Antti Törmänen (52 ans), on le sait, est un miraculé. A la tête du HC Bienne depuis 2017, le Finlandais avait en effet souffert d'un cancer de la vésicule biliaire en 2020/21. L'ex-attaquant international avait alors dû momentanément céder sa place derrière le banc à Lars Leuenberger.
L'ex-entraîneur du CP Berne, avec qui il a fêté le titre en 2013, n'a cependant rien perdu de sa détermination. "Son" HCB est d'ailleurs en train de réaliser une belle saison régulière. De quoi ramener les Seelandais au sommet de la National League, pour la 1re fois depuis 39 ans? "Tout est possible", rétorque-t-il stoïquement.
A Ottawa, c'était du chacun pour soi
RTSsport.ch: Joueur, vous avez fait partie de la sélection qui a décroché le 1er titre mondial de la Finlande, en 1995. Un honneur!
ANTTI TÖRMÄNEN: Oui, c'était un privilège. Jeune, je m'étais fixé l'objectif de jouer un jour avec l'équipe nationale. J'ai été chanceux que mon 1er grand tournoi ait été celui-là. C'était énorme de le remporter.
RTSsport.ch: Petteri Nummelin, le coach adjoint du HC Ajoie, était alors votre coéquipier.
ANTTI TÖRMÄNEN: Nous étions surnuméraires au début du Mondial, car les joueurs de NHL avaient la priorité. On a donc travaillé encore plus fort, et on a ensuite reçu notre chance. On a bien lié connaissance, et on a pris beaucoup de plaisir. Quand on se revoit aujourd'hui, on ne parle pas forcément de ce titre. Mais on le garde évidemment dans un coin de notre tête.
RTSsport.ch: Dans la foulée de ce sacre au Championnat du monde, vous avez obtenu un contrat en NHL, à Ottawa. Pourquoi n'y êtes-vous resté qu'une seule saison, avant de rentrer au pays?
ANTTI TÖRMÄNEN: C'était mon but de rejoindre la NHL. Mais j'ai fait face à une culture différente. J'ai toujours été quelqu'un qui valorisait davantage les succès de l'équipe. Mais là-bas, c'était du chacun pour soi. Pour moi, c'était donc dur mentalement. Il y a bien eu quelques négociations pour me faire rester, mais elles n'ont pas abouti. Et je suis du coup revenu en Europe.
RTSsport.ch: Vous n'avez donc pris aucun plaisir à évoluer en NHL?
ANTTI TÖRMÄNEN: Si, car j'étais heureux de réaliser mon rêve. Et j'ai quand même pu disputer 50 matches.
Teemu Selänne était un vrai compétiteur
RTSsport.ch: Vous êtes de la même volée que Teemu Selänne, légende du hockey finlandais et mondial. Etait-ce évident qu'il deviendrait une superstar plus tard?
ANTTI TÖRMÄNEN: J'ai connu Teemu dès l'âge de 8 ans. On a évolué ensemble en juniors jusqu'à nos 15 ans. On s'est retrouvé ensuite au Jokerit Helsinki (réd: au début des années 90). Quand on se mesurait dans divers sports, c'était un vrai compétiteur. Il voulait toujours gagner. Il était rapide, et doué pour le tennis. A l'époque, nous avions tous Jari Kurri pour idole (réd: autre attaquant finlandais mythique). Teemu voulait être aussi bon que lui. C'est ce qui l'a poussé à toujours se dépasser.
RTSsport.ch: La Finlande, championne olympique et mondiale en titre, domine en ce moment le hockey masculin. Cela vous rend-il fier?
ANTTI TÖRMÄNEN: Le hockey est le sport no1 là-bas. Des Jari Kurri, Pekka Rautakallio, Teppo Numminen ou Teemu Selänne ont contribué à ce phénomène, en devenant des exemples à suivre. Et ainsi de suite. Les titres gagnés par notre équipe nationale font aussi qu'au pays, les jeunes talents préfèrent le hockey au foot.
RTSsport.ch: La Suisse peut-elle rêver d'un destin similaire?
ANTTI TÖRMÄNEN: La différence entre les 2 nations est très petite. La Suisse n'était pas loin d'un 1er sacre mondial en 2018. Pour faire le dernier pas, il faut de la chance, et davantage de joueurs en NHL. Au Mondial 2022, l'apport de dernière minute de Miro Heiskanen (réd: défenseur de Dallas) a par exemple tenu un rôle-clé dans la victoire finale.
Dans un monde idéal, on apprécierait chaque jour malgré les difficultés
RTSsport.ch: Jusqu'ici, le HC Bienne connaît une belle saison.
ANTTI TÖRMÄNEN: Jusqu'ici? Je trouve ça plutôt sarcastique de votre part (rires). La 1re partie de l'exercice est derrière nous, et les choses sérieuses commencent, en même temps que l'hiver. On est capable de battre n'importe quelle équipe. Mais il nous reste encore beaucoup de travail.
RTSsport.ch: Vous qui avez survécu à un cancer, vous relativisez peut-être désormais le poids d'une défaite?
ANTTI TÖRMÄNEN: Oui, ça remet les choses en perspective. Mais je n'y pense pas forcément toujours. C'est le cas si quelque chose ne se passe pas comme prévu. Mais c'est du passé. Il faut se concentrer sur l'avenir.
RTSsport.ch: Vous ne vous dites donc pas qu'il faut mieux profiter de l'instant présent?
ANTTI TÖRMÄNEN: Pas toujours. La vie est compliquée. Certaines choses te rendent heureux, et d'autres, tu essaies de les oublier. Dans un monde idéal, on apprécierait chaque jour malgré les difficultés. Mais pour un homme de mon âge, de nouveaux challenges surviennent. Comme la gestion du décès de proches, par exemple.
Propos recueillis par Michaël Taillard / Vidéo réalisée par Miguel Bao
"La Swiss League a besoin du soutien de la National League et de la Fédération"
RTSsport.ch: Langenthal est contraint de quitter la Swiss League à l'issue de la saison, pour des raisons financières. Qu'en pensez-vous?
ANTTI TÖRMÄNEN: Ca a été dur de l'apprendre. J'ai vu plusieurs matches là-bas. Et je sais ce que ce club représente pour cette ville, la passion qu'il suscite. C'est triste. J'espère qu'une solution sera trouvée, d'entente avec la National League et la Fédération. La Swiss League a besoin du soutien de ces 2 entités. Ce championnat a une grande importance pour le hockey suisse. De nombreux jeunes ont besoin d'y évoluer 3-4 ans avant d'être au niveau de la 1re division.