Malgré ses 40 ans, Martin Gerber joue toujours au plus haut niveau, à Kloten. Cela en dit long sur la volonté de l'Emmentalois, qui affiche l'un des plus beaux palmarès du hockey suisse.
Parti de nulle part, le gardien a réussi, à force de travail, à évoluer dans la prestigieuse NHL. Qui lui aurait prédit un tel avenir à 18 ans, lorsqu'il jouait encore en 2e Ligue et en même temps au unihockey dans sa région?
"Tinu" s'est formé dans l'adversité. A Langnau, d'abord, sous la férule d'entraîneurs comme Paul-André Cadieux et Köbi Kölliker. "Je leur dois beaucoup. Ils m'ont fait jouer. C'était un pas important dans ma carrière". RTSsport.ch est allé le rencontrer au Schluefweg.
"La Ligue des champions rallonge la saison d'un mois"
RTSsport.ch: Pourquoi vous êtes-vous retrouvé à Signau, en 2e Ligue, à 18 ans?
MARTIN GERBER: Depuis mon enfance, j'étais toujours le no2. Je suis parti afin de jouer davantage, d'abord en 2e Ligue, puis à Thoune en 1ère Ligue. Après, je suis revenu aux Tigers en juniors élites. Puis Cadieux m'a donné ma chance.
RTSsport.ch: Vos 3 premières saisons en LNA (1998-2001) à Langnau n'ont pas été roses. De quoi se forger un mental d'acier?
MARTIN GERBER: Pas forcément. Le fait d'avoir beaucoup de travail, ça peut aussi te détruire. Quand tu reçois 50 tirs soir après soir, il y aura un moment où tu vas aussi mal jouer. Mais c'est sûr que j'ai beaucoup appris là-bas.
RTSsport.ch:
Ca ne va pas fort pour Kloten en ce début de saison... Pourquoi?
MARTIN GERBER: Après qu'on a atteint la finale la saison dernière, les attentes sont devenues plus grandes. Notre début de saison a été perturbé par les blessures, on n'a jamais eu l'équipe au complet. Et on n'a pas eu de temps pour construire quelque chose, car la Ligue des champions a commencé très tôt. Et les défaites se sont enchaînées...
RTSsport.ch:Justement, vous avez perdu tous vos matches en Ligue des champions...
MARTIN GERBER: L'équipe était motivée. Mais aucun de nos adversaires n'était là pour le plaisir. Tous en avaient fait un objectif dans leur saison.
RTSsport.ch: Etiez-vous enthousiaste de voir la Ligue des champions renaître?
MARTIN GERBER: L'idée est bonne. Le problème, c'est que tu passes une semaine sur la glace, et la saison commence déjà. C'est une lourde charge supplémentaire, avec tous ces voyages aussi. En fait, ça ajoute un mois à la saison. On n'a pas pu tranquillement intégrer des jeunes dans l'équipe, car il a fallu tout de suite jouer la gagne.
RTSsport.ch: Donc votre réponse est plutôt non!
MARTIN GERBER: Disons que les internationaux, avec encore la Coupe de Suisse, n'ont plus beaucoup de plages de repos. Il faudrait peut-être supprimer une pause internationale... Avec seulement 12 équipes en LNA, je ne pense pas que ça fasse sens de jouer 3 à 4 fois par semaine.
RTSsport.ch:Ce printemps, vous avez perdu en finale (4-0) contre Zurich. Le titre en Suisse, c'est quelque chose que vous regretteriez de ne jamais gagner?
MARTIN GERBER:Je verrai bien une fois ma carrière finie. Espérons que d'ici-là, je l'aurai remporté. Je ne me fais pas de soucis du style "que se passerait-il si?" Ce n'est pas mon genre. Sans toutes ces blessures dans notre équipe, on aurait eu notre chance en finale.
"Je garde de beaux souvenirs de Färjestad"
RTSsport.ch: Il est vrai que des titres, vous en avez de toute façon gagné ailleurs!
