller boire des bières comme cela a pu être le cas par le passé... Les joueurs sont très costauds et je suis assez surpris qu'il n'y ait pas plus de blessures que d'habitude. C'est fou! Cela démontre que les joueurs sont bien préparés. Je pense que si on avait fait ça il y a 10 ou 20 ans avec des confinements de joueurs, ils seraient plus revenus avec de gros ventres que des abdos. Le rythme que vivent les joueurs actuellement est complètement fou. Les corps doivent vraiment souffrir".
Berne: 33 matches à jouer en... 2 mois
Plus que le nombre de matches, c'est la concentration qui pose problème. Berne n'a disputé que 19 rencontres à ce stade de la compétition. La fin de la saison régulière est prévue le 5 avril. Les Ours devraient donc disputer théoriquement 33 matches en un peu plus de 2 mois.
"C'est presque inhumain, même pour une organisation aussi professionnelle que peut l'être celle du CP Berne, estime le Professeur Menetrey. Berne a une profondeur de banc très importante, mais il n'empêche pas moins que le stress imposé sur l'organisme des joueurs sera extrêmement important. Il y a un point qui avantage un tout petit peu Berne. Berne étant placé géographiquement au centre du pays, cela lui permet de passer, sur une saison, 2 fois moins de temps dans le bus lors de ses déplacements qu'une équipe comme Genève-Servette ou Lugano".
Je pense qu'il est temps que les joueurs disent un peu ce qu'ils pensent
Chris Rivera estime pour sa part que c'est "impossible" de gérer 33 matches en 2 mois. "C'est complètement aberrant. Je pense que les joueurs ne sont pas du tout écoutés. On a une association de joueurs, mais je ne sais pas vraiment à quoi elle sert. Je pense qu'il est temps que les joueurs disent un peu ce qu'ils pensent parce que c'est aussi important. Ce n'est pas uniquement à la Ligue de décider. Ça doit être fait en concertation avec tout le monde. Je pense que c'est un argument qui doit être mis en avant dans les prochaines années parce que ce n'est plus possible".
Jérôme Jeannin, Stéphane Trisconi, Miguel Bao
Un raccourcissement de la saison régulière n'est pas à l'ordre du jour
C'est clair depuis un certain temps que la qualification ne se terminera pas le 22 mars. Les responsables de la compétition ont ainsi repoussé l'échéance de deux semaines, soit jusqu'au lundi de Pâques 5 avril afin de boucler la saison régulière de 52 matches, en premier lieu pour des raisons financières puisque chaque club perçoit une somme à fond perdu pour chaque partie disputée à huis clos.
Cependant, tout s'annonce très compliqué avec des conflits d'intérêt flagrants, l'IIHF veut imposer son Championnat du monde au printemps pour garnir ses fonds. La Ligue suisse pourra-t-elle boucler son championnat à temps ?