"Avec un nombre si faible de représentants suisses en NHL, il
sera difficile d'obtenir un jour une médaille dans un grand
tournoi", martèle Jean-Jacques Aeschlimann (40 ans), ex-attaquant
chevronné de l'équipe nationale et aujourd'hui responsable de la
commission technique d'Ambri-Piotta.
Que manque-t-il aux Helvètes pour jouir d'un meilleur crédit
auprès des recruteurs du Championnat nord-américain? Selon Flavien
Conne, des lacunes physiques expliquent notamment ce phénomène.
"Techniquement et question patinage, nous n'avons rien à envier aux
autres. Mais nous avons peut-être un style de jeu trop "doux" pour
les critères nord-américains", affirme l'attaquant de Lugano, qui
défend les couleurs de la sélection à croix blanche depuis
1999.
La Suisse de Ralph Krueger, qui fait partie des nations
"émergentes" du hockey, manque également encore de reconnaissance
au niveau international.
"La fin du monde est proche"
Ainsi, la défaite subie par le Canada face à la Suisse lors des
JO 2006 (2-0), la première de l'histoire en match officiel, avait
été ressentie comme une honte nationale du côté d'Ottawa et de
Québec. Cela n'aurait pas été le cas si l'équipe à la feuille
d'érable s'était inclinée face à un autre membre du "top-7"
mondial.
Dans ce sens, l'idée qu'un Suisse puisse réellement renforcer un
club nord-américain doit faire son chemin. Une phrase écrite dans
un quotidien montréalais le jour du transfert de David Aebischer au
Canadien illustre bien ce propos: "Un Suisse et un Français
(Cristobal Huet, ndlr) dans les buts de nos Canadiens - la fin du
monde est proche".
Un milieu sans côté humain
Le défenseur Mark Streit, au début de son aventure à Montréal,
estimait que sa tâche aurait été plus facile s'il avait été
Finlandais ou Suédois. Si on regardait le Bernois avec méfiance,
c'est avant tout parce qu'aucun joueur de champ suisse ne s'était
encore imposé en NHL. Réussir une carrière en Amérique du Nord n'a
rien d'une sinécure. Car dans ce milieu, le côté humain est
absent.
Celui qui ne répond pas aux attentes est recalé sans ménagement en
équipe réserve, le plus souvent sans explication. En outre, dans la
plupart des cas, la dégradation sportive s'accompagne aussi d'une
baisse de salaire significative.
La NHL a ainsi rejeté de nombreux talents n'ayant pas voulu se
plier aux règles. "Les entraîneurs de cette ligue veulent des
joueurs qui luttent, qui comprennent ce qu'est un jeu d'équipe et
qui acceptent les rôles précis qu'on leur attribue", lance "J-J"
Aeschlimann.
Pour le Biennois, c'est là qu'il faut chercher les raisons de
l'échec en NHL des deux hockeyeurs suisses les plus talentueux, les
attaquants Reto von Arx (31 ans) et Michel Riesen (28 ans).
L'Emmentalois et le Biennois de Davos avaient été les premiers
joueurs de champ helvétiques à tenter leur chance en NHL en
2000/2001, mais sans grand succès. Après respectivement 19 et 12
matches, les deux compères reprenaient en effet le chemin des
patinoires suisses.
Hockeyeurs suisses gourmands?
Depuis longtemps, le hockeyeur suisse traîne aussi en Amérique
du Nord la fâcheuse réputation d'un athlète rechignant à quitter le
confort de son pays et les hauts salaires de son Championnat
national. Caricature ou réalité?
Flavien Conne, sélectionné en 2000 par Los Angeles après de bonnes
prestations au niveau international, a refusé en son temps une
offre "au rabais" du club californien. Les Kings ne lui
garantissaient pas d'échapper à un séjour en AHL. "Pas question de
rejoindre la NHL dans ces conditions", assène le Genevois de 27
ans. Mais les hockeyeurs suisses seraient-ils vraiment moins
enclins que les autres Européens à consentir à certains
sacrifices?
Quoi qu'il en soit, les mentalités évoluent peu à peu. De plus en
plus de jeunes Suisses traversent l'Atlantique pour rejoindre les
ligues mineures, afin de tenter de se faire une place au soleil de
la NHL. "Et prenez le cas de Mark Streit, relève "J-J" Aeschlimann.
Il est en train de mener la vie dure aux clichés. Car même s'il
possédait le statut de star en Suisse, il n'a jamais refusé les
rôles qu'on lui a donnés à Montréal, comme de jouer en attaque la
saison dernière pour le bien de l'équipe. Même après une première
année difficile, il n'a jamais cessé de travailler pour s'imposer",
constate l'ex-Luganais.
Avec un certain succès, puisqu'à l'issue de sa deuxième saison, le
capitaine de la "Nati" a triplé son total de points (10 buts/26
passes) par rapport à 2006!
TXT/Michaël Taillard
Les Suisses qui vont débuter la saison
David Aebischer, gardien
1ère saison avec Phoenix
7e année en NHL (213 matches)
Martin Gerber, gardien
2e saison avec Ottawa (29 matches)
5e année en NHL (143 matches)
Mark Streit, défenseur
3e saison avec Montréal
3e année en NHL (124 matches)
Jonas Hiller, gardien
1ère saison avec Anaheim
1ère année en NHL (1 match)
.
Les Suisses en AHL
Daniel Manzato (Albany), gardien
Tim Ramholt (Quad City), défenseur
Juraj Simek (Manitoba), attaquant
Tobias Stephan (Iowa), gardien
.
Les Européens en NHL en 2006/2007
République tchèque: 65 joueurs
Suède: 50
Russie: 44
Finlande: 42
Slovaquie: 26
Allemagne: 7
Suisse: 5
Lettonie: 4
Biélorussie: 3
Ukraine: 3
Danemark: 2
Norvège: 2
Autriche: 2
Lituanie: 1
France: 1
Slovénie: 1
Kazakhstan: 1