MARTIN GERBER:Selon moi, j'ai connu ma meilleure saison en 2001/02 à Färjestad. J'avais réussi à constamment élever mon niveau de jeu. Avec Marcel Jenni, que j'ai retrouvé ici à Kloten, j'ai de beaux souvenirs de cette année où nous sommes devenus champions de Suède.
RTSsport.ch:
Et en 2006, vous êtes devenu le 2e Suisse à gagner la Coupe Stanley. Brillant en saison régulière (38 succès), vous êtes hélas ensuite tombé malade...
MARTIN GERBER:J'ai attrapé un virus 2-3 jours avant les playoff. Après 2 défaites, j'ai dit au coach que ça n'avait plus de sens que je joue.
RTSsport.ch: Par la suite, votre remplaçant Cam Ward avait brillé et vous aviez dû vous contenter des miettes en séries...
MARTIN GERBER: Ward l'avait mérité, au vu de ses performances. Il avait moins joué que moi en saison régulière, donc il était plus frais. L'important, c'est que tu gagnes le titre. Peu importe finalement qui est aligné. Mais j'aurais évidemment préféré jouer davantage.
"J'ai mis 2 mois à m'habituer à Ottawa"
RTSsport.ch:Votre 3e halte en NHL après Anaheim et Carolina, Ottawa (2006-2009), ne vous laisse pas que des bons souvenirs.
MARTIN GERBER:
J'ai mis environ 2 mois à m'habituer aux médias et à l'équipe. C'est un laps de temps bien trop long quand tu joues en NHL. Au sud, en Caroline, j'étais tranquille. Rien à voir avec Ottawa! Au Canada, tout est documenté dans la presse, jusqu'aux moindres petits détails. Et chaque personne que tu croises ne te parle que de hockey. Ca peut devenir pesant à la longue. J'ai retrouvé ma place de no1 la 2e année, Mais lors de la 3e, rien n'a fonctionné. On s'est retrouvé dans une spirale négative, comme cette saison à Kloten. Je n'étais pas malheureux de quitter les Senators, pas habitués aux vieux gardiens, pour Toronto. Là-bas, la pression était encore plus grande, mais c'était quand même plus agréable. Malheureusement, ils ont engagé le Suédois Jonas Gustavsson quelques mois plus tard. Et du coup, je suis parti à Mytichi en KHL.
RTSsport.ch: Onze Suisses jouent en NHL cette saison, alors qu'il n'y avait qu'Aebischer et vous en 2002/03. Positif, non?
MARTIN GERBER: Quand on voit qu'il y a environ 60 Suédois là-bas... Selon moi, il pourrait y avoir encore plus de Suisses. Plusieurs joueurs de LNA auraient le profil pour y évoluer. A mon époque, c'était important qu'Aebischer soit déjà sur place. Ca m'a aidé pour qu'on me donne ma chance, à moi, un autre gardien suisse. Car il faisait du bon boulot au Colorado. Ce qu'il a réussi, c'est impressionnant. Il est parti si jeune aux Etats-Unis (réd: à 19 ans) et il a réussi à s'imposer en NHL. Et même à devenir gardien no1. C'est une belle histoire.
RTSsport.ch: Vous resterez à jamais associé avec l'un des plus grands exploits du hockey suisse, quand la Suisse avait fini 2e du Mondial 2013 à Stockholm. A votre âge, avez-vous renoncé à la Nati?
MARTIN GERBER: Non, j'aimerais bien encore en faire partie. En mai, je serais volontiers allé au Mondial de Minsk. Mais vu que je m'étais blessé en playoff, ça n'avait pas été possible.
RTSsport.ch: Vous ne semblez pas du tout sentir le poids des ans!
MARTIN GERBER: Je me sens encore mieux qu'à 35 ans. Je m'entraîne de manière plus efficace, en n'effectuant pas d'exercices inutiles. Car je sais mieux qu'auparavant ce dont j'ai besoin. Et je fais attention à la récupération.
