EV Zoug: "Les gens se sont d'abord demandé 'qui est ce type?'", raconte Dan Tangnes
A ses débuts à Zoug, certains experts du hockey helvétique lui prédisaient un licenciement à court terme. Loin s'en faut! Dan Tangnes a en réalité plutôt collectionné les trophées: Coupe de Suisse en 2019, titre national en 2021 et en 2022. Un carton plein, ou presque, pour un coach qui a mis fin, du côté de Zoug, à une attente qui durait depuis 1998. A savoir la date du 1er titre des Taureaux.
Le Norvégien de 44 ans a donc su brillamment composer avec les préjugés. C'est que l'ex-international M20 a toujours dû lutter pour mériter sa crédibilité, venant d'un pays de seconde zone sur la carte du hockey mondial. Mais aujourd'hui, sa valeur n'est plus à démontrer.
Nos joueurs ont été très sollicités ces dernières années
RTSsport.ch: Vous avez prolongé votre contrat jusqu'en 2026. Avec quelles ambitions?
DAN TANGNES: Gagner plus de titres, bien sûr. Je n'aurais pas signé si je n'avais pas foi en ce club. Celui-ci n'a pas encore atteint son plafond. Nous avons eu plus de difficultés cette saison, mais j'espère que cette adversité nous servira dans la quête de notre prochain titre. C'est une bonne leçon pour nous, même si ce n'est pas facile à vivre.
RTSsport.ch: Quelle a été votre recette l'an passé pour faire croire à vos troupes que tout était possible, alors que Zurich menait 3-0 en finale?
DAN TANGNES: On me l'a souvent demandé, et j'aimerais pouvoir vous répondre que je leur ai donné une formule magique. Je pense que mon message le plus important a été de leur dire de continuer à y croire et de se concentrer sur ce que nous pouvions contrôler. Et de se mettre dans une bulle, de ne pas tenir compte de toutes les choses négatives dites à notre sujet. L'aspect mental joue un rôle énorme. C'est un cliché, je sais, mais il fallait prendre match après match. J'aime bien prouver à nos détracteurs qu'ils ont tort, également lorsque ceux-ci disent qu'il est impossible de gagner le championnat 3 ans de suite.
RTSsport.ch: Justement, même question que pour Leonardo Genoni: est-il mentalement plus difficile de partir à l'assaut d'un 3e trophée de champion de rang?
DAN TANGNES: Bonne question. J'espère que non. Une des raisons qui explique nos soucis au classement, c'est que nos joueurs ont été très sollicités ces dernières années. La dernière finale s'est achevée en mai sur un 7e match, et de nombreux internationaux ont disputé des Championnats du monde, voire les JO de Pékin. Devenir champion implique aussi des rencontres avec les sponsors, les supporters et les médias. C'est pourquoi nous avons accusé une certaine fatigue mentale. Mais ce n'est pas le moment de chercher des excuses, on doit plutôt trouver des solutions. Nous devons nous battre pour disputer les playoffs.
Nous n'avons pas renoncé à investir financièrement dans la relève
RTSsport.ch: Zoug a récemment été honoré par le Temple de la renommée de Toronto. Qu'est-ce que cela représente pour vous?
DAN TANGNES: Je pense que nous en sommes tous très fiers. Mais en premier lieu, avant les trophées et les récompenses, ce sont les souvenirs qui comptent. Habituellement, juste avant de soulever la Coupe, tu te souviens de tout ce que tu as enduré afin de parvenir à ce moment, les larmes et le sang que tu as versés. Peu importe ce qui se décide à Toronto, ces moments resteront gravés dans mon Temple de la renommée à moi, pour toujours.
RTSsport.ch: Vous ne disposez plus de votre équipe ferme en Swiss League, Zoug Academy, depuis la fin de la saison dernière. N'est-ce pas un pas en arrière dans la progression de l'EV Zoug que d'avoir enterré cette formation?
DAN TANGNES: Non. Nous n'avons pas renoncé à investir financièrement dans la relève: au contraire, nous dépensons même désormais plus d'argent en ce sens. Car nous possédons davantage de coaches pour nos équipes juniors qu'auparavant. Cela aidera à faire mûrir nos jeunes talents encore plus rapidement, en vue de les aligner en National League. Ces dernières années, nous n'avons, en fin de compte, pas intégré beaucoup de joueurs de Zoug Academy dans la 1re équipe.
RTSsport.ch: Cette saison, vous avez atteint les demi-finales de la Ligue des champions, face à Tappara Tampere. Peut-on espérer un nouveau triomphe suisse dans cette compétition à court terme? L'attente dure en effet depuis 2009, et le sacre des ZSC Lions.
DAN TANGNES: Je pense que c'est vraiment possible. Je reste déçu que nous n'ayons pas atteint la finale. Avec désormais 6 étrangers à disposition, nous devenons plus compétitifs face aux clubs suédois et finlandais, qui peuvent de leur côté aligner autant d'étrangers qu'ils le désirent. Car ces dernières saisons, les vainqueurs du trophée comptaient une dizaine d'importés dans leurs rangs. Si les stars de National League sont meilleures que celles évoluant en Suède ou Finlande, les équipes de ces deux pays ont en revanche pu s'appuyer sur une plus grande profondeur de banc, jusqu'à présent.
Comme joueur, j'étais trop mauvais
RTSsport.ch: Vous venez de la Norvège, un pays de sports d'hiver certes, mais qui ne fait pas partie des places fortes du hockey mondial. A-t-il été plus difficile de se faire accepter en Suède, à vos débuts comme entraîneur à Rögle en 2011?
DAN TANGNES: Il est vrai qu'en tant que représentant d'une petite nation de hockey, je suis parti de loin en Suède. Car pour ce qui est de notre sport, ce pays, où j'ai passé la moitié de ma vie, est comme un grand frère pour la Norvège. Le chemin pour faire ses preuves a donc été plus long que pour un Suédois ou un Nord-Américain, qui part d'entrée de jeu avec une certaine crédibilité en poche. Or, c'était la même chose en Suisse. Les gens se sont d'abord demandé "mon Dieu, qui est ce type?". Mais je pense que, partout où je suis passé, j'ai démontré ma valeur en tant que coach. J'ai prouvé que même les Norvégiens peuvent avoir une influence positive sur notre discipline.
RTSsport.ch: Rêvez-vous de diriger l'équipe de Norvège, ou une autre équipe nationale?
DAN TANGNES: En ce moment, je n'y pense pas. Quand vous êtes enfant, votre objectif est bien sûr de représenter votre pays. C'est un honneur de pouvoir le faire. Mais je me sens bien à Zoug, qui est une très bonne organisation. Nous nous sommes créé de bons souvenirs ici ces dernières années, et j'espère m'en procurer encore d'autres avec ce club dans le futur. Pour la suite, on verra.
RTSsport.ch: Vous avez mis un terme à votre carrière de joueur à 26 ans déjà, en 3e division suédoise. Pourquoi?
DAN TANGNES: Car j'étais trop mauvais (rires)! Je me suis donc dit que si je n'étais pas capable de bien jouer, je me devais de faire la deuxième meilleure chose dans ce sport: entraîner. J'aime vraiment le hockey et je suis content de continuer à le vivre de l'intérieur, dans un rôle différent. Etre derrière un banc, vivre toutes ces émotions, cela vous procure une certaine adrénaline.
Propos recueillis par Michaël Taillard, Vidéo réalisée par Miguel Bao
"Je ne crois pas en l'autorité par la peur"
RTSsport.ch: Comment définiriez-vous votre style de coaching?
DAN TANGNES: Je ne suis pas du genre à hurler sur mes joueurs. Je me contente de leur délivrer mon message, et de faire en sorte qu'ils y adhèrent, afin que nous avancions dans la bonne direction. Je ne crois pas en l'autorité par la peur. Je ne me fie pas non plus au talent et à l'expérience, mais plutôt au caractère et à la discipline. Mon job est de soutenir mes hommes, de les faire progresser. Si je devais faillir à cette tâche, cela me retomberait sur le dos tôt ou tard.
Dan Tangnes en bref
Né le: 3 mars 1979 à Oslo (Norvège).
Poste: entraîneur.
Carrière pro: Rögle BK/SWE (2011-2014), Linköping HC/SWE (2014-2018), EV Zoug (2018- ?).
Palmarès: Champion de Suisse avec Zoug en 2021, 2022. Coupe de Suisse avec Zoug en 2019.