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"Il faut respecter l'Allemagne et les Suisses le savent", affirme Félicien Du Bois

Du Bois (en rouge) a fait valser Patrick Hager lors du quart de finale perdu 1-0 face à l'Allemagne en 2010. [Imago - Sven Simon]
Du Bois (en rouge) a fait valser Patrick Hager lors du quart de finale perdu 1-0 face à l'Allemagne en 2010. - [Imago - Sven Simon]
Si la Suisse entend décrocher son 1er titre mondial, il faudra d'abord se défaire de l'Allemagne, jeudi (dès 15h10 sur RTS 2) en quarts de finale à Riga. Au 21e siècle, la "Mannschaft" a cependant toujours remporté ses matches à élimination directe face aux Helvètes dans les grands tournois. Notre consultant Félicien Du Bois, ex-défenseur international, en sait quelque chose.

Depuis le 7 mai 1992 et une mémorable victoire 3-1 en quarts de finale à Prague, la Suisse a toujours échoué face à l'Allemagne dans un match à élimination directe. Et ce autant au Championnat du monde qu'aux Jeux olympiques.

Défaite 1-0 à Mannheim en quarts du Mondial 2010, 2-1 en prolongation à Pyeongchang en 8es des JO 2018, ou encore 3-2 aux penalties à Riga en quarts du Mondial 2021: les échecs frustrants face au grand voisin se sont succédé dans un passé récent. Présent à chacune de ces 3 parties, Andres Ambühl doit d'ailleurs brûler de prendre sa revanche en Lettonie...

Aligné en 2010 en Allemagne, surnuméraire en 2018 en Corée du Sud et déjà consultant pour RTSsport en 2021, Félicien Du Bois est également idéalement placé pour témoigner des difficultés rencontrées par l'équipe nationale face à la "Mannschaft". L'ex-défenseur international aux 124 sélections est revenu pour nous sur ces confrontations. Le Neuchâtelois de 39 ans se dit toutefois "confiant" avant l'échéance capitale de jeudi.

En 2010, le public allemand chantait "perdants de m..."

Félicien Du Bois

RTSsport.ch: Quels sont vos souvenirs du Mondial 2010?

FÉLICIEN DU BOIS: C'était un nouveau départ pour l'équipe nationale. Sean Simpson était sur le banc pour la première fois après l'ère Ralph Krueger. Il avait amené un vent de fraîcheur en laissant une certaine liberté aux joueurs en-dehors de la glace, ce qui n'était pas le cas avec son prédécesseur. Les familles étaient les bienvenues, et les résultats étaient au rendez-vous. Pour la première fois de l'histoire dans un Mondial, on avait en effet battu le Canada (4-1). On s'était aussi imposé contre la Tchéquie de Jaromir Jagr (3-2). Et on s'est donc hissé en quarts de finale où nous attendait le pays hôte, l'Allemagne. Nous nous disions que c'était un adversaire abordable.

RTSsport.ch: Et là, patatras. Défaite 1-0 et élimination...

FÉLICIEN DU BOIS: On a fait les Suisses (rires)... Je ne pense pas que nous ayons mal joué. En face, leur gardien Dennis Endras était en feu. Nous avons pris un but sur un rebond et nous avons ensuite commencé à paniquer. Le match ne se déroulait pas selon nos plans. A la fin, les émotions sont sorties et il y a même eu des bagarres. Le public allemand chantait "perdants de m...". Pour eux, cette victoire à domicile contre le voisin un poil arrogant, c'était le scénario idéal. Pour nous en revanche, la déception était grande, après avoir regardé les grandes formations les yeux dans les yeux quelques jours auparavant.

RTSsport.ch: Combien de temps vous a-t-il fallu pour digérer cet échec?

FÉLICIEN DU BOIS: Je n'avais pas souffert longtemps, j'étais encore assez jeune (rires). C'était mon 2e Championnat du monde. Donc, pour être honnête, j'étais déjà content d'être là. Et, sans vraiment me rendre compte que nous venions de rater une chance énorme d'aller loin, je me disais qu'il y aurait d'autres opportunités par la suite. En 2010, pour la première fois, j'avais un vrai rôle dans l'équipe, contrairement à 2009. J'étais en effet aligné en power-play et mon partenaire en défense était un certain Roman Josi. Avec le recul, sur les 6 Mondiaux que j'ai disputés, c'est pourtant en 2010 que mes chances de médaille avaient été les plus grandes.

En 2018, je me sentais en décalage avec le discours de Patrick Fischer

Félicien Du Bois

RTSsport.ch: Ensuite, il y a eu cette élimination en 8es lors des Jeux olympiques 2018...

FÉLICIEN DU BOIS: Les Allemands ont réellement pris leur envol contre nous, car ils ont fini médaillés d'argent. Tu te dis alors que si eux l'ont fait, on aurait aussi pu y parvenir. Là encore, une grosse occasion manquée... Nous n'avions cependant pas brillé jusque-là, avec 2 défaites face au Canada (5-1) et à la Tchéquie (3-2). On respectait l'Allemagne, mais on voulait avancer dans le tournoi. Et là, Cody Almond a pris une pénalité de match en tout début de partie. On a donc vite compris que ce serait compliqué... Depuis les tribunes, je n'ai jamais eu l'impression que la Suisse allait passer l'épaule. Et puis l'Allemagne a marqué le 2-1 en prolongation... Contrairement à 2010, je savais que c'était la dernière qui sonnait pour moi: à 35 ans, j'étais en bout de course. J'ai d'ailleurs pris ma retraite internationale dans la foulée. Je ne garde donc pas un bon souvenir de ces JO, même si c'est une fierté d'avoir pu les disputer (réd: 3 matches, 1 but et 1 assist).