RTSsport.ch: Votre contrat arrivera à échéance en 2016. Est-ce que Kloten est votre dernier club?
MARTIN GERBER: Je ne sais pas. Je continuerai à jouer aussi longtemps que ma santé et mes performances me le permettront. Et après? J'aimerais bien devenir entraîneur en chef, en juniors ou chez les pros. Je vais commencer des cours pour acquérir les bases du métier.
RTSsport.ch: Pour finir, quelle est votre relation avec la Suisse romande?
MARTIN GERBER: Je la connais surtout via Portalban, vers le lac de Neuchâtel. Je m'y rends souvent en été. C'est une région magnifique.
Propos recueillis par Michaël Taillard - twitter @michaeltaillard
Martin Gerber express
Musique préférée: Pearl Jam, Foo Fighters.
Film préféré: Les Evadés.
Meilleur souvenir: La Coupe Stanley gagnée en 2006 avec Carolina. Et mon premier match en tant que titulaire avec Anaheim. C'était un duel de gardiens suisses contre David Aebischer (réd: victoire des Ducks 3-2 après prolongation contre Colorado le 20.10.2002).
Un lieu de vacances: Les Maldives. Et Portalban, aussi, même s'il y a un peu plus de monde là-bas (rires). Avant, j'aimais bien aller aux Caraïbes et en Asie. Mais maintenant, je préfère passer moins de temps dans l'avion et me rendre en Italie ou en Espagne. J'apprécie aussi faire des vacances en Suisse, il y a de très jolis coins.
Plat/boissons préférés: De la cuisine italienne faite maison avec du vin rouge.
Une qualité: mon positionnement. Je suis rapide sur mes jambes et mobile.
Un défaut: ce n'est pas toujours facile de rester concentré quand tu es gardien, les adversaires tentent parfois de te sortir de ton match.
Si vous n'aviez pas été hockeyeur: je serais devenu maçon. Ce que j'aime bien dans ce métier, c'est qu'au contraire du sport, tu as un résultat bien visible après plusieurs heures de travail.
Des coéquipiers marquants: Sandis Ozolins et Paul Kariya, que j'ai côtoyés à Anaheim. Ozolins était un défenseur impressionnant, le meilleur des patineurs. Quand il le voulait, il était incroyablement fort, comme lors des playoff en 2003. Kariya, lui, était professionnel jusqu'au bout des ongles. Il ne laissait rien au hasard. C'était un robot!
Hobby: le golf, cuisiner, voyager, plonger, balades en forêt, et aller cueillir des champignons.
Martin Gerber en bref
Nom: Gerber
Prénom: Martin
Nationalité: Suisse
Né le: 3 septembre 1974
Position: gardien
Mitaine: main gauche
Taille/poids: 181 cm / 93 kg
Carrière professionnelle:
Langnau (1994-2001), Färjestad/SWE (2001-2002), Anaheim/NHL (2002-2004), Langnau (2004), Färjestad/SWE (2004-2005), Carolina/NHL (2005-2006), Ottawa/NHL (2006-2009), Toronto/NHL (2009) Mytichi/KHL (2009-2010), Oklahoma City/AHL & Edmonton/NHL (2010-2011), Växjö/SWE (2011-2012), Rögle/SWE (2012-2013), Kloten (2013-?).
Palmarès:
- champion de Suède en 2002 avec Färjestad
- finaliste de la Coupe Stanley en 2003 avec Anaheim
- quart de finaliste des Jeux olympiques 2006 de Turin avec l'équipe de Suisse (6e rang final)
- vainqueur de la Coupe Stanley en 2006 avec Carolina
- finaliste de la Coupe Stanley en 2007 avec Ottawa
- médaillé d'argent avec l'équipe de Suisse au Mondial 2013 à Stockholm