David Aebischer a toujours le feu sacré

David Aebischer restera à jamais un "Monsieur" du hockey suisse. Et ce même s'il a été voué aux gémonies ces dernières saisons par beaucoup de monde en raison de performances en demi-teinte.

Le Fribourgeois de 36 ans, premier Helvète à s'imposer en NHL et à gagner la Coupe Stanley, a en effet montré la voie à suivre à tous les hockeyeurs de ce pays, au début des années 2000. A une époque où les meilleurs de ceux-ci se "contentaient" de briller en LNA, loin du bal des meilleurs patineurs de la planète.

De retour d'une blessure à un genou subie en playout avec Rapperswil en mars, "Abby" ne veut pas raccrocher. Actuellement à Thurgovie, le gardien rêve encore de jouer à l'étranger.

"Thurgovie, c'est juste une étape"

RTSsport.ch:Comment va votre genou droit?

DAVID AEBISCHER: Ca va assez bien, je ne sens rien quand je joue. Mais je ne suis pas encore à 100% au niveau de la flexion.

RTSsport.ch:

Etes-vous satisfait de votre retour au jeu à Thurgovie, en LNB?

DAVID AEBISCHER: J'ai eu des débuts difficiles, mais j'ai le sentiment que ça s'améliore de match en match. Je peux bien sûr faire mieux. Mais je suis heureux de connaître à nouveau le plaisir de faire partie d'une équipe.

RTSsport.ch:Thurgovie, c'est un club où vous vous voyez rester à long terme? Votre contrat expire à la fin novembre...

DAVID AEBISCHER:Non. C'est juste une étape, pour renouer avec la compétition. Je suis à la recherche d'un club en Europe. J'espère que ça va se concrétiser bientôt. Le temps presse un peu...

RTSsport.ch: Y a-t-il un endroit en Europe où vous préféreriez jouer?

DAVID AEBISCHER: Non. Dans ma situation, je ne peux pas être difficile. Est-ce que ma famille (réd: marié, il a deux enfants) me suivrait? Le but est qu'on reste ensemble. Ce serait une expérience pour mes enfants de connaître une nouvelle aventure.    

"Les critiques? Je ne suis pas tombé en dépression"

RTSsport.ch: Vous avez donc toujours le feu sacré! Même après avoir été bombardé de critiques depuis votre retour en Suisse en 2007 (après un bref séjour à Phoenix)?

DAVID AEBISCHER:

Parfois, ces critiques étaient justifiées. J'ai été moi-même responsable de cette situation. Je n'ai pas toujours livré les performances qu'on attendait de moi. Dans un sens, cette attitude des journalistes était normale. Je revenais de la NHL, donc on m'attendait au tournant à Lugano. Là-bas, tous pensaient un peu trop vite qu'on allait devenir champions. Et pourtant, notre équipe n'était pas si bonne que ça... Parfois aussi, toutes ces choses négatives dites sur moi dans les médias du pays étaient gratuites. Mais je ne suis jamais tombé en dépression.

RTSsport.ch: Certains ont peut-être un peu vite oublié votre rôle de pionnier helvétique en NHL, vous ne pensez pas?

DAVID AEBISCHER: Dans le sport c'est comme ça. Ce qui compte, c'est le présent. Pas le passé. C'est simplement dommage que certains médias, en Suisse, recherchent trop souvent la polémique. En Amérique du Nord, les analyses sur mes prestations étaient plus honnêtes. Les journalistes s'intéressaient seulement à l'aspect sportif. Même à Montréal, où le hockey domine la vie de tous les jours. Du coup, j'y acceptais mieux les critiques.

"Colorado, c'était "mon" club"

RTSsport.ch:Malgré cette expérience mitigée à Lugano, vous aviez quand même tenté une dernière fois de rejoindre la NHL, en 2011-12 à Winnipeg. En vain, hélas...

DAVID AEBISCHER: J'avais fait un bon camp d'entraînement en début de saison avec les Jets. Puis je me suis blessé dans le club ferme en AHL, à St-John's, alors que j'étais sur une bonne lancée entre novembre et décembre. Sans cela, j'aurais peut-être reçu ma chance à Winnipeg. Mais je ne regrette rien. J'aurai au moins essayé, et j'ai appris beaucoup de choses.

RTSsport.ch: Votre départ forcé de Colorado pour Montréal en mars 2006, suite à un échange, vous le regrettez encore?

DAVID AEBISCHER:

Cet échange n'était pas forcément négatif. Mais c'est clair, Colorado, c'était "mon" club. Le problème pour moi, c'est que Cristobal Huet jouait super bien à Montréal. Et c'était donc dur d'obtenir du temps de jeu, et d'accepter de devenir gardien no2, après 2 saisons comme no1. J'aurais sûrement pu mieux gérer cette situation. Et ça se serait peut-être mieux passé si j'étais resté à Colorado. Mais c'est facile de dire ça après coup... En tout cas, on s'entendait bien avec "Cristo" et Mark Streit. On est encore maintenant de bons amis.

"Jouer en NHL, avant, c'était comme aller sur la lune"

RTSsport.ch: Personne ne pourra vous enlever la Coupe Stanley gagnée en 2001 avec Colorado. D'être le premier Suisse à l'avoir remportée, ça vous rend fier?

DAVID AEBISCHER: Maintenant, je commence à être fier de ça, oui. Mais sur le moment, quand j'ai eu la Coupe dans les mains, je n'ai pas pensé au fait que j'étais le premier Suisse à la gagner. Je me rappelais plutôt tout le chemin que l'équipe avait fait pour en arriver là. Cette saison-là, j'avais la chance d'être le remplaçant de Patrick Roy, l'un des meilleurs gardiens de tous les temps. Ca n'a pas été facile de lui succéder deux ans plus tard comme no1. Mais j'avais alors connu ma meilleure saison. Tout s'était bien passé. 

RTSsport.ch:

Votre détermination à réussir en NHL a certainement contribué à changer les mentalités chez les hockeyeurs suisses.

DAVID AEBISCHER:En 1998, quand nous avons fini 4es du Mondial à domicile avec l'équipe nationale, je sentais que l'état d'esprit était en train de changer. Parmi mes autres bons moments, il y a eu la médaille de bonze au Mondial M20 en 1998, et les JO de Turin en 2006. La Suisse a énormément progressé durant ces 20 dernières années. Maintenant, 11 Suisses jouent en NHL. A mes débuts, jouer là-bas, c'était presque comme aller sur la lune! Mais les nouvelles technologies ont rendu la NHL plus accessible. Les jeunes peuvent maintenant suivre ce championnat tous les jours.

RTSsport.ch: Martin Gerber (à l'interview sur RTSsport.ch mercredi) s'était engouffré dans la brèche que vous aviez créée en NHL deux ans après vous. Un mot sur lui?

DAVID AEBISCHER: Martin, je le connais depuis longtemps. C'est un super bon gars. On donnait parfois l'impression d'être en concurrence, mais on est amis. On allait manger ensemble dès qu'on le pouvait quand on était tous les deux en Amérique du Nord.  Je l'apprécie vraiment. Le fait que ce soit un bon gardien, ça, les gens le savent déjà.

Propos recueillis par Michaël Taillard - twitter @michaeltaillard