RTSsport.ch: En 2018, l'équipe de Suisse était pourtant vue comme une candidate à la médaille d'or par la presse nationale...

FÉLICIEN DU BOIS: C'est bien d'avoir des ambitions, mais je ne sais pas si nous étions déjà prêts à assumer ces grandes paroles à l'époque. Le groupe présent à Riga semble, lui, plus en phase avec cet objectif: la nouvelle génération n'a peur de rien. En 2018, il y avait toutefois encore passablement de joueurs de ma volée. Personnellement, je me sentais en décalage avec le discours des médias et de Patrick Fischer, pour lequel, comme il le disait, seul le ciel est la limite. Au fond de moi, je n'étais pas vraiment à l'aise avec ça. Je me demandais si on avait vraiment nos chances.

RTSsport.ch: Les matches contre l'Allemagne sont toujours spéciaux pour nos compatriotes d'outre-Sarine. Ceux-ci se mettent-ils trop de pression contre cette formation?

FÉLICIEN DU BOIS: La rivalité entre les deux peuples est importante. Les Alémaniques n'apprécient pas forcément leurs voisins, et ces derniers adorent affronter la Suisse en raison des succès récents. Nous sommes fiers de notre National League et avons tendance à dénigrer la DEL. Or pour les Allemands, les duels entre les 2 nations sont l'occasion de prouver que le niveau de leur ligue n'est pas si faible qu'on le pense. Jeudi, ils n'auront rien à perdre et seront encore une fois gonflés à bloc.

Les étoiles sont alignées pour que ce soit l'année de la Suisse

Félicien Du Bois

RTSsport.ch: La différence se fera-t-elle au niveau du mental?

FÉLICIEN DU BOIS: Oui. La Suisse compte davantage de joueurs talentueux et est supérieure dans le jeu. Mais Patrick Fischer a aussi soigné l'approche mentale. En ce sens, il a laissé beaucoup de temps libre aux joueurs. La charge de travail a été conçue afin qu'ils arrivent dans ce quart de finale au pic de leur forme. On espère que les leçons du passé ont été retenues... Les étoiles sont alignées pour que ce soit l'année de la Suisse.

RTSsport.ch: Attention, l'Allemagne possède cependant aussi des joueurs de classe mondiale. On peut citer Moritz Seider (Detroit), John Peterka (Buffalo) et Nico Sturm (San Jose)...

FÉLICIEN DU BOIS: Sans oublier Marcel Noebels, qui avait marqué ce superbe penalty décisif en 2021 contre les Helvètes. Cet attaquant réalise des saisons à plus d'un point en DEL avec Berlin. Il ne ferait pas tache dans notre championnat. En défense, on retrouve aussi Leon Gawanke, qui avait égalisé à 2-2 il y a 2 ans. Pour ces 2 joueurs qui avaient été décisifs, les retrouvailles avec la Suisse sont l'occasion de se rappeler de bons souvenirs. Enfin, il y a Dominik Kahun, qui brille avec le CP Berne. C'est vraiment une équipe solide, qui s'est bien repris après 3 défaites d'entrée. Il faut les respecter et les Suisses le savent.

RTSsport.ch: Il faut donc chasser de son esprit l'idée selon laquelle la Suisse serait largement supérieure à la formation de Harold Kreis.

FÉLICIEN DU BOIS: Oui. La Suisse a certes été plus convaincante jusqu'à maintenant. Mais ce serait prétentieux d'affirmer qu'elle est largement supérieure. Dans une série de playoffs, je mettrais clairement une pièce sur Nico Hischier et Cie. Mais sur un match, les Helvètes ne sont pas à l'abri. En face, ce ne sera pas la Slovénie... Kreis, qui a longtemps coaché en National League, sait en outre parfaitement ce qui se passe dans la tête des Suisses. Il a les moyens de leur poser des problèmes. Mais je suis quand même confiant.

De Riga, Michaël Taillard

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"Seider ne pourra pas gagner le match à lui tout seul"

RTSsport.ch: Avec Moritz Seider en face, on retrouvera une "version allemande" de Roman Josi.

FÉLICIEN DU BOIS: Absolument. En 2021, il a fini meilleur défenseur du Mondial, à 20 ans. Meilleur arrière en Suède avec Rögle la même année, puis meilleur "rookie" en NHL en 2022, il a gravi les échelons un à un. C'est l'un des meilleurs défenseurs du monde. Après, ça reste un jeu d'équipe. Il ne pourra pas gagner le match à lui tout seul. Avec 9 points en 7 matches, John Peterka sera aussi à surveiller de près. Je n'aime pas le dire, mais cette équipe d'Allemagne n'est vraiment pas mauvaise (rires).

Mondial 2023, les quarts de finale (25.05)

La sélection de Patrick Fischer pour le Mondial à Riga (12-28.05)

Gardiens (3): Leonardo Genoni (Zoug), Robert Mayer (Genève), Joren Van Pottelberghe (Bienne).

Défenseurs (8): Michael Fora (Davos), Tobias Geisser (Zoug), Andrea Glauser (Lausanne), Dean Kukan (Zurich), Romain Loeffel (Berne), Christian Marti (Zurich), Janis Moser (Arizona/NHL), Jonas Siegenthaler (New Jersey/NHL)

Attaquants (14): Andres Ambühl (Davos), Christoph Bertschy (Fribourg), Enzo Corvi (Davos), Kevin Fiala (Los Angeles/NHL), Gaëtan Haas (Bienne), Fabrice Herzog (Zoug), Nico Hischier (New Jersey/NHL), Denis Malgin (Colorado/NHL), Marco Miranda (Genève), Nino Niederreiter (Winnipeg/NHL), Damien Riat (Lausanne), Tanner Richard (Genève), Sven Senteler (Zoug), Dario Simion (Zoug).