Sortir de l'ombre de son père, quand celui-ci a été notamment triple champion de Suisse avec le CP Berne dans les années 70 en tant qu'entraîneur-joueur, puis triple finaliste avec Fribourg-Gottéron en tant que coach au début des années 90, n'est pas chose aisée.
Mais Jan Cadieux (42 ans), champion de Suisse avec Lugano en 2003 durant sa carrière de joueur, a pourtant réussi à tracer sa propre voie, avec brio.
Désormais -comme Paul-André jadis- entraîneur de GE-Servette, le Canado-Suisse veut mener les Aigles au sommet.
Hartikainen et Cie me donnent leurs feedbacks. A moi, ensuite, de prendre la meilleure décision
RTSsport.ch: Pour votre 2e saison en tant que coach des Grenat, vous dirigez des stars de la trempe de Teemu Hartikainen, Linus Omark, Valtteri Filppula, Henrik Tömmernes, ou encore Sami Vatanen. Ce doit être un régal, non?
JAN CADIEUX: J'ai du plaisir à travailler avec n'importe quel membre de ma formation. Mais l'échange avec ceux que vous avez mentionnés est intéressant. A certains moments, ils me donnent des idées ou des feedbacks. C'est à moi, ensuite, de prendre la meilleure décision pour l'équipe.
RTSsport.ch: Les Finlandais et les Suédois étant considérés comme très intelligents tactiquement, votre tâche est-elle facilitée?
JAN CADIEUX: Ce sont de très bons joueurs. Leurs pays ont certainement encore une petite longueur d'avance. Mais en Suisse, on a tout de même beaucoup progressé à ce niveau durant les 10-15 dernières années.
C'est certainement l'un des meilleurs GE-Servette de l'histoire
RTSsport.ch: Est-ce le meilleur GE-Servette de l'histoire, sur le papier?
JAN CADIEUX: Dur à dire. J'ai connu certaines versions du club, mais je ne les ai pas toutes vues jouer. Sur le papier, on a une très bonne équipe. Mais c'est toujours difficile de comparer les époques, car chacune est différente. Par rapport au style de jeu pratiqué de nos jours, c'est certainement l'une des meilleures versions jamais proposées par GE-Servette.
RTSsport.ch: Votre équipe alignant, avec encore le Canadien Daniel Winnik, 6 étrangers de qualité exceptionnelle, vous devez sans doute être satisfait du passage à 6 joueurs importés depuis cette saison?
JAN CADIEUX: Au début, ça me dérangeait un peu pour les Suisses. Mais quand on voit les joueurs qui sont arrivés en National League, je me dis que c'est un plus pour le championnat. Car la qualité des 3e et 4e blocs a augmenté. Du coup, l'équipe nationale en profitera. Dans toutes les ligues majeures, les jeunes de 18 ans titulaires sont ceux qui ont un talent exceptionnel. Ce sera désormais la même chose ici.
RTSsport.ch: Avec Jonathan Mercier (ex-défenseur du club) et Jimmy Omer (responsable matériel), vous êtes la seule autre personne à avoir participé, comme joueur ou coach assistant, aux 3 finales disputées par GE-Servette, en 2008, 2010 et 2021. L'envie, du coup, doit être grande de décrocher enfin ce 1er sacre des Aigles.
JAN CADIEUX: J'ai évolué 8 ans à Genève en tant qu'attaquant (réd: de 2003 à 2011). Le plus âgé de mes enfants est né ici, ma femme est devenue davantage Genevoise que Tessinoise: ma famille et moi, nous nous sentons donc bien ici. J'ai eu du succès au GSHC comme joueur, et désormais je veux en avoir comme entraîneur. L'objectif ultime, oui, c'est de fêter un titre avec ce club.
RTSsport.ch: Avez-vous toutefois la profondeur de banc suffisante pour vaincre des armadas comme Zoug et Zurich en playoffs?
JAN CADIEUX: On parle souvent de 2-3 équipes favorites. Mais c'est une grande erreur. En ce début de saison, on constate que chaque match est serré dans cette ligue. Six, voire sept équipes ont en réalité le potentiel d'aller chercher la Coupe. La profondeur du cadre jouera un grand rôle, et nous aurons notre mot à dire si on arrive à rester en santé.
RTSsport.ch: A ce propos, les pépins physiques récurrents du gardien Gauthier Descloux ne sont-ils pas un sujet d'inquiétude?
JAN CADIEUX: Oui et non. Il a subi quelques blessures, et ça peut déranger, ou faire peur. Mais j'ai vu comment Gauthier a travaillé durant les 9 derniers mois, et je sais qu'il est en forme. Il a récemment eu une petite alerte, mais ce n'est rien de grave. Avec Robert Mayer, on peut compter sur un très bon 2e gardien, donc cela nous donne le temps de le soigner comme il faut.
RTSsport.ch: Un mot sur Yorick Treille, votre assistant. Vous aviez évolué aux côtés du Français de 2005 à 2007 aux Vernets.
JAN CADIEUX: Notre relation remonte même à plus longtemps que cela. On était à l'école ensemble au Canada (réd: et dans l'équipe de Notre Dame, au Saskatchewan) à l'âge de 18 ans en 1997/98. Nous étions amis lorsque nous étions plus jeunes, désormais notre relation est davantage professionnelle. J'ai beaucoup de respect pour lui, il a de grandes qualités. Il y a de fortes chances qu'il devienne un bon entraîneur en chef à l'avenir.
Propos recueillis par Michaël Taillard / Vidéo réalisée par Miguel Bao
"J'ai grandi avec cette étiquette d'être le "fils de"
RTSsport.ch: Votre père, le légendaire Paul-André Cadieux, a entraîné GE-Servette de 1987 à 1989, puis de 1999 à 2001. Vous occupez désormais le même poste. C'est plutôt inédit dans l'histoire du hockey suisse!
JAN CADIEUX: C'est surtout une belle histoire pour vous, les journalistes! J'ai grandi avec cette étiquette d'être le "fils de". Mais ça fait longtemps que je n'y prête plus attention. Je ne sais pas si ce cas de figure est unique, j'espère ne pas être un précurseur. Si c'est le cas, ça n'occupe pas du tout mes pensées.
"J'écoute mon père, mais je veux faire les choses à ma manière"
RTSsport.ch: Discutez-vous régulièrement entre vous de votre job?
JAN CADIEUX: Oui, cela remonte à ma carrière de joueur. A l'époque, j'avais 2 entraîneurs: celui en club... et mon père! Il me sermonnait après chaque match qu'il voyait. Encore maintenant, il me donne son avis. Je l'écoute, mais je veux écrire ma propre histoire, et faire les choses à ma manière.
"Chris McSorley m'a beaucoup marqué"
RTSsport.ch: Quel entraîneur vous a-t-il le plus influencé?
JAN CADIEUX: Mon père ne m'a jamais coaché, donc je ne peux pas vraiment le citer. Mais il m'a quand même transmis ses valeurs: le travail, et l'exigence envers soi-même. Chris McSorley m'a également beaucoup marqué. C'est l'entraîneur sous les ordres duquel j'ai passé le plus de temps. Avec lui, je retrouvais quelqu'un ayant exactement les mêmes valeurs que mon